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Réponse à l’édito de Jacques Julliard
de Roger Lenglet
Si l’argent noir des syndicats reste un tabou, ce n’est pas seulement parce qu’il cache la faiblesse du nombre de syndiqués. La vérité la plus inavouable soulève la question de leur indépendance : car voilà, ce sont les directions d’entreprises qui jouent les mécènes discrets. Ce qui n’aiguise pas vraiment les ardeurs syndicales… Il est grand temps que les salariés ouvrent les yeux et imposent des règles saines à leurs représentants.
"Il n’est pire sot que celui qui ne veut pas entendre…" Ce dicton a pris un sens extravagant à mes yeux depuis le 17 mai 2008, jour de la sortie de L’argent noir des syndicats [1]…
J’ai mené cette enquête avec deux syndicalistes très actifs, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, récompensés en 2006 par l’association Anticor pour leur lutte contre la corruption et leur opiniâtreté à défendre les salariés (voir la note concernant les auteurs). Inquiets de voir les grandes organisations signer de plus en plus facilement des accords vidant le droit du travail et les acquis sociaux, nous avons voulu en savoir plus. En plongeant notre nez dans les grandes entreprises, nous avons pu détailler la manière dont elles caressent des acteurs du monde syndical pour les endormir.
Notre livre dresse un état des lieux et lance une alerte, mais c’est d’abord un vade mecum pour mieux savoir se défendre face aux employeurs et obliger les syndicats à se bouger les fesses. De nombreux syndicalistes de tous bords nous soutiennent depuis le début de cette enquête, furieux contre la mollesse chronique de leur hiérarchie et les accords scandaleux passés dans leur dos au cours des dernières décennies. Certains qui ont témoigné dans le livre le paient d’ailleurs aujourd’hui très cher en se faisant virer de leur organisation.
Le bal des faux culs
Au lieu de provoquer un réveil du monde syndical et des syndiqués, les faiseurs d’opinion qui commentent le livre feignent souvent l’indignation en faisant croire que c’est une charge contre le syndicalisme. Nous qui défendons à chaque page les syndicalistes qui restent intègres et relatons leurs luttes contre les corruptions ! Certains journalistes le font même passer pour une attaque contre les travailleurs, pour un mauvais coup de la droite ou du gouvernement.
Dans son édito du Nouvel Obs, Jacques julliard donne le ton en nous présentant comme des alter ego de Jacques Marseille, l’économiste de droite qui bouffe du syndicat à longueur d’année et s’acharne contre la protection sociale. Le même laisse entendre que nous sommes un commando de Sud Solidaire. Jacques Julliard ne se demande pas pourquoi le Nouvel Obs juge bon de reproduire, dans le même numéro, des extraits de notre enquête sur quatre pages et s’en inspire sur trente pages !
Je reviendrai un autre jour sur les raisons de cette curieuse attitude des uns et des autres, en détail. Elles valent le détour.
Affrontons les vraies questions
Qu’ont obtenu les entreprises en échange du soutien financier qu’elles apportent aux syndicats depuis des années ? Alors que tout le monde semble répète comme un seul homme que les syndicats ont dû compenser la perte des cotisations auprès de syndiqués, ne faut-il pas oser dire enfin que ce sont les financements qui les ont détourné des salariés ? Est-il possible de parler du financement des syndicats et des conditions de leur indépendance sans être accusé de servir la droite ? Examiner la réalité en face et déplorer les paralysies des organsiations nous vaut d’être taxé d’anti-syndicalisme par ceux qui restent éloignés des salariés, alors nous sommes sur le terrain pour les défendre. La simple et terrible vérité est que les employeurs, bien au-delà des lubrifications de l’UIMM, ont largement transformé la scène syndicale en simulacre de rapport de forces .
J’ouvre ce blog parce que je crois qu’il possible de lutter contre les stratégies corruptrices des grands groupes privés et de leurs lobbies. Parce que je refuse de voir enterrer le syndicalisme de lutte et qu’il soit remplacé par des accords que plus personne ne cherche vraiment à comprendre et qui ressemble de plus en plus à de l’absraction lyrique. Des accords que trop de médias présentent comme des bulletins météorologiques de la vie sociale annonçant la fatalité du temps.
Avec Jean-Luc et Christophe, nous pensons que la passivité de nos syndicats a un rôle déterminant dans le fait que le taux de syndiqués en France est devenu le plus bas des pays développés. Nous sommes frappés par le fait que ce taux ait été divisé par cinq depuis les années 1970 alors que, dans le même temps, le nombre des permanents syndicaux a été multiplié par le même nombre. L’argent des syndicats ne vient plus des syndiqués (on ne va même plus chercher leurs cotisations, le plus souvent). Les salariés sont devenus les seuls gêneurs pour ceux qui veulent danser en rond !
