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Un accord modifie le régime des intermittents

Publie le vendredi 27 juin 2003 par Open-Publishing

Le protocole signé par les organisations patronales et trois
syndicats, vendredi 27 juin, modifie le mode de calcul de
l’indemnisation des professions du spectacle pour réduire le déficit
de l’assurance-chômage. La CGT, majoritaire, n’a pas signé. Elle
annonce une forte mobilisation pendant les festivals.

Au terme de neuf heures de négociations marathon au siège du Medef à
Paris, un protocole d’accord modifiant le régime des intermittents du
cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle a été signé, vendredi
27 juin au petit matin, entre les organisations patronales - le
Medef, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises
(CGPME) et l’Union professionnelle artisanale (UPA) - et seulement
trois organisations syndicales - la CFDT, la CGC et la CFTC - sur les
cinq présentes autour de la table.

Ni la CGT ni FO n’ont paraphé ce document qui vise à réduire le
déficit du régime d’assurance-chômage appliqué aux intermittents.

La durée de cotisation permettant d’ouvrir les droits à ce régime
spécifique d’allocation-chômage est réduite à dix mois pour les
techniciens et à dix mois et demi pour les artistes (contre douze
mois précédemment), au cours desquels il leur faudra effectuer le
même nombre d’heures de travail qu’auparavant (le fameux cap des
507 heures).

Cette durée de cotisation, qui a été âprement négociée par la CGC,
donne désormais droit à huit mois d’indemnisation (contre douze
actuellement).
Toutefois, les modes de calcul ont été quelque peu modifiés, les
périodes de maladie, de congé de maternité, de formation ou les
activités complémentaires (enseignement musical, court d’art
dramatique, etc.) étant désormais prises en compte.

La durée d’indemnisation s’effectue sur une période "glissante", la
meilleure période de dix mois effectués et non plus celle calculée
sur une date anniversaire d’ouverture de droits. "Grâce à une
accélération du rythme dans la durée d’indemnisation, le système
adopté incite les intermittents à travailler, à le déclarer et à
travailler à nouveau", indique un des négociateurs du Medef.

L’accord prévoit également un contrôle plus strict du salarié et de
l’employeur, cerne mieux les champs d’application du régime des
intermittents et donne rendez-vous aux signataires dans un an, afin
de constater si le déficit s’est effectivement résorbé.

"Les intermittents qui gagnent moins de 100 euros par jour, soit près
de 60 % des intermittents, vont voir leur indemnité augmenter,
précise Danièle Rived, secrétaire générale de la Fédération
Communication et culture de la CFDT. Ceux qui gagnent plus de
100 euros par jour gagneront un peu moins qu’aujourd’hui."

"On ne s’en est pas mal sorti. Si la négociation avait été renvoyée à
l’automne, au moment de la négociation sur tout le déficit de
l’assurance chômage, un accord aurait été beaucoup plus difficile à
trouver. Là, il était possible de trouver un moyen de donner
davantage aux intermittents qu’aux autres chômeurs", ajoute-t-elle.

Pour Michel Coquillon, secrétaire général adjoint chargé de l’emploi
et de la formation à la CFTC, "ce compromis n’est pas parfait, loin
s’en faut, mais il a permis de sauver le régime des intermittents".
Michel Coquillon redoutait que "le Medef exige carrément la fin des
annexes si les négociations étaient reportées à l’automne".

Selon Patrick Bloche, député PS de Paris, ancien président d’une
compagnie chorégraphique et ex-administrateur d’un théâtre, "l’accord
pourra être gérable pour les entreprises de l’audiovisuel mais il
n’est pas adapté à la réalité du spectacle vivant. Les entreprises
culturelles souffrent déjà de la fin des emplois jeunes et bien
souvent du gel ou de l’annulation des subventions d’Etat. Ce nouveau
régime va encore précariser bon nombre d’artistes. De plus, les
intermittents se reconnaissent dans les organisations syndicales non
signataires de l’accord".

