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Vous voulez écouter Victor Jara 35 ans après sa mort ? C’est là
Chili : Victor Jara, un symbole toujours vivant, par Jean Michel Hureau.
Les évènements semblent se précipiter au Chili sur la question des Droits de l’Homme. Après la reconnaissance, le 5 novembre, par l’Armée de Terre de l’institutionnalisation de la torture sous la dictature, le discours historique, le 28 novembre, du Président Ricardo Lagos sur l’indemnisation des victimes, la Marine a reconnu, le 30 novembre, la participation de certains de ses membres et dirigeants dans des faits similaires, en soulignant toutefois qu’elle n’a « jamais validé, ni même suggéré l’application de la torture ». Il est cependant difficile de croire que l’Amiral José Merino, qui commandait la Marine en 1973, ne savait pas que le bateau-école « Esmeralda » était un centre de détention et de torture.
À part le très connu « Te recuerdo Amanda », sont recommandées « Manifiesto » et « Cuando voy al trabajo ».
Ce qui retient l’attention aujourd’hui, est l’inculpation du Lieutenant-colonel en retraite Mario Manríquez Bravo comme auteur intellectuel de l’assassinat de Victor Lidio Jara Martínez. Ce militaire était l’officier de plus haut rang responsable du Stade National, qui porte aujourd’hui le nom de Stade Victor Jara, transformé en centre de détention lors du coup d’État. Dans le document remis par la Commission Rettig, il apparaît que Victor Jara a été arrêté le 12 septembre 1973 à l’Université Technique d’État (actuellement l’Usach), conduit au stade et interrogé par des militaires. Il a été vu pour la dernière fois en vie le 15 septembre quand il fût extrait du stade avec d’autres prisonniers. Son corps fût retrouvé le lendemain, criblé de 34 impacts provenant d’armes automatiques, avec cinq autres cadavres, aux abords du Cimetière Métropolitain. Le journaliste Sergio Gutiérrez Patri l’avait croisé dans un couloir du stade le 12 alors que les militaires venaient de le torturer et de lui briser les mains à coups de crosses de fusil.
Cette inculpation revêt une importance majeure dans la mesure où elle est la première et concerne la disparition d’un symbole. Victor Jara est un peu l’« élève » de Violeta Parra, la mère de la chanson populaire chilienne. Il est un des créateurs de ce qu’on appelât la « nouvelle chanson chilienne ». Auteur-compositeur-interprète, acteur, directeur et professeur de théâtre, directeur artistique de Quilapayún, il collaborât activement avec Inti-Illimani, qui lui rend hommage régulièrement, et Angel et Isabel Parra, les enfants de Violeta. Il est l’auteur des très célèbres « Te recuerdo Amanda » et « Manifiesto ». Il militât également au sein des Jeunesses Communistes. Son engagement artistique et politique au côté de Salvador Allende en fit une cible de choix lors du coup d’État.
Sergio Gutiérrez affirme que dans le stade, Manríquez leur a dit : « Je peux vous torturer et je le ferai. Je peux vous tuer et je le ferai. Pour cela, j’ai l’autorisation de l’Honorable Junte de Gouvernement ». Accusation redoutable qui pourrait permettre l’inculpation des plus hauts responsables. Mais l’Amiral José Merino est mort en 1996. Le Général des Carabiniers César Mendoza est mort lui aussi en 1996. Le Général d’Aviation Gustavo Leigh, destitué de la Junte en 1978, est mort en 1999. Des quatre membres de la Junte il n’y a plus que le Général Augusto Pinochet qui soit en vie, mais ses avocats disent qu’il souffre de sénilité légère et il serait donc presque impossible de le juger.
Il est fort probable cependant que d’autres militaires soient inculpés, mais aussi, peut-être, des civils. Le club des 10 :
– Agustín Edwards : Responsable de la censure lors du coup d’État.
– Jaime Guzmán : Homme de l’ombre qui écrivait, notamment, les discours de Pinochet.
– Jovino Novoa : Supposé auteur intellectuel de l’assassinat du syndicaliste Tucapel Jiménez.
– Ricardo García : Supposé auteur intellectuel de l’assassinat de trois militants communistes égorgés en 1985, de deux jeunes femmes brûlées vives, de l’éditeur d’« Analisis » José Carrasco, de l’électricien Felipe Rivera, du publiciste Abraham Muskatblic et de Gastón Vidaurrazága en 1986.