Ce blog offrira aussi l’occasion de présenter les réactions autour de cette enquête et de ce combat.
je vous invite à m’apporter vos réflexions, témoignages et documents.
Roger Lenglet
Les auteurs du livre
Roger Lenglet est philosophe et journaliste d’investigation. Auteur d’une trentaine d’ouvrages, il a publié notamment Profession corrupteur (éd. Gawsewitch, 2007) et L’eau des multinationales- Les vérités inavouables (avec Jean-Luc Touly, Fayard 2006). Membre d’Anticor (association de lutte contre la corruption).
Les deux autres co-auteurs sont Jean-Luc Touly (salarié de la CGE depuis 1976, ex élu CGT, juge prud’homal, président de l’Association pour le contrat mondial de l’eau France, membre d’Anticor et du conseil scientifique d’Attac), et Christophe Mongermont (secrétaire général des syndicats Force ouvrière du groupe Veolia secteur eau, salarié de la CGE pendant 20 ans, lauréat du prix d’éthique d’Anticor 2006, à l’origine nombreuses jurisprudences sociales, spécialiste du droit du travail).
Notes
[1] Fayard)
Messages
1. Syndicats : la terrible vérité, 24 mai 2008, 17:33
Que le ménage soit fait, les syndiqués ont tout à gagner. Il ne peut pas y avoir collusion entre le syndicalisme et le patronat tant que ce dernier joue un rôle aussi néfaste que méprisant à l’égard du salarié.
2. Syndicats : la terrible vérité, 24 mai 2008, 20:29
l’argent des caisses de l’uimm ne servait-elle pas aussi à créer des syndicats jaunes cad des syndicats manoeuvrés par le patronnat de la métallurgie qui recrutaient en échange de cadeaux...?
3. Syndicats : la terrible vérité, 24 mai 2008, 21:00, par Patrice Bardet
la terrible vérité ? laquelle ? Que les syndicats aient toujours cherché à soutirer le plus d’argent possible au patronat, cela n’est pas choquant, mais de tradition, comme la perruque
Ce livre (que je lirai, comme j’ai lu celui de Gérard Filoche) est fort opportun : il vient alors que le scandale de l’UIMM (récurrent) a éclaté. Les médias aux mains du patronat (euphémisme, puisque même l’Humanité a perdu son indépendance -de notre faute, ne fuyons pas-) ne cessent d’allumer des contre-feu
Je me marre en constatant que "l’enquête" sur le CCAS d’EDF est enlisée depuis 2004 : nul doute qu’elle resurgira fort opportunément dans quelques mois, à l’occasion des élections prudhommales
Je déplore que Jean-Marie Touly règle ses comptes de cette façon avec la CGT : candidat FO depuis 2004, cela jette quelque doute sur sa sincérité
Il se peut que je quitte la CGT un jour, découragé par les luttes d’appareil, mais aller à FO ? financé par la CIA ? recyclage de tous les fascistes et collabos ?
Aller vers SUD, j’aurais pu comprendre....
Jamais je n’abandonnerai la lutte des classes pour la lutte des places : c’est ce que fait jean-marie
1. Syndicats : la terrible vérité, 25 mai 2008, 01:33, par Jean Claude Goujat
Ces sous entendus sur l’affaire de UIMM,ou sur la déclaration de Gauthier Sauvagnac,on parle de fluidifications des rapports sociaux,qui dérapent immédiatement sur :"la CGT(pas les autres bien sur)à touché".
Alors que les enquêteurs eux même déclarent :"rien dans les éléments que nous avons ne nous permet de le dire" et que bien entendu cette infos n’est surtout pas relayée par les médias,parce qu’il faut absolument jeter la suspition sur les syndicats et en particulier la CGT.
Et tout ça au moment même ou le pouvoir Sarko-Parisot s’attaque aux acquis sociaux.
Et personne ne se pose de question sur le pourquoi du comment du surgissement de certaines "affaires".
Et comme le fait remarquer le camarade,l’enquête sur le CCAS d’EDF qui s’enlise et qui est ressorti à deux occasions:les élections professionnelles et la remise en cause des caisses de retraite d’EDF.
Ce qu’il faudrait demander :"dit moi qui tu sert je te dirais qui tu es"
JCG
2. Syndicats : la terrible vérité, 25 mai 2008, 17:26
Non, cet argument n’est pas sérieux. Rien à foutre que ce soit choquant ou pas, chacun sa morale. La question ce sont les incidences sur les pratiques et mon expérience d’un bureau syndical CGT (non, je ne donnerai pas de noms !) ma montré qu’elles étaient néfastes et que le syndiqué de base n’a rien à faire avec ces dirigeants (qui n’ont rien d’une conscience communiste). Nous n’avons rien a gagner avec cette posture. Mais je ne suis pas passé à F.O.