Pour les organisations patronales, l’heure était à l’urgence. Denis
Gautier-Sauvagnac, le négociateur du Medef, affirme qu’"avec un
nombre d’intermittents multiplié par deux en plus de dix ans et une
dépense multipliée par quatre, le régime des intermittents était
menacé dans son existence" ; l’accord permet selon lui de "limiter
les dérives tout en sauvegardant l’indemnisation des chômeurs et même
en améliorant leur situation", notamment grâce à "la suppression de
la dégressivité", "l’augmentation de l’indemnisation journalière", ou
encore "une franchise réduite de trente jours qui permet un démarrage
plus rapide de l’indemnisation".

Cet accord devrait, selon M. Gautier-Savagnac, permettre de
"maîtriser des dérives financières qui devenaient insoutenables" tout
en donnant les moyens aux techniciens, aux artistes et aux
professionnels du spectacle "qui veulent vivre de leur travail de
compter durablement sur l’assurance-chômage pour sécuriser leur
parcours professionnel".

Jacques Peskine, président de la Fédération des entreprises du
spectacle vivant de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma
(Fesac), se réjouit de "ce bon accord pour les employeurs" et rend
hommage "au sens des responsabilités des signataires".

Mais c’est peu dire que Jean Voirin, secrétaire général de la
fédération des syndicats CGT du spectacle - très largement
majoritaire dans le spectacle vivant -, n’est pas sur la même
longueur d’onde. "Le rétrécissement des conditions d’entrée va se
traduire par l’éviction de 30 % des allocataires ; ce sont les plus
précaires, qui touchent 15 euros de cotisation par jour, qui vont
être virés du système", dit-il.

Une assemblée générale était prévue vendredi 27 juin en fin de
matinée pour décider du maintien de la mobilisation, mais M. Voirin
assurait, dès l’accord signé par les autres organisations syndicales,
que les festivals d’été, notamment ceux d’Avignon et
d’Aix-en-Provence, allaient être très fortement perturbés en juillet.
Au moment même où le gouvernement devra donner son agrément, feu vert
nécessaire pour que la réforme du régime des intermittents puisse
être mise en application.

La CGT, "qui n’a jamais donné l’impression qu’elle souhaitait signer
ni même vraiment négocier", selon la CFTC, bénéficie du soutien sans
faille des professionnels du spectacle. La manifestation, bon enfant,
qui s’est terminée jeudi à Paris devant le siège du Medef, a
rassemblé plus de 8 000 participants selon la police, et deux fois
plus selon le syndicat.

Des milliers de manifestants ont également défilé à Marseille et
M. Voirin a déploré l’intervention des forces de police à Marseille,
Montpellier et Gap. De l’autre côté, des débordements ont été
signalés de la part d’intermittents CGT qui ont fait irruption dans
des locaux de la CFDT. La mobilisation promet d’être intense cet été.

Nicole Vulser


"Une réforme extrêmement violente"

Stéphane Lissner, directeur du Festival d’art lyrique
d’Aix-en-Provence : "Les dernières propositions du Medef sont trop
radicales et risquent de faire sortir du régime des artistes qui
constituent une main-d’¦uvre très qualifiée. Sur les 560 salariés du
festival, la moitié sont des intermittents. Il faut modifier le
système en limitant les abus des employeurs et des salariés, mais, en
France, on attend toujours d’être dans une situation vraiment
dramatique avant de négocier."

Stéphane Braunschweig, metteur en scène : "La réforme du Medef
amènerait ceux qui sont les plus faibles du système - les acteurs et
les artistes - à en sortir. C’est une réforme extrêmement violente,
catastrophique pour l’ensemble du paysage théâtral français. Il
existe un risque de déprofessionnalisation de certains métiers, comme
les techniciens du théâtre."

LE MONDE - EDITION DU 28.06.03
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