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Un nouveau livre dénonce la politique irakienne de la Maison-Blanche
Publie le mardi 3 octobre 2006 par Open-Publishing
États-Unis Le dernier ouvrage du journaliste Bob Woodward, qui paraît aujourd’hui, souligne les errements de l’Administration Bush.
de Ph. G.
DANS LE DÉBAT préélectoral sur l’Irak qui accapare les États-Unis, ce n’est pas la nouveauté des allégations qui embarrasse George W. Bush : c’est leur répétition. Le dernier livre de Bob Woodward, State of Denial ("État de déni"), qui paraît aujourd’hui, révèle quelques conversations privées et rapports confidentiels, mais sur l’essentiel il ne fait que confirmer une idée déjà ressassée : l’Administration américaine est incertaine et divisée sur la stratégie à suivre en Irak, elle brosse publiquement un tableau plus rose que ne l’y autorisent ses propres analyses, et s’il est un responsable dont la survie politique illustre l’entêtement du président, c’est le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.
Le livre de Woodward, jour naliste rendu célèbre par le Watergate,
évoque plusieurs mises en garde formulées au sein du
gouvernement. En septembre 2003, Robert Blackwill, alors
responsable de l’Irak au Conseil de sécurité nationale (CSN), rentre
d’une visite sur le terrain en prônant un renfort significatif des
troupes, de l’ordre de 40 000 hommes, pour faire face à l’insurrection
naissante. Sa suggestion est écartée par le Pentagone et la
Maison-Blanche, amenant Steve Hadley, aujourd’hui successeur à
Condoleezza Rice à la tête du CSN, à dire : "Si nous avons une
stratégie militaire, je ne peux pas l’identifier."
Garder le cap sans reculer
Woodward révèle aussi que Henry Kissinger, le secrétaire d’État de
Nixon durant la guerre du Vietnam, s’entretient régulièrement avec
George Bush sur la stratégie à suivre en Irak, lui conseillant de
garder le cap sans reculer d’un pouce. L’auteur évoque en outre une
conversation en juillet 2001 entre George Tenet, alors patron de la
CIA, son chef de l’antiterrorisme Cofer Black et Condi Rice au CSN, où
ils tentent en vain de faire comprendre à la conseillère de Bush
l’urgence de la menace d’attentats contre les États-Unis.
L’une des notes évoquées par le livre émane d’un proche de
Rumsfeld, Steve Herbits, et décrit le « style opératoire » du secrétaire
à la Défense comme étant « indécis, contrairement à l’image
populaire ». Le ministre de 74 ans aurait été la cible d’au moins deux
tentatives concertées de membres de l’Administration pour obtenir
sa démission. La première, orchestrée par l’ancien secrétaire général
de la Maison-Blanche Andrew Card, juste après la réélection de Bush
en 2004, visait à le remplacer par James Baker. Mais le président et
son conseiller politique, Karl Rove, ont craint d’offrir du grain à
moudre aux critiques ; la seconde aurait reçu l’appui de Laura Bush,
ce que dément le cabinet de la première dame. Donald Rumsfeld a
affirmé hier qu’il avait reçu le soutien de George Bush, et qu’il ne
démissionnerait pas en dépit des critiques suscitées par la parution
du livre.
Les deux précédents ouvrages de Bob Woodward (1) étaient
tellement favorables à George Bush que les membres de son
Administration se les offraient en cadeau à Noël. À cinq semaines
des élections de mi- mandat, le tableau nettement moins rose
dépeint ici est disqualifié par la Maison-Blanche comme une vieille
rengaine mal réchauffée. Mais la notoriété de l’auteur porte un
mauvais coup à la rhétorique officielle.
(1) Bush at war (Bush en guerre) et Plan of attack (Plan d’attaque).