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Une brève histoire du sionisme politique(1)

Publie le samedi 24 février 2007 par Open-Publishing

Une brève histoire du sionisme

Introduction

Le but de ce bref historique est de lever l’ambiguïté entretenue par l’Etat d’Israël en ce qui concerne ce que l’on nomme « identité sioniste, juive et sémite ». L’amalgame entretenu par l’État sioniste fait l’objet d’une véritable terreur intellectuelle. Il sert doublement : empêcher toute analyse de fond sur la nature de cet État de " peur d’être jugé antisémite " d’une part, avoir un point de vue conjoncturel sur la question palestinienne, pour ne pas dire humanitaire, d’autre part.

Un sionisme politique chrétien

Il n’est pas inutile de rappeler que la volonté d’établir un Etat juif est également chrétienne.
En France, en 1642, Issac La Peyrère adjura Louis XIII de racheter la Palestine et d’y établir le royaume temporel des juifs. A la même période, le général français, le Comte Maurice de Saxe défendit la même idée. Lors de la campagne d’Egypte de 1798-1798, Napoléon Bonaparte appela les juifs à se joindre à lui pour instaurer un Etat au Sinaï et à Gaza. Devenu Empereur, il publia en 1808 des décrets antisémites. En 1969, Le secrétaire personnel de Napoléon III, Ernest Laharanne publia " La question d’Orient " où il exposa les fondements d’un Etat Juif en Palestine et l’intérêt pour l’Europe chrétienne de l’instauration d’un tel Etat au Moyen-Orient.
Le Prince autrichien Ligne, en 1730, oeuvra lui aussi pour la création d’un Etat juif mais en Amérique.
En Angleterre en 1839, la revue " Globe " publia des articles allant dans le même sens, sous l’inspiration de Palmerston alors ministre des affaires étrangères.
Vers 1840, la revue berlinoise " Orient "fit de même. (Abensour, Léon. Larousse mensuel. Article n ème163)

Les conditions historiques

Il est à noter deux choses : D’une part, la population juive dans son ensemble est restée indifférente à toutes ces initiatives. D’autre part, les idées philosophiques du siècle des lumières et de la révolution française avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, favorisèrent l’émancipation de l’individu en général, et du juif en particulier. Ceci, grâce au développement des libertés individuelles et publiques et des valeurs d’égalité et de citoyenneté. Il n’est donc pas difficile de comprendre que les valeurs du 18 ème siècle allèrent à l’encontre des projets sionistes au sein de la population juive.
Aux " temps des lumières " succéda le " temps des nationalités " et des guerres de la Révolution.
Le 19 ème siècle a vu l’émergence des nationalités, slaves, allemande, italienne etc. Ce qui fortifia l’idée de race et des théories racistes comme celle de Gobineau.
L’Europe de ce siècle est celle de la grande révolution industrielle, entraînant avec elle un exode rural massif qui aggrava la pauvreté dans les villes. C’est aussi l’époque de l’expansion coloniale au sens moderne du terme.
Par opposition au 18 ème siècle, le 19 ème semble réunir les ingrédients nécessaires au développement du sionisme politique. Les persécutions de juifs et l’antisémitisme qui sévissent alors en Europe en seront le levain.
La période qui suit, et qui court de 1890 à 1920, est la période de gestation de l’Etat Juif.
Durant cette période, la Turquie occupe le Moyen-Orient et les Balkans depuis déjà plus de trois siècles. C’est ce laps de temps qui va être décrit dans ce bref historique de la naissance du sionisme.
Cet historique sera constitué de cinq parties. La première partie traitera du sionisme messianique par opposition au sionisme politique. La seconde partie de la recherche par le mouvement sioniste des protecteurs susceptibles de concrétiser l’idée sioniste. La troisième partie aura pour sujet le nationalisme arabe et ses rapports avec le mouvement sioniste. La quatrième partie démontrera l’irréalité du slogan " Une terre sans peuple ". La dernière partie sera un rappel sur le traitement politique qui est fait des aspirations arabes et de la question palestinienne par la Société des Nations (SND) pendant cette période de 1890 à1920.

