Accueil > Votez comme vous luttez !

Votez comme vous luttez !

Publie le dimanche 14 mars 2004 par Open-Publishing

Quiconque colle des affiches ou va distribuer des tracts sur le marché peut
en attester : ces régionales se déroulent dans un climat qui frise la
sinistrose. Nous avons un peu l’impression d’être quasiment les seuls à
déplacer du monde dans les meetings, à mener une réelle campagne de terrain.
Certes les régionales sont un scrutin qui intéresse traditionnellement peu,
tant les missions assurées par cette institution demeurent inconnues aux
yeux de nombre de nos concitoyens. Certes, le nouveau mode de scrutin,
purement scandaleux au demeurant, contribue à embrouiller un peu plus les
mécanismes du vote.

Mais la vraie raison, de fond celle-ci, c’est que la page du 21 avril n’est
pas tournée. Que la rupture demeure profonde entre les couches populaires et
les partis traditionnels, jugés responsables à juste titre du développement
de la misère et des inégalités sociales.

Certes, l’abstention ne prend pas qu’une seule signification. Elle n’est pas
toujours un choix politiquement conscient. Mais elle l’est aussi
partiellement, car une fraction des classes populaires veut ainsi marquer la