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Viva Zapatero !, documentaire de Sabina Guzzanti, 80 minutes, Italie, 2005

Publie le mercredi 21 décembre 2005 par Open-Publishing

di Olivier Blond

Dans une Italie où Berlusconi contrôle la quasi-totalité des médias, l’humoriste Sabina Guzzanti veut continuer à faire entendre ses critiques. En 2001, elle crée sur lui une série d’émissions appelée Ottavio Nano (Le huitième nain). Le tollé est général et seulement deux épisodes sont projetés. Sabina Guzzanti propose alors une nouvelle émission (RaiOT - un jeu de mots sur RAI et riot, en anglais : émeute). Son show est déprogrammé de la télévision publique après sa première diffusion, sous prétexte de "vulgarité" et d’insultes au gouvernement. Viva Zapatero ! retrace l’histoire de cette émission - le titre est un hommage au président espagnol, dont l’une des premières mesures a consisté à établir l’indépendance de la télévision publique.

Comme l’explique La Repubblica, "le film parle de l’Italie d’aujourd’hui. Le point de départ est la fermeture, après une émission, du programme RaiOT, que Sabina Guzzanti avait réalisé pour RaiTre et qui devient un prétexte pour dénoncer la censure, l’information contrôlée, les épurations, le lien entre la politique et les médias, l’arrogance de la classe politique, mais aussi la faiblesse - qui frise l’opportunisme - de l’opposition de centre gauche." C’est là le point le plus surprenant et le plus inquiétant de ce documentaire : les journaux et les hommes politiques de gauche n’ont pas pris la défense de l’humoriste. Ils ont même relayé la campagne de diffamation orchestrée contre elle.

Sabina Guzzanti tourne à la première personne, elle est présente sur presque tous les plans du film, à la manière de Michael Moore - au risque de susciter le même énervement contre elle. "La comparaison (avec le réalisateur américain) est hardie et peut-être exagérée, peut-on lire dans Il Messaggero, mais la méthode suivie dans Viva Zapatero n’est pas très différente de celle de Fahrenheit 9/11. Informer, interroger, interviewer, protester. Et relier le tout en utilisant des archives comme trait d’union."

Toujours est-il que Sabina Guzzanti ne tarit pas d’éloges pour les modèles français (Les Guignols, émission satirique diffusée sur Canal+) et britannique (Who else ?, série de Rory Bremner qui étrille régulièrement le gouvernement britannique) : "L’idée de rencontrer l’acteur britannique qui imite Blair à la télé et le groupe des Guignols de l’info a été décisive pour vérifier que les restrictions faites à la liberté d’expression ne concernent que l’Italie. C’est vrai qu’il y a une tendance générale à la répression, mais il n’y a rien de comparable avec ce qui se passe en Italie", déclare-t-elle dans La Repubblica. A titre d’indication, l’observatoire américain Freedom House classe l’Italie à la 77e place du classement mondial pour la liberté d’expression, après plusieurs pays africains et sud-américains.

Toutefois, si la comparaison avec l’Italie peut sembler flatteuse pour les médias français, il ne faut pas qu’ils se reposent sur leurs lauriers. Même si Les Guignols n’ont - pour l’instant - pas été censurés, un sketch sur Benoît XVI a valu récemment à Canal+ d’être mis en demeure par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Quant à la BBC, elle a vécu une crise profonde suite à l’affaire David Kelly, dans laquelle la question de son indépendance vis-à-vis du gouvernement a été posée.

Enfin, des associations comme l’ACRIMED ou Rezo dénoncent régulièrement le manque d’objectivité et les collusions des médias français. Quant au rapport 2003 de Reporters sans frontières, il note pour la France que "certaines dispositions juridiques, en flagrante contradiction avec le respect de la liberté d’expression, font de la législation française sur la presse l’une des plus rétrogrades en matière de liberté de l’information dans l’Union européenne".

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