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Trichet ne fera pas de cadeau à la France

Publie le mardi 25 septembre 2007 par Open-Publishing

Trichet ne fera pas de cadeau à la France

POLITIQUE MONÉTAIRE | 00h05 Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, s’est exprimé hier à Lausanne sur fond de bras de fer médiatico-économique engagé par Nicolas Sarkozy.

Tourner autour du pot. Survoler le général en cercles concentriques pour mieux se faire comprendre sur le particulier. Voilà l’exercice par excellence imposé à tout président de banque centrale et auquel s’est livré Jean-Claude Trichet hier à Lausanne à l’invitation de la Fondation Jean Monnet. Mais pour compliquer encore la manoeuvre, le président de la Banque centrale européenne (BCE) devait en plus marcher sur des oeufs dans un contexte qui s’est considérablement tendu ces derniers jours sur la scène européenne. Face à un public presque amusé, le Français a fait preuve de tout son savoir faire.

Le grand argentier a d’abord énuméré les succès de la monnaie unique, le plus important d’entre eux restant à ses yeux la création de 13 millions d’emplois depuis son lancement, soit plus que ce qu’a pu accomplir « l’économie-soeur nord américaine » dans le même temps.

Malgré sa prudence de Sioux Jean-Claude Trichet faisait preuve d’une grande décontraction après les critiques lancées contre lui la veille encore par le président français Nicolas Sarkozy, qui l’invitait implicitement à imiter la Réserve fédérale américaine en abaissant ses taux directeurs pour relancer l’économie de la zone euro. Lire de la France. Ce n’est que la dernière pique en date de la part du locataire de l’Elysée et de son entourage (lire encadré) accusant expressément Jean-Claude Trichet de porter une « responsabilité énorme » quant à la situation économique défavorable que connaît la France d’aujourd’hui.

On ferme les yeux

En substance, Nicolas Sarkozy voudrait que son compatriote en charge de la politique monétaire européenne lâche la bride de l’orthodoxie financière en fermant les yeux sur le déficit budgétaire français et en abaissant ses taux d’intérêt, ce qui, selon lui, regonflerait la croissance malgré les risques d’inflation.

Début septembre, la BCE avait d’ailleurs renoncé a élever son taux directeur comme attendu avant le déclenchement de la crise financière américaine. Mais ce n’est probablement que partie remise, vu la pression que fait peser le cours du pétrole sur le niveau des prix.

Le ton employé par Nicolas Sarkozy à l’égard de la BCE provoque des aigreurs jusqu’au sein du « couple sacré » franco-allemand. En réponse, le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück faisait remarquer hier que « ce n’était pas la fin du monde » si les responsables politiques « arrivent à des conclusions divergentes sur des questions de politique monétaire ».

De son côté, Jean-Claude Trichet s’en tient à son credo, partagé « par l’ensemble des grandes banques centrales, qui pensent que le contrôle de l’inflation est le meilleur moyen de garantir la croissance » à moyen et long terme, en ajoutant : « C’est aussi ce que pense mon collègue américain ». « L’euro est un succès en voie d’achèvement, et ce n’est pas le moment d’être complaisant », a-t-il conclu, serein. Car cet ancien gouverneur de la Banque de France en a vu d’autres. Surnommé « l’Ayatollah du franc fort » dans l’Hexagone, l’homme avait déjà fait face, en son temps, à des critiques similaires adressées par Jacques Chirac et Lionel Jospin.