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de sans voix
Comment passe-t-on des voitures brûlées à la polygamie ? Comment passe-t-on d’un problème de sécurité publique à des déclarations xénophobes ? Pour Gérard Larcher, ministre délégué à l’insertion professionnelle, la polygamie est « l’une des causes » de la crise des banlieues ; selon Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l’assemblée nationale : "on ne peut pas vivre à plusieurs dizaines dans un appartement" ; il faut donc renvoyer ces polygames à leurs foyers, ce que demande Nicolas Sarkozy, en exigeant de revoir "les conditions de mise en œuvre du regroupement familial". Comment des propos assumés et répétés par des représentants de l’État ont-ils pu être tenus publiquement sans soulever une vague d’indignation et de protestations ? Les événements de ces dernières semaines sont révélateurs d’une stratégie précise, visible depuis plusieurs mois. Par ailleurs, ils appellent les forces alternatives à s’interroger sur leurs absences et leurs carences.
La stratégie politique dont Mrs Accoyer, Larcher et Sarkozy sont actuellement les plus vigoureux fantassins pourrait tenir en une formule : la ségrégation au nom de l’intégration. Face à des problèmes complexes dont les solutions demandent du temps, de l’argent, de la volonté et de l’imagination (éducation, logement, emploi, santé) - solutions qui sont avancées depuis longtemps par des associations et des mouvements sans jamais être prises en compte - des responsables politiques appuyés par des intellectuels médiatiques n’ont qu’une idée en tête : déplacer le débat sur un plan moral et désigner un coupable idéal. Cela permet de restructurer un discours idéologique générateur de voix, notamment d’extrême-droite, aux prochaines élections et de rallier contre ce coupable clairement identifiable une partie des protestataires. Cette stratégie a déjà prouvé son efficacité face au mouvement antiraciste des années 1970-1980. Il a suffi de déplacer la question des discriminations concrètes sur le plan d’un nouvel anti-sémitisme importé du conflit israélo-palestinien pour désigner un coupable idéal, le jeune musulman de banlieue, et retourner ainsi contre lui une partie des juifs qui étaient auparavant à ses côtés dans la lutte aintiraciste.
Le coupable idéal, cette fois-ci, est d’origine africaine. Pour se donner les moyens de le stigmatiser sans risque, il faut auparavant lui ôter toute possibilité de réplique. Une chronologie qui établirait les étapes récentes de cette stratégie anti-Noirs pourrait remonter au 3 février 2005. Ce jour-là a été adoptée une proposition de loi (déposée notamment par un député devenu ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy) portant sur la période de la France coloniale qui mentionne dans son article 4 : « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer ». Étape suivante : les incendies des immeubles parisens, d’avril à août 2005. Les familles des victimes (52 morts au total) sont rapidement passées au rang de coupables. Coupables d’être Noires.
Deux jours après l’incendie de l’immeuble du boulevard Vincent Auriol, le 25 août, Nicolas Sarkozy déclare : « La difficulté, c’est que tout un tas de gens, qui n’ont pas de papiers pour certains, s’amassent à Paris, et qu’il n’y a pas de conditions pour les loger ». Le problème n’est plus celui de l’habitat insalubre, de la crise du logement ou de la spéculation immobilière mais de l’immigration, notamment celle de Côte d’Ivoire, où la France n’est plus en odeur de sainteté. Dans la foulée, Sarkozy annonce l’expulsion d’une centaine d’immeubles. Dès le mois de juin, des rafles ont eu lieu à Paris. Depuis quelques semaines, elles visent exclusivement les populations d’origine noire africaine (notamment dans le quartier Château d’eau). Jusque-là peu présent dans le débat politique, le ministre de l’Outre-mer, François Baroin, a apporté sa pierre à l’édifice. Après un voyage officiel à Mayotte, il déclara dans le Figaro du 17 septembre 2005 qu’il fallait remetttre en cause « le tabou » du droit du sol, en expliquant notamment que des femmes venaient accoucher dans ce territoire français uniquement pour que leur bébé obtienne la nationalité (ce qui est une contre-vérité : un enfant de parents étrangers né sur le sol français n’obtient la nationalité qu’à partir de 13 ans et qu’à certaines conditions, notamment la durée du séjour sur le territoire).
Fin septembre, avec les événements de Ceuta et Mellila, s’est renforcée une alliance entre pays maghrébins et européens pour contenir l’immigration d’Afrique Noire. Toujours la même tendance de ségrégation et de division. Enfin, il y eut ces incendies de voitures en banlieue, venus confirmer que les discours sécuritaires de la campagne présidentielle de 2002 avaient pour seul objectif d’engranger les voix d’extrême-droite. C’est sous le ministère de Nicolas Sarkozy que la France a connu sa plus grande flambée de violence depuis plus de vingt ans. Il fallut donc trouver une excuse. La plus efficace, la plus éprouvée, c’est l’étranger. Le Noir, en l’occurrence. Pour nourrir ce rejet, un vieux fond de racisme teinté de nostalgie colonialiste fera l’affaire.
