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Visitez un camp palestinien !

Publie le vendredi 21 mai 2004 par Open-Publishing

par Peter Hansen

Si vous vous trouvez en Jordanie, en Syrie, au Liban, ou dans les territoires occupés, allez visiter un camp de réfugiés palestiniens.

Pendant votre promenade, vous découvrirez des allées si étroites que les cercueils doivent être transportés verticalement pour passer les coins des rues.

Jetez un coup d’œil furtif dans les abris en ciment des réfugiés et vous verrez qu’ils ne sont souvent guère mieux que des cabanes améliorées, accueillant des familles de 13 personnes ou plus, toutes entassées dans une seule pièce, souvent sans fenêtre ni aération. Dans certains abris insalubres, vous rencontrerez des mères qui préfèrent dormir avec leur bébé dans les bras ou sur leurs genoux, de peur que les rats ne les attaquent.

Si vous avez la malchance de visiter ce camp sous une pluie hivernale, vous pourrez constater comment les égouts, fétides et pullulants d’insectes en été, inondent désormais leurs misérables habitations.

Maintenant, arrêtez-vous dans une école. Vous découvrirez dans une salle de classe décrépie, aux murs noircis par les ans, 3 enfants s’agrippant à un petit bureau fendu de toutes parts. Les salles sont surpeuplées ; les professeurs font de leur mieux pour enseigner à 50 élèves désireux d’apprendre. Patientez et observez un instant. Soudain, vers midi, les bâtiments souvent délabrés par les ans se vident entièrement de leurs enseignants et collégiens, immédiatement remplacés par leurs collègues et camarades du tour de l’après-midi. Dans un brouhaha chaotique mais bon enfant, les collégiens du matin partent alors jouer dans les rues sales des camps, n’ayant pas la possibilité de profiter de la cour de récréation, déjà conquise par les nouveaux arrivants.

Ensuite, rendez-vous dans la clinique d’un de ces camps bondés, dont les médecins s’efforcent de recevoir, du mieux qu’ils peuvent, ces 115 patients journaliers, ces mères dont le nombre croissant de prématurés inquiète, ces bébés en pleurs, ou ces vieillards que l’âge a fragilisés. Ils attendent patiemment les quelques minutes que le médecin va pouvoir leur accorder, quelle que soit la nature de leurs maux, une grippe, des douleurs pulmonaires, ou la diarrhée préoccupante d’un nouveau-né. Parlez à ces spécialistes des choix bouleversants qu’ils doivent effectuer chaque jour, du fait des maigres ressources à leur disposition : qui va financer l’opération qui sauvera peut-être la vie d’un de leurs patients ? Certains seront plus chanceux que d’autres...

Si vous le pouvez, essayez d’imaginer la souffrance de ces réfugiés. Vous serez toujours bien en deçà de la réalité ! Cinquante-six ans de conflit et d’exil ont étouffé cette population reléguée sur un lambeau de terre sans Etat.

Il n’en a pas toujours été ainsi : l’UNRWA, l’Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens, créée il y a cinquante ans, s’est toujours occupée d’eux. Mais, alors qu’auparavant elle disposait de 200 dollars par réfugié et par an pour couvrir leurs besoins en éducation, santé et services sociaux, elle ne dispose plus aujourd’hui que de 70 dollars pour assurer les mêmes services.

L’UNRWA a toujours fait de son mieux pour que les réfugiés de Palestine maintiennent un niveau de vie à peu près semblable à celui des pays hôtes. On peut même relever quelques réussites notables dans des domaines tels que l’alphabétisation des femmes et la vaccination généralisée des enfants.

Malheureusement, depuis une dizaine d’années, ce manque de moyens et l’augmentation de la population réfugiée - maintenant supérieure à 4 millions - ont plongé l’UNRWA dans une crise grave. La qualité des services fournis par l’Agence s’effrite, et les chances des réfugiés de se sortir du marasme s’en trouvent diminuées d’autant. Certains finissent par perdre l’espoir de connaître des jours meilleurs.

Afin d’arrêter l’hémorragie, l’UNRWA et le gouvernement suisse ont invité 70 pays à participer à une conférence organisée à Genève au mois de juin prochain, pour adopter de nouvelles stratégies visant à améliorer la vie des réfugiés palestiniens. Cette conférence portera tout particulièrement sur les moyens et programmes facilitant l’accès de la population réfugiée à l’emploi, à l’hébergement, à l’éducation et aux services de santé, lui permettant ainsi de s’aider elle-même.

Des experts des quatre coins du monde, de pays donateurs et d’organisations internationales ont déjà commencé à travailler afin de présenter des recommandations qui feront l’objet de débats lors de la conférence. En aidant l’UNRWA à planifier pour les années à venir, la communauté internationale soutient ainsi les besoins croissants des réfugiés palestiniens.

Cette conférence constitue une première dans l’histoire de l’UNRWA. Je le répète : allez vous promener dans l’un des 59 camps et vous comprendrez mieux pourquoi cet événement est si important pour les réfugiés palestiniens.

Peter Hansen est commissaire général de l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA).

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