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TU SERAS TRADER MON FILS !

Publie le vendredi 28 août 2009 par Open-Publishing
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LETTRE A UN FILS VIRTUEL

Ayant atteint l’âge du raisonnement durable, pour tes 20 ans d’intoxiqué
d’informatique et par les métaux lourds, cloîtré dans ton 4x4 bunker, rejetant la bagatelle de 300g de c02au km, mais chaussé de pneus verts pour sauver la planète, tu seras alors en mesure de t’élever dans l’échelon antisocial.

A un poste de « leader-chips » standard.C’est ainsi que l’on progresse maintenant aux antipodes des foutaises d’un monde meilleur espéré par les hippies chevelus de 68 ou de Woodstock 69.Tu m’as souvent reproché de n’être qu’un pauvre has been, un radoteur remixé de justice et d’humanité ; sur un solo de guitare de Jimi Hendrix et envoûté par la voix de Joan Baez. Bref, un poilu contestataire des barricades de mai.

Un ancien combattant dans la lignée des révoltés de 36.Un rebelle en somme.

C’était le temps ou les chanteurs n’avaient pas forcément de la voix, mais tout au moins, se mobilisaient pour défendre quelques valeurs, à leurs yeux, nobles et justes.

A présent il faut montrer son « Q » sous toutes ses facettes grassouillettes et siliconées comme dans « Secret Story ».Le QI de base, lui, victime d’une forte fièvre, s’est couché sur la paillasse des navets médiatiques.

Toi, tu passes des jours, que dis-je, des nuits entières au chevet des bourses mondiales. Voilà ton credo, ton rêve, celui du désir d’avenir de tes semblables ?

Trader ou expert en nonos pour criminologie. Sacré choix !

Avec un tout petit peu de chance et beaucoup de vénalité, tu mettras de côté un paquet de bonus, lessive bancaire devenue banale.Avec la complicité de ton chef.De quoi s’offrir quelques apparts ou villas au bon goût de côte bulgare, ou, pourquoi pas, sur la riviera bretonne déjà très bétonnée.

On y vend de superbes fermettes en style néo-parisien, paraît-il.

Parfois, tu surferas sur le portail du Vendée Globe, pour assister au départ des
brontosaures nautiques, larguant les amarres, hissant bien haut le nom de la banque
renflouée par l’état. Par nos impôts locaux donc.

Très cher fils, mes documents ici présents, me parlent encore de poésie, de sensibilité d’écriture et autres balivernes.Ils n’étaient pas traders, en effet, les Cendrars, Verlaine, Baudelaire, Xavier Grall, Glenmor et quelques autres inutiles ici-bas.

Toi, tu ne rêves plus .Tu fais des cauchemars plutôt.Peuplés de placements douteux, de coups bas et tordus comme le vieux chêne de notre talus, rescapé, lui, des remembrements. Et ta vie s’écoule ainsi identique à ce monde speedé, accaparé par les spidermen des cotations internationales. Du lundi au dimanche inclus.

A chatter sur le dernier iPhone explosif, avec tes potes déjà congelés par le capitalisme renaissant, relooké en libéralisme de technocrates.
Tes potes acculturés, adeptes de l’asepsie du langage vrai et de la poésie minimale.

Un jour tu verras, on s’aimera peut-être, mais surtout, l’imagination reviendra au pouvoir. Avec quelques poètes rebelles.

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