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Une demi-heure pour aller chercher sa fille à l’école, ouvrière licenciée, maintenant l’Italie va mieux

Publie le mardi 26 décembre 2006 par Open-Publishing
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Raffaella, 40 ans, divorcée, profitait de la pause repas pour résoudre ses problèmes familiaux. Mais l’entreprise a décidé à un certain moment que cela n’allait pas. Elle a été mise à la porte. On lui a dit que la flexibilité nuit à la production. Ne soyez pas trop étonnés : c’est ça l’Italie que veut Montezemolo [le patrons des patrons, NdT] (et peut-être d’autres)

de Monica Lanfranco Traduit de l’italien par karl&rosa

Raffaella, 40 ans, travaille dans une usine, elle habite avec ses parents dans le village de Casaletto Ceredano, est divorcée et a une fille de onze ans. Un seul revenu : les quelques 1100 euros nets de son emploi. Depuis presque six ans dans la même entreprise, la IPC division Faip de Vaiano Cremasco, province de Crema, avec 162 salariés, dont 62 femmes.

L’entreprise, qui s’occupe de la production de machines pour le nettoyage, fait partie du groupe Interpump, propriétaire de dizaines d’entreprises avec plus de 2.000 salariés dans le Nord de l’Italie. Raffaella n’a jamais eu de conflits avec son employeur. Puis, les choses commencent à mal tourner. L’école de sa fille est à vingt kilomètres environ de son lieu de travail, les deux grands parents peuvent s’occuper de l’enfant dans l’après-midi mais ils ne peuvent pas aller la chercher.

La pause repas est le seul moment pour aller la chercher à l’école mais depuis le début de 2006 l’entreprise a réduit la pause repas d’une heure à une demi-heure. Le temps ne suffit plus, même s’il n’y a pas de circulation on n’arrive pas à faire suffire ces maudites 30 minutes entre aller, récupérer la fille, l’amener chez ses grands parents et rentrer au travail sans accumuler de retard.

L’entreprise stigmatise ces retours tardifs, ainsi Raffaella signe en janvier un accord dans lequel elle accepte, jusqu’à la fin de l’année scolaire, de se servir des permissions et de la réduction de l’horaire pour aller chercher sa fille. En septembre, à la rentrée scolaire, le problème se représente et la direction commence avec une série de lettres de contestation et des sanctions disciplinaires en augmentation. L’unique syndicat qui, jusqu’ici, est sensible au problème, la FLMUnitiCUB, appelle à une grève en soutien de la salariée : la direction répond par d’autres lettres de contestation.

Puis le licenciement arrive, en novembre. « Je ne suis jamais optimiste dans les causes de travail, mais je nourris l’espoir qu’elle puisse être réintégrée – dit maître Chiara Tomasetti, l’avocate de Raffaella – la mesure du licenciement est vraiment grave socialement et dans ce cas il n’y a pas les conditions pouvant justifier une rigidité aussi drastique : la salariée, même en arrivant en retard, ne nuisait aucunement au cycle de production de l’entreprise ; en outre, son retard avait lieu dans l’espace de temps de la pause repas, universellement reconnue comme importante pour ceux qui travaillent, au moins ici en Occident : il s’agit normalement de l’espace dans lequel nombre de femmes avec des enfants « s’occupent » des problèmes scolaires ou de ceux concernant les personnes âgées.

Il semble que l’entreprise soit en train d’appliquer un système en vogue dans d’autres zones du monde, où les rythmes de travail sont souvent inhumains et insouciants des priorités liées aux autres aspects de la vie des personnes. Au bout de plus de sept ans de travail de Raffaella il n’y a jamais eu auparavant de contestations sur sa fiabilité.

En outre, le problème de cette personne n’existait que trois jours par semaine, étant donné que pour les autres elle avait pu s’organiser ». Quelqu’un a même accusé Raffaella d’être « rigide », car elle n’a pas fait changer d’école à sa fille, étant donné qu’il en existe une analogue dans le village et donc théoriquement plus proche.

Mais peut-on contraindre une personne, dans ce cas une mère, à plier toute son existence aux temps de la production ? Sur ce cas s’est activée aussi la Conseillère à la parité de la Province, qui est intervenue en faveur de la salariée. « Voilà un des nœuds les plus importants de cette histoire, - commente Angelo Pedrini du secrétariat de FLMUnitiCUB – quand on perd de vue les priorités il y a des dommages en cascade pour toute la qualité de vie et de travail. Souvent aujourd’hui la dureté des conditions dans lesquelles on travaille est vécue solitairement, surtout par les femmes : les salariées, souvent les mères avec des enfants en bas âge, tombent malades, entrent en dépression et ce malaise reste un fait individuel et ne devient pas un problème social, comme il l’est, au contraire.

Je fais appel aux syndicats pour que ce cas ne reste pas isolé et nous aide tous à donner une dimension problématique et sociale à un problème qui est, en effet, social : il est évident que la salariée n’a rien contre l’entreprise mais qu’elle ne peut pas être mise devant le choix entre son rôle de mère et celui de salariée. Tant que nous ne raisonnons pas tous sur le projet de conciliation entre les temps de la production et ceux de la reproduction il y aura une seule loi, sans pitié : toi dehors et une autre dedans.

Et cela est inacceptable ». En Italie, se demande le syndicat dans un tract distribué aux salariées, dans l’usine qu’est-ce qui vaut le plus ? le respect de la constitution et le devoir de ne pas abandonner les mineurs, la responsabilité envers les enfants ou la production et l’ordre de service ou l’accord syndical sur le nouvel horaire de travail même si l’action de la salariée ne cause aucun dommage réel ? Le 9 janvier 2007 au matin, à 9 heures, au tribunal de Crema aura lieu d’audience contre le licenciement de Raffaella : cela pourrait être un signal pour ce qui s’annonce comme l’Année européenne contre les discriminations. Nous verrons.

http://www.liberazione.it

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