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Vives tensions à ATTAC

Publie le mardi 30 août 2005 par Open-Publishing

de Thomas Lemahieu

À l’ouverture de l’université d’été, à trois mois de la désignation de son président en décembre, la polémique ne cesse de monter au sein de la direction de l’association.

Ce vendredi matin à Poitiers (Vienne), à l’ouverture de la sixième université d’été d’ATTAC France, Ségolène Royal devrait, dans une intervention « de bienvenue » en tant que présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, livrer une opportunité aux dirigeants de l’association altermondialiste de ranger leurs querelles intestines dans leurs poches et de resserrer les rangs. Au cas où, dans la lignée des attaques récurrentes des partisans socialistes du « oui » à la constitution européenne, Ségolène Royal se risquerait à répéter l’inventaire de noms d’oiseaux répertoriés par ses camarades Michel

Rocard, Bernard Kouchner, Harlem Désir ou Julien Dray, afin de désigner les militants d’ATTAC... De son côté, Jacques Nikonoff, président de l’association, promet d’accueillir la présidente du conseil régional « avec courtoisie ».

Mais d’ici à la fin, mardi, de cette université d’été, on voit mal comment cet hypothétique bloc de circonstance pourrait éviter de s’effriter derrière la façade des traditionnelles « leçons » d’« éducation populaire » : depuis plusieurs mois, en perspective de l’assemblée générale, fixée en décembre prochain, qui désignera sa nouvelle direction, ATTAC publie sur son site Internet des « contributions » au débat d’orientations, et les polémiques, ainsi étalées publiquement, sont d’une vivacité inédite dans la brève histoire du mouvement. Pour la première fois, il devrait y avoir, comme cela avait été annoncé par Gus Massiah, vice-président d’ATTAC, lors de la précédente assemblée générale à Saint-Denis, en décembre 2004, une « pluralité de candidatures » à la présidence de l’association. Alors que Jacques Nikonoff est décidé à rempiler pour un deuxième mandat de trois ans, Jacques Cossart, actuel secrétaire général du conseil scientifique et militant d’ATTAC de la première heure (« Ma carte d’adhérent porte le numéro 39 », fait-il valoir dans sa déclaration d’intention), vient, en début de semaine, d’officialiser son entrée en piste.

S’approfondissant de jour en jour, les clivages au sein de la direction actuelle tournent autour de trois types de questions, entremêlant souvent le fond et la forme : place des « membres fondateurs » (associations, syndicats, journaux...) dans l’association ; nature, fonction et statut d’ATTAC dans la société ; méthode de direction et fonctionnement interne. Et deux camps s’affrontent : d’un côté, Jacques Nikonoff, Bernard Cassen, le président d’honneur d’ATTAC, Ignacio Ramonet qui revendique, sans fausse modestie, la paternité de l’idée, évoquée dans l’édito du Monde diplomatique de décembre 1997, de lancer un grand mouvement visant à taxer les transactions financières, Michèle Dessenne, la secrétaire générale d’ATTAC ; et de l’autre, Gus Massiah, Susan George, François Dufour, vice-présidents de l’association, et les représentants des organisations syndicales à la direction d’ATTAC (FSU, UGICT-CGT, Union syndicale Solidaires). Une majorité des « membres actifs », élus au conseil d’administration, se rangent, semble-t-il, derrière la « direction effective » (Jacques Nikonoff, Bernard Cassen et Michèle Dessenne), mais certains partagent les vues défendues par les vice-présidents d’ATTAC.

Derrière une vive bagarre statutaire (peut-on faire désigner directement la direction d’ATTAC par ses adhérents, et non plus par les organisations fondatrices ?) et une critique acerbe du « style de direction » impulsé par Bernard Cassen et Jacques Nikonoff (accusés d’autoritarisme), c’est surtout la place d’ATTAC dans le paysage de l’après-référendum qui est au coeur des débats. Revisitant le passé récent, les contestataires reprochent à la « direction effective » actuelle d’avoir refusé de s’engager pleinement, au niveau national, dans la dynamique unitaire du « non » de gauche ; et, en retour, Jacques Nikonoff, Bernard Cassen et Michèle Dessenne soupçonnent leurs adversaires actuels de vouloir entraîner ATTAC dans l’aventure d’une candidature, virtuelle, de José Bové à la présidentielle.

Au-delà, et pour aller vite, ce sont bel et bien deux conceptions de l’association qui s’opposent : la première comme carrefour des mouvements antilibéraux en France (« La campagne référendaire, en particulier au plan local, a été un moment de symbiose extraordinaire, et c’est cette dynamique unitaire qui a été à l’origine de la victoire », considère, dans un de ses textes, Pierre Khalfa), et la deuxième, plus étanche, comme un centre renforçant une colonne vertébrale théorique et élaborant une doctrine politique globale. Dans son apport à la discussion, Ignacio Ramonet qui, en janvier dernier, en marge du cinquième forum social mondial, a, avec Bernard Cassen, tenté de populariser un « consensus de Porto Alegre » et de créer ainsi un courant politique - le « portoalégrisme » -, compare, lui, ATTAC aux « doctrines religieuses, philosophiques et politiques ». Mouvement ou doctrine, l’association, réunie ces jours-ci à Poitiers, s’approche d’un tournant...

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-08-26/2005-08-26-812809