Face à une telle succession de provocations, quelle résistance s’est manifestée ? Laissons de côté les partis politiques, beaucoup plus préoccupés par leurs machineries internes que par la nécessité de construire une alternative durable et crédible. Si les partis sont pour le moins décalés, les autres rouages de l’alternative semblent eux aussi défaillants. Non pas dans l’efficacité de leurs actions propres mais dans l’absence de synergie. Sur le terrain, des mobilisations d’enseignants et de lycéens ont permis d’empêcher l’expulsion de lycéens sans-papiers ; après avoir fait partir les habitants de 10 immeubles sur les 100 annoncés, Nicolas Sarkozy a été contraint de renoncer aux expulsions d’immeubles insalubres devant la mobilisation des riverains et du mouvement social ; des habitants se sont organisés avec succès dans de nombreux quartiers pour entamer un vrai dialogue avec les jeunes, qui s’est avéré plus efficace que la présence policière et contribua à créer du lien social dans un climat appaisé.
Mais quelles paroles fortes a-t-on alors entendu pour condamner et comprendre ? Trop souvent, intellectuels et mouvements alternatifs réagissent à contretemps, sans concertation. Or, si l’on veut construire une alternative durable et solide à l’ultra-libéralisme accompagné du social-libéralisme, il faut absolument faire converger les voix de la complexité et les actions concrètes.
C’est dans cette perspective que nous interviendrons régulièrement dans le débat public. Pour sortir de cette division artificielle où ceux qui pensent ne font que penser et ceux qui agissent ne font qu’agir.
Miguel Benasayag, Michele d’Auria, Jean-Baptiste Eyraud, Vincent Gœneutte-Lefèvre, Gustave Massiah, Annie Pourre, Laurent Rémy, Guillaume Rozoy-Sénéchal, Tatiana Vandenbogaerde : militants d’associations de lutte des « sans ».
Contacts : Miguel Benasayag - 01 43 71 45 23
Annie Pourre : annie@echanges-partenariats.org ou sansvoix@no-log.org
Messages
1. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 00:38
vous pouvez m’intégrer dans votre liste : jean-yves denis.
il parait que l’état d’urgence s’arrête le 4/01 sur ordre de chirac.
bonne nouvelle si c’est vrai.
jyd.
2. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 14:02
Parce qu’en France, une voiture brulée scandalise plus que le racisme, le dénuement, la précarité, la pauvreté (liste non exhaustive)...
Laure
1. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 17:06
DE Claude d’Auvergne à Laure.
la vérité est que "les jeunes de banlieue" ont tout compris de "L’etat et la révolution" sans jamais avoir lu Lénine.
Bien à vous , Claude.
2. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 17:29
De claude de toulouse à Laure
parceque l’on peut etre noir , jaune ou blanc , habiter un quartier pourri , travailler vingt heures par semaine dans une grande surface ou ailleurs , avoir des gosses à qui l’on ne peut rien offrir , avoir une bagnole à 300000 kms au compteur , en avoir besoin pour aller bosser , et trouver trés con de la retrouver cramée dans son quartier pourri , par un vilain matin !
c’est tout simple , peut etre trop simple ?
claude de toulouse .
3. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 19:54
Les jeunes de banlieues ont "tout compris de la révolution sans avoir lu Lénine" ?
Je crois bien, hélas, que seuls les quatre derniers mots de la phrase correspondent à la réalité....
4. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 21:20
Non Claude, cela n’est pas trop simple et bien compréhensible...
Cependant, lorsque "on" s’indigne plus pour cela que pour le reste, permettez-moi d’être à mon tour indignée.
Laure.
5. MATCH NUL, 4 janvier 2006, 08:57
Vous avez tous les deux raisons, mais Laure tire finalement une synthèse réaliste et objective de ces émeutes :
Elles ont avant tout montré publiquement, presque fièrement le matérialisme immoral de nos société de consommation. Certains des jeunes émeutiers ont parfois grandis avec un repas par jour, et ont contemplé plus d’une fois leur frigo tristement vide, et cela dans l’indifférence des voisins et des institutions.
Comment alors espérer qu’il aie la moindre attention quand au bien matériel et d’utilité secondaire de son voisin. Je ne lui done pasplus tort que raison. Nous aurions tous été pareils dans les mêmes conditions.
sc_marcos94
6. > MATCH NUL, 4 janvier 2006, 15:54
c faux. j’habite en Russie depuis un an et demi, les conditions materielles moyennes sont bien pires. Par exemple chez nous on ne creve pas de faim car il y a la notion d’etat de necessite (c un cas limite certes, mais venez raconter a un Russe qu en France on peut toucher 300 euros de RMI, vous verrez sa tete...). Pourtant il n’y a pas d’incivilites ou d’actes stupides (allez, disons suicidaires ou masochistes) comme bruler la voiture de son voisin (je suis pas sur que ca ne viendra pas d’ici quelques annes par contre). Pourquoi ? peut etre parce que bcp plus d’unite ds la pop. L impression d etre ds la meme galere, loin des quelques milliardairesmediatises ches nous (Pauvre Khodorkhovski !). Pas l’impression d’etre parque comme chez nous, devenus inutiles car les chinois sont moins chers pour faire le sale boulot.