Tu as raison tout de même d’être vigilant sur la sortie des "infos".
4. Syndicats : la terrible vérité, 25 mai 2008, 09:49, par Bernard Adrian
Dans le secteur public, les postes de permanents syndicaux sont financés par l’employeur et personne n’y trouve à redire : c’est une conquête sociale.
Que dans le secteur privé, une ou des organisations syndicales obligent l’employeur à financer une partie de l’activité syndicale n’a rien de choquant en soi. C’est autre chose si c’est l’employeur qui est à l’initiative et qu’il crée de toute pièces un syndicat jaune.
L’article ci-dessus ne nous apprend rien et ne donne pas envie de lire le livre : le raisonnement de l’auteur (c’est pourtant son métier de raisonner, il me semble) part d’un préjugé : la compromission des directions syndicales. Il est vrai que c’est dans l’air du temps et que ça fait vendre. Et c’est aussi le fond de commerce des organisations d’extrèmes gauches.
À quoi sert ce préjugé ? À interdire aux salariés de s’organiser.
1. Un auteur du livre répond, 25 mai 2008, 14:11, par Roger lenglet
Si ces financements ne posent pas de problème, pourquoi les syndicats ont-ils attendu que nous les dévoilions nous-mêmes ? Vous avez parfaitement le droit de penser que le financement des syndicats de salariés par les directions d’entreprise n’est pas contre-nature. Vous pouvez même croire que cela n’altère pas leur indépendance. Nous rappelons d’ailleurs dans le livre que ces financements (qui deviennent toujours un argument de poids des patrons lors des négociations) peuvent être considérés comme des ingrédients du compromis obtenu (tous les responsables syndicaux que nous interrogeons le reconnaissent). Vous voyez que nous restons très ouverts, contrairement à ce qu’affirment ceux qui nous critiquent férocement et qui tentent de dissuader les autres de lire notre enquête.
Mais croire que la liberté des syndicats n’y perd pas en échange ou que la conflictualité n’en est pas édulcorée ne va pas de soi (c’est pourquoi, par exemple, les législations des pays scandinaves posent que les financements par les directions d’entreprise fragilisent leur indépendance et les sanctionnent).
Quant à partir de l’a priori que cela ne doit pas soulever de questions et faire preuve de prudence relèverait de l’aveuglement et, d’ailleurs, mettrait en péril la vocation des syndicats de salariés. Il faut avoir le courage d’affronter les réalités et les exigences que ce système impose si on veut l’officialiser.
Autres questions à ce sujet : sans transparence là-dessus, lors des négociations, comment les salriés peuvent-ils exercer leur discernement ? Les syndiqués doivent-ils accepter les accords signés sans comprendre ce qui a été gagné et négocié ?
Des leaders syndicaux de premier plan nous ont confessé, dans le cadre de notre enquête, que l’UIMM verse chaque année des subsides non négligeables à leur syndicat et aux autres organisation "en toute légalité" (Cf ; notre livre et site Backchich). Ils reconnaissent aussi qu’une grande partie de ces versements varie en fonction des conflits traversés les mois précédents, et que ça pose en effet un problème pour conserver toute l’indépendance requise (Cf. notre livre).
Enfin, concernant nos "motivations cachées" ou notre prétendu sens de l’opportunité (certains ont même dit que Sarkozy nous télécommandait) : nous avons démarré notre enquête plus d’un an avant que n’éclate l’affaire de l’UIMM (par ailleurs, je critique régulièrement les pratiques des entreprises de l’UIMM depuis 1995. Cf L’affaire de l’amiante, 1996, etc.).
Avec Jean-Luc Touly, j’ai aussi révélé les pratiques de "fluidification sociale" envers des syndicalistes de la CFDT, de FO et de la CFDT (souvent individuelles et ne profitant pas du tout au syndicat) en 2003 dans L’eau des multinationales. Mais, là encore, on nous a dit que ce n’était pas le bon moment et que nous faisions le jeu du patronat.
Dites-nous quand le moment sera opportun de se remettre au boulot sur le sujet. Mais n’attendez pas trop car, en attendant, le syndicalisme est de plus en plus intrumentalisé par les entreprises. A moins qu’on choisisse définitivement le slogan : "Ne désepérez pas Billancourt". Mais on ne soigne rien en cachant les thermomètres et les radiographies.
