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Tchad : La France se repositionne

Publie le jeudi 7 décembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Tchad : La France se repositionne

Le Messager (Douala)

1 Décembre 2006
Publié sur le web le 4 Décembre 2006

Ambroise Ebonda

La visite du locataire de Matignon à Ndjamena et Pretoria, comme symbole de la nouvelle politique africaine de Paris.

Dominique de Villepin est de nouveau en Afrique. Le Premier ministre français a entamé jeudi, par le Tchad, une mini - tournée africaine qui devrait le conduire ce vendredi en Afrique du Sud. A Ndjamena, le locataire de l’ Hôtel Matignon a eu des entretiens avec le président tchadien Idriss Deby et a rendu visite aux troupes françaises du dispositif "Epervier" déployé à Ndjamena depuis 1986. Ce qui ne manque pas d’apparaître comme un soutien clair et résolu de Paris au régime Deby menacé par des rébellions.

En Afrique du Sud où des entretiens sont également prévus avec le président Thabo Mbéki, Dominique de Villepin devrait prononcer dans une université de Johannesburg, un discours sur le "nouveau partenariat" nécessaire entre la France, l’Europe et l’Afrique face à la mondialisation. Une troisième escale était prévue à Brazzaville au Congo, où le Premier ministre français devait s’entretenir avec le maître des lieux et président en exercice de l’Union africaine, de sujets importants qui interpellent l’Afrique aujourd’hui, la crise au Darfour, l’immigration, entre autres. Mais, l’étape de Brazzaville a été annulée au dernier moment, le président congolais Denis Sassou Nguesso étant en convalescence en France.

Enjeux

Cette visite, dit-on à Paris, était prévue pour le mois de juillet, mais n’avait pas pu avoir lieu à cause de la crise au Liban. L’annulation de l’étape du Congo, indique peut-être que la programmation de la mini - tournée en cette fin d’année a été improvisée, sans doute pour des raisons de politique internes en France. Le départ pour l’Afrique le jour même où Nicolas Sarkozy doit annoncer sa candidature à l’élection présidentielle ne permet-il pas au Premier ministre français de minimiser cette candidature de son ministre et rival ?

Mais cette mini-tournée répond aussi à un besoin de réaffirmation de la politique africaine de la France. Elle intervient à un moment où la France est passablement dans l’impasse sur le continent et peine à faire valoir son influence sur certaines de ses anciennes colonies, avec une image sérieusement écornée. Il y a une semaine, le Rwanda a rompu ses relations avec la France et mis à la porte l’ambassadeur français. En Côte-d’Ivoire, la rue abidjanaise n’a pas cessé de réclamer la fermeture de la base française du 43e Bima et le départ des troupes françaises de l’opération Licorne, voire la rupture du cordon ombilical avec Paris. Ailleurs, en Centrafrique et au Tchad, l’intervention des militaires français en soutien à des régimes peu soucieux de la démocratie et en proie à des rébellions, est très controversée. Dominique de Villepin vient donc réaffirmer la présence de la France en Afrique, malgré ces difficultés.

Présence

La France est partie pour rester. Même si l’irruption sur le continent, des institutions de Bretton Woods et de nouvelles puissances telles que la Chine, limite considérablement son influence, la France qui compte quelque 250 000 ressortissants sur le continent, est là et bel et bien là. Elle n’est plus tout à fait dans cette Afrique dont Louis Guiringuaud disait qu’elle est le seul continent où la France " peut encore, avec 500 hommes, changer le cours de l’histoire ". Mais, des soldats français continuent de jouer les gendarmes sur le continent, avec la bénédiction des Nations, Unies, en Rdc, au Soudan et en Côte-d’Ivoire notamment. De plus, sur le plan économique, la France reste le premier fournisseur et le premier client de l’Afrique.

Et si Paris tient à rester, ce n’est pas par amour pour l’Afrique. Il y va de sa grandeur, et même de sa survie. Sans l’Afrique, la France serait une vieille voiture sans carburant. François Mitterrand ne reconnaissait -il pas que " sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle " ? L’Afrique, il faut le savoir, est le continent le plus rentable pour la France. Quand la France exporte pour 600 milliards de francs en Amérique du Nord, elle ne récolte qu’un bénéfice de 50 milliards de francs. Par contre, il suffit qu’elle exporte pour 150 milliards de francs seulement en Afrique, pour réaliser un bénéfice de 40 milliards de francs ! En 2001, près de 80% des filiales et succursales des entreprises françaises implantées en Afrique ont été bénéficiaires. Outre le cash-flow qu’elle lui apporte, l’Afrique est un réservoir de voix pour la France à l’Onu, et devrait l’être aussi à l’Omc, pour faire contre - poids aux Anglo-saxons.

Double discours

En restant, la France a pris le soin de réadapter sa politique à la nouvelle donne née de la fin de la guerre froide. Elle a appris à sortir de son pré - carré pour s’investir au-delà. Elle tient désormais un double discours sur le continent : un discours économique et un discours politique. Le voyage actuel de Dominique de Villepin, à Ndjamena et Johannesburg, est le reflet même de ce nouveau positionnement. La France fait de la politique dans ses anciennes colonies où elle veut, comme en Côte-d’Ivoire, continuer à opposer son veto dans le choix des dirigeants, ou, comme en Rca et au Tchad, imposer et soutenir les régimes qui lui sont acquis. Au-delà de ses anciennes colonies, la France ne fait plus la politique, elle fait les affaires. Ses principaux partenaires économiques africains ne sont plus aujourd’hui la Côte-d’Ivoire, le Cameroun et le Gabon, voire le Sénégal, mais plutôt l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Angola, et même le Kenya.

Messages

  • Merci pour cet article.

    Le Messager (quotidien camerounais) nous montre que les africains sont tout à fait informés et lucides sur l’impérialisme français en Afrique.
    Le niveau de conscience sur ce sujet, même parmis les gens n’ayant pas fait de longues études est infiniment plus développé en Afrique que chez nous où nous nous contentons le plus souvent d’entretenir un regard misérabiliste.

    Méfions nous du retour de baton ...

    Jips

    • Bonsoir,
      Je suis d’avis de l’oposant centrafricain qui dit : " la politique française n’a pas de crédibilité en Afrique car elle est faite à la tête de clientele" et j’ajoute que chaque fois en Afrique Francophone lorsque l’on croise un français on pense à nos malheurs.
      Depuis Tiringoulou Peninnah