Vakarai : Après l’euphorie de la victoire, la réalité.

Vakarai : Après l’euphorie de la victoire, la réalité.

Le Vendredi 19 Janvier 2007, l’armée Sri lankaise s’est emparée de la ville de Vakarai après plus de 10 semaines d’intenses combats avec les Tigres de Libération de l’Eelam Tamoule (LTTE).

L’armée sri lankaise a essayé de prendre à contre-pied les Tigres Tamouls (LTTE) pour renforcer leurs positions dans l’est du pays.

Le mercredi, les LTTE avaient détruit un pont pour empêcher l’armée d’acheminer des tanks et des véhicules blindés dans leur zone.

Ce fut seulement vendredi matin que les groupes d’interventions de l’armée sont entrés dans la ville de Vakarai (1).

Pour cela, ils ont furtivement longé la bande côtière de Panichchankerni(2) jusqu’à atteindre un cap. C’est à cet endroit précis qu’ils ont pu franchir, par une étroite bande de terre, le lagon d’Upparu (3) et ainsi atteindre la ville de Vakarai. Plus tard, ils ont été rejoints par des unités d’infanteries.
Plus tôt le matin, l’intensité des combats avait forcé les civils tamouls à fuir la région par mer.
Sur les 200 000 réfugiés tamouls forcés de quitter leur maison du fait de l’escalade de la violence, cette région en compte 15 000. L’aide destinée aux réfugiés tamouls de Vakarai avait été bloquée maintes fois par l’armée.
L’UNCHR s’était dit préoccupé des conditions de vie de ces 15 000 civils restant à Vakarai, « qui ont enduré des mois de combats et n’ont pu avoir qu’un accès limité à l’aide humanitaire ».
Plus d’une centaine de civils tamouls dont des enfants ont été tués lors des affrontements à Kathiraveli(4), Patchenai(5) et Vammivedduvan(6) près des écoles qui ont été transformées pour les besoins en camps de réfugiés.
De leurs côtés, les LTTE avaient déclaré depuis leur site du secrétariat de paix qu’ils « réajustaient leurs positions à l’Est » à la suite de la prise de Vakarai par l’armée.
Les Tigres Tamouls ont établi une base à Kumburupiddy au nord de Trincomalee pour consolider leur zone et dominent toujours de vastes secteurs de la région de l’Est.
Le retrait de Panichchankerni(2) était la décision la plus logique que les Tigres Tamouls pouvaient prendre selon Iqbal Athas, reporter et analyste militaire au Sunday Times.
Toutefois, la prise de Vakarai n’a pas été pour autant facile à l’armée. Car ce fut après deux mois et demi d’intenses combats, de bombardements et de l’emploi d’artilleries lourdes qu’ils y arrivèrent.
Cependant un certain nombre de signes montre que l’armée ne devrait pas se réjouir trop vite de la prise de Vakarai.
Au-delà de l’embarras de devoir céder à la hâte ce secteur à l’armée, se cache une raison tactique de la part des LTTE. En effet les combattants de l’Est avaient reçu l’ordre de Kilinochchi, la capital « de facto » des Tigres Tamouls, de se retirer de la zone s’ils étaient soumis à de forte pression militaire.
Il est évident qu’ils ont voulu conserver leurs forces en évitant de lourdes pertes humaines dans ces combats alors même que le cessez-le feu n’est pas officiellement mort.
Par le passé de tel exemple de stratégie adoptée par les Tigres a déjà été prouvé. Notamment en Décembre 1995 par la reprise de la péninsule de Jaffna (capitale culturelle des Tamouls) par l’armée, avec une situation similaire à celle de Vakarai.
A l’époque, la reprise de Jaffna avait été vue par Colombo comme la fin de la lutte des Tigres Tamouls. Mais c’est sans compter la détermination de ces derniers. En effet sept mois plus tard, en juillet 1996, le Ministre Nimal Siripala de Silva (actuel chef négociateur de paix pour le sri lanka) échappait de justesse à un attentat. Un haut gradé de l’armée et de la police se fait tuer dans une zone de haute sécurité.

Et deux semaines plus tard, le 18 Juillet 1996, les Tigres Tamouls lançaient une vaste offensive sur la base militaire de Mullaithivu. Cette attaque était l’une des pires épisodes de l’histoire de cette guerre pour l’armée en terme de coûts humains et financiers.
Est-ce qu’une situation semblable pourrait se reproduire pour Vakarai, qui est relativement moins important que la péninsule de Jaffna ?

Des opinions divergent au sein même du gouvernement sri lankais. Certains signalent que contrairement à la péninsule de Jaffna, à Vakarai il existe un vide politique qui ne peut être remplie qu’avec la participation de la faction Karuna qui contrôle des secteurs de l’Est .
Pour Colombo c’est en permettant au bras politique du groupe paramilitaire Karuna, le TMVP d’opérer, qu’il pourrait garder une certaine intégrité territoriale.

Certains analystes jugent que le gouvernement sri lankais est en train de bâtir et d’encourager « un monstre », la faction Karuna, à détruire les Tigres Tamouls.
Toutes ces raisons montrent encore une fois l’importance de la région de l’Est dans cette guerre. La Région de Trincomalee au-delà d’être un port naturel, possède également dans ses sous-sols d’importantes ressources minières.

Il est donc inconcevable pour les Tigres Tamouls d’avoir un Tamil Eelam sans la région de l’Est. C’est pour ces raisons qu’ils se sont retirés de Panichchankerni (2) pour se regrouper et s’engager sur un nouveau front à un autre moment.

Mardi dernier à Vavuniya, deux officiers de Police ont été tués dans une explosion. Le lendemain, cinq soldats ont été tués et deux autres blessés dans une attaque à la mine claymore. A Vakarai, deux soldats ont été tués et 22 autres blessés. Et à Mahindapura, deux soldats ont été également tués.

Le budget de la défense du sri lanka a été augmenté de 28%. Il y a des signes qui ne trompent plus, Colombo se prépare à une nouvelle guerre qui ne dit plus son nom, la 4ème guerre de l’Eelam.
Ramachandran