J’attends encore qu’on me démontre que le voile de l’ignorance est meilleur en ce domaine. Il ne s’agit pas du tout d’annoncer aux salariés que le syndicalisme est condamné à mourir, mais de de le sortir de cette perfusion qui l’endort.
Roger Lenglet
2. Un auteur du livre répond, 25 mai 2008, 17:32
Entièrement d’accord sur la démarche et merci.
Il n’empêche que ça serait bien d’avoir une réponse sur la remarque de Patrice Bardet :
parce que si c’est vrai je pense comme lui.
Dans l’attente
5. Syndicats : la terrible vérité, 25 mai 2008, 15:17, par bipède
Merci Roger Lenglet. De continuer à parler, de ne pas abandonner. De faire face à la méfiance, de ne pas désespérer.
Ce qui se reproduit sans cesse : celui qui tente d’alerter les victimes est combattu ou rejeté par les victimes, qui s’en remettent à leurs exploiteurs...
Pour ceux qui veulent des noms (il est évident que Roger Lenglet n’aurait pas pu faire paraître les informations s’il avait exigé que ses informateurs paraissent à découvert), ils peuvent aller en voir sur les sites d’Anticor et des Amis d’Anticor. Des chiffres aussi. Ils peuvent aussi lire ce qui se passe dans un pays voisin, c’est toujours moins violent de savoir quand c’est plus loin, même si ça ressemble à des histoires trop familières :
Allemagne : de dirigeant syndical au poste de directeur des ressources humaines, le cas de Norbert Hansen
Par Stefan Steinberg
24 mai 2008
Après des années de débats et l’élaboration de diverses propositions alternatives et de documents de travail, le cabinet ministériel du gouvernement allemand de grande coalition unissant démocrates-chrétiens de la CDU-CSU et sociaux-Démocrates du SPD a accepté le 30 avril la privatisation partielle du système national des chemins de fer allemands. Huit jours plus tard, Norbert Hansen démissionnait de son poste de président du syndicat de cheminots Transnet pour occuper le poste de directeur des ressources humaines et affaires sociales à la Deutsche Bahn (DB, chemins de fer allemands).
Il n’y a aucun hasard dans le timing de ces deux événements. En tant que président de la plus grande centrale syndicale de cheminots allemands comptant 270 000 membres, Hansen, qui est âgé de 55 ans, avait été pendant un certain nombre d’années le principal acteur de la privatisation. A présent, il a été récompensé ouvertement et impunément pour la campagne qu’il a menée en faveur de la privatisation par un siège au directoire de la nouvelle entreprise et une augmentation de salaire correspondante.
Les articles parus dans les médias allemands et concernant son changement de camp, passant du siège syndical à celui de l’entreprise, expriment la compassion pour les moments de doute et d’hésitation qu’il a eu avant d’accepter le nouveau poste........>>
... pour lire la suite, modèle du processus qui ne cesse de se reproduire... peut-être jusqu’à ce que ceux qui ne veulent pas entendre Roger Lenglet les alerter aujourd’hui aient tout perdu, et tous les autres avec eux ? :
http://www.wsws.org/francais/News/2008/mai08/hans-m24.shtml
6. Syndicats : la terrible vérité, 25 mai 2008, 18:21, par Rappel
IUMM FLUIDES OU FUITES !
42 commentaires
IUMM FLUIDES OU FUITES !
Ca y est , il ont trouvé un pot de 160 millions dans les caisses de cette représentation patronale. Les syndicats crient a la désinformation, forcément ils n’auraient pas choisis de nous le dire.
Eh ! oui les gars c’est Parisot qui nous paient nos apéros. Des billets pour terminer les grèves bref , le syndicalisme français vat cette fois prendre une claque qui fera date. Certain que certaines tètes vont tomber, comment dans ce cas, écouter encore les discours des confédérations.
Néanmoins si les électeurs qui sont preneurs de démocratie participative, ils ne devraient pas oublier qu’il serait aussi nécessaire et tout d’abord de participer au financement de leur représentation syndicale, cette usure du syndicalisme français, n’est en rien de la responsabilité des dirigeants ou encore moins des militants syndicalistes, cette usure et ce discrédit est de la responsabilité de tous les citoyens, qui réclament de la participartion démocratique six mois avant les élections et depuis qu’es qui ce passe !
Rien !! nos sociètés commerçantes ont depuis deux décennies racheter ce concept de syndicats a consommer, comme pour une assurance, les adhérents sont la plupart temps des militants s’assurants, d’autre beaucoup plus chagrin, n’hésite pas a s’en servir comme d’une nurserie ou pire .......
C’est cout mais c’est dommage, il fallait bien que cela nous arrive en ce moment .
Skapad.