I. Le sionisme messianique et politique

Le sionisme messianique
Pour l’écrivain russe, Asher Ginsberg, plus connu sous le pseudonyme Ah’ad Haam, le sionisme spirituel consiste en la réalisation d’un centre spirituel pour le rayonnement de la culture et de la foi juive en Palestine. Le sionisme religieux, fut chanté et célébré par moult poètes et écrivains juifs et chrétiens. Mais ce sont les différentes conférences Rabbiniques qui en développent le mieux ses grandes lignes. Celle de Philadelphie de 1869, stipule que " ... Le but messianique d’Israël n’est pas la restauration de l’ancien Etat juif... ce qui impliquerait une deuxième séparation avec les autres nations mais l’union de tous les enfants de Dieu qui confessent le Dieu unique, afin que soit réalisée l’unité de toutes les créatures douées de raison. " (Jewish Encyclopedia, Vol. II, p 214)
La conférence de Montréal de 1897, tout en insistant sur le caractère universaliste du judaïsme, ne dit pas moins tout en s’opposant aux conclusions du premier congrès sioniste de Bâle :
" ...Nous désapprouvons totalement toute initiative visant à la création d’un État juif. Des tentatives de ce genre mettent en évidence une conception erronée de la mission d’Israël que les prophètes juifs furent les premiers à proclamer... Nous affirmons que l’objectif du judaïsme, n’est ni politique, ni national, mais spirituel... Il vise une époque messianique où tous les hommes reconnaîtront appartenir à une seule grande communauté pour l’établissement du Royaume de Dieu sur la terre... "("L’Affaire d’Israël." p.71)

Le sionisme politique juif

C’est dans cette Europe des nationalités et des races que naît l’antisémitisme moderne. La persécutions des juifs y fait rage (1878, mouvements antisémites à Berlin, 1881 pogroms de Russie, 1894 affaire Dreyfus en France). Une telle situation, accentuée par la pauvreté, entraînera une immigration massive des juifs en Angleterre et aux Etats Unis. Le sionisme politique s’inscrit dans ce contexte politique, social et culturel européen. Il se donne comme but, l’émancipation des juifs dans un cadre national propre.
En 1896, Théodor Herzl, juriste, juif autrichien émancipé, écrit " l’Etat Juif " et définit les fondements du sionisme politique. Avant d’adhérer au sionisme politique, Théodor Herzl, milita, à partir de 1881, à la Fraternité nationaliste et germanophile. Il quitta cette association en 1889, pour cause de manifestation antisémite et fonde " La société of Jews, enregistrée comme société de droit britannique qui aura pour but d’organiser et de négocier du choix du territoire, des traités de transfert et de transplantation des juifs.. " (Manor, Yohanan. "Naissance du sionisme politique." p 85)

Introduit dans le milieu aristocratique viennois, il prit connaissance du projet du Baron de Hirch, fondateur en 1891 de " l’association juive de colonisation ". Ce projet consiste en la création en Argentine d’un Etat pour les juifs. Hésitant sur le choix du territoire, Théodor Herzl livre ses interrogations en ces termes : " ... Il fut un temps où je pensais à la Palestine. Jouerait en sa faveur le fait qu’elle soit l’inoubliable siège ancestral de notre peuple, que son seul nom constituerait un programme et qu’elle serait un puissant attrait pour les masses inférieures. Mais la plupart des juifs ne sont plus des orientaux et se sont habitués à des régions très différentes... Et puis l’Europe sera encore trop proche et pendant le premier quart de siècle de notre existence, il nous faudra avoir la paix avec l’Europe... Mais en principe je ne suis ni contre la Palestine ni pour l’Argentine... " (Manor, Yohanan. "Naissance du sionisme politique." p 86 )

La mort du Baron quelque temps après la rencontre avec Herzl ne permit pas au projet de voir le jour.
Dorénavant T.Herzl est convaincu que son devoir réside dans l’organisation de la population juive d’Europe. C’est le rôle du congrès sioniste qui se réunit à Bâle le 29 août 1897. Il conclut ses travaux par la recommandation suivante : . "La création en Palestine, pour le peuple juif, d’un Foyer garanti par le droit public. " (Manor, Yohanan. Naissance du sionisme politique. p 112)
Un comité d’action est élu. Il est chargé de mener des pourparlers diplomatiques à cette fin.
Le sionisme politique est né.