Et par dessus ca chez nous, la soupe multiculturaliste made in USA depuis 25 ans qui clame haut et fort le droit a la difference...mais chacun ds son coin ! Du racisme pur. Loin d’une conception universaliste francaise, si proche de la xenophobie parfois, qui veut des etrangers "comme nous" qui s’integrent (c a dire par ex abandonnent la polygamie - qui n’est bien sur par source d’emeute, mais plutot source de vote FN de la part de gens qui me paraissent loin d’etre plus meprisable que les baudruches pseudo-anti-racistes PS ou les fumeux BHL de l’ideologie francaise). On cite souvent "le bruit et l’odeur" de Chirac. C violent, mais ca me parait resumer bien le vote FN (je parle pas des cadres neonazis mais du mythique "francais moyen" ). Il faut vivre loin de ca pour ne pas comprendre le desarroi de gens pris entre leurs convictions "internationale socialiste" et une realite tetue : la polygamie ds un petit logement HLM c moyen. En Russie, tradition xenophobe/non-raciste similaire, avec l’avantage de la langue de bois en moins. Ca choque d’entendre "les Juifs ci, les Juifs ca" en debarquant de France a 25 ans. Surtout venant de gens hebergeant un ami "juif" chez ex pdt un an...puis on se met a penser que le racisme n est peut etre pas la ou l’on pensait.
7. > Un coupable idéal, 6 janvier 2006, 01:27
De claude d’auvergne a ?
M’sieu il n’y a pas d’amour il n’y a que des preuves d’amour.
"La politisation c’est pareil" je suis trop vieux pour qu’on me la fasse.
Bien a vous , Claude
3. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 22:18
oui vous avez raison par "un coupal idéal" effectivement c’est toi moi nous vous, eux :
– Toi, car il parait que tu votes complètement à coté
– Moi, car il parait que je supporte un peu trop les "Toi"
– Nous, car il faudrait que nous arrivions enfin à prendre une décision
– Vous, car bien souvent vous arrivez à rabacher des problèmes des vies mais oui vous rabacher
– Eux demain, si ils veulent bouger, , je bouge, mais il y en a mare de les prendre pour des qui ?
tout le monde parle pour , : Les banlieus, les religions, les ethnies, les les les
Etes vous sure de qui vous parler, avez-vous rencontrer ou etes vous un représentant des QUI dont vous parler, ou peut etre effectivement dans le présent que nous vivons cela fait bien de enfin parler d’eux..
Mais juste une question, est-ce pour EUX, ou pour Vous ?
1. > Un coupable idéal, 3 janvier 2006, 23:28
Laure ,
"Cependant, lorsque "on" s’indigne plus pour cela que pour le reste, permettez-moi d’être à mon tour indignée."
je suis facilement indigné, donc on est frere et soeur.
une stupide voiture qui prend feu, je suis indigné si c’est la mienne.
Laure, je vous permet de vous indigner pour n’importe quel sujet d’indignation.
– le brulage de la vielile voiture qui est ma voiture
– le meurtre d’une personne qui est moi par accident
– le reste est trop vaste et doit être invetsi par des idiots ou idiotes brulantes.
jyd.
2. > Un coupable idéal, 4 janvier 2006, 17:52
waow ..le deluge des polygames , violeurs collectifs ,racailles ,terrosites ,garder vos foulard et metté les voiles .. que d’amalgames que des dires n’importent quoi pour servir la fameuse theorie divisé et regner ..
je songe a un etre que j’avait rencontrer dans un voyage en France , pays que j’aime de mon respect qui aprés savoir mes origines m’avait dit ..c’est un beau pays la Turquie ,j’aimerais aller mais est ce que il y a des hotels labas ? je rigole pas et je les sais trés trés nombreux ..ma réponse pour la plaisanterie etait non ..c’est comme chez tarzan et jane ,des liasses dans la foret etc .pourtant foulard ou voile plus prés de vous sont si présent comme le chantait Brel dans les bigooootes ,et n’est ni d’une ni d’une autre religion mais de toute a la fois ... pour revenir a nos moutons ,nos esprits hotels jouisse de jaillissement horsw norme devant des mots pareille ..et le pire c’est que la machines est bien en place ..karcher ..charters ..centre de transit ..tolerence zero ..facho pepsi coca ..un a droite et l’autre a gauche ... bin laden est plus cousin a Bush que moi par la voie pitrol pitre oil ..
Ramo de İstanbul