– Le curé Hasbún : Fervent soutien de Pinochet et de la Colonie Dignidad, crée par Paul Shaefer, ancien caporal-infirmier nazi et pédophile, aujourd’hui en fuite. La colonie Dignidad a été un centre de détention et de torture. Pinochet y venait souvent et le chef des Services Secrets Manuel Contreras y chassait.
– Sergio Onofre Jarpa : Fondateur de Rénovation National, extrême-droite pinochetiste, responsable de la mort de dizaines de manifestants en mai 1983.
– Ambrosio Rodríguez : Avocat, défenseur de Pinochet et qui en 1977, aurait joué un rôle dans la disparition de Jacobo Stoulman et Matilde Pessa.
– Manfredo Mayol : Directeur de Canal 13 et de TVN (Télévision Nationale), chargé notamment de distraire l’opinion avec des fadaises.
– Ricardo Claro : Chargé de collecter des fonds pour le gouvernement militaire en 1973 et supposé auteur intellectuel de la disparition d’ouvriers d’Elecmétal, entreprise lui appartenant.
– Sergio Diez : A démenti, devant l’ONU en 1975, l’existence de détenus-disparus et actuel président de Rénovation Nationale.
Victor Jara a dit : « Je suis un chanteur populaire... Populaire, non de popularité, sinon parce que j’appartiens à la classe ouvrière. Travailleur de la culture, mais enfin, travailleur ».
Le dernier texte qu’il a écrit dans le stade commence par :
Nous sommes cinq mille
Dans cette petite partie de la ville
Nous sommes cinq mille
Combien serons-nous au total
Dans les villes et dans tout le pays ?
Rien qu’ici
Dix mille mains qui sèment
Et qui font marcher les usines
Combien de gens
Qui souffrent de faim, de froid, de panique, de douleur,
De pression morale, de terreur et de folie !
Six d’entre nous se sont perdus
Dans l’espace interstellaire
– http://www.emol.com/especiales/info...
Bonne écoute avec les compliments du Pingouin.
Messages
1. Victor Jara, 18 septembre 2008, 03:21, par Mengneau Michel
Merci pour ce pur moment de bonheur. On peut rajouter que Julos Baucarne a écrit et chanté une superbe chanson sur Victor Jara.
1. Victor Jara, 18 septembre 2008, 03:50, par Pingouin
J’aurais pu, peut-être, être plus explicite sur l’homme et ce qu’il a représenté et représente toujours
Et le petit malin qui l’a balancé sur wikipedia, c’est pas moi...
Il existe un lien sur la chanson de Baucarne ? Je suis preneur.
2. Victor Jara, 18 septembre 2008, 08:03, par Guic
Julos Beaucarne évoque Victor Jara dans la chanson suivante :
Lettre à Kissinger
– j’veux te raconter Kissinger
l’histoire d’un de mes amis
son nom ne te dira rien
il était chanteur au Chili
– ça se passait dans un grand stade
on avait amené une table
mon ami qui s’appelait Jara
fut amené tout près de là
– on lui fit mettre la main gauche
sur la table et un officier
d’un seul coup avec une hache
les doigts de la gauche a tranché
– d’un autre coup il sectionna
les doigts de la dextre et Jara
tomba tout son sang giclait
6000 prisonniers criaient
– l’officier déposa la hache
il s’appelait p’t’être Kissinger
il piétina Victor Jara
chante dit-il tu es moins fier
– levant les mains vides des doigts
qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement
faisant plaisir au commandant
– il entonna l’hymne de l’U
de l’unité populaire
repris par les 6000 voix
des prisonniers de cet enfer
– une rafale de mitraillette
abattit alors mon ami
celui qui a pointé son arme
s’appelait peut-être Kissinger
– Cette histoire que j’ai racontée
Kissinger ne se passait pas
en 42 mais hier
en septembre septante trois
Julos Beaucarne
Un enregistrement de la chanson se peut écouter sur le site suivante :
http://www.dailymotion.com/video/xsgpr_julos-beaucarne-lettre-a-kissinger_events
La même année (1973) Jean-Max Brua commémorait également Victor Jara. Chercher l’enregistrement dans la page suivante :
http://chansonsquetoutcela.over-blog.com/archive-12-2007.html
Michel Buhler composa également une « Chanson pour Victor Jara », que je n’ai pu trouver sur Internet…
3. Victor Jara, 18 septembre 2008, 09:36
Chi non muore si rivede...
Grazie, Pinguino !
:)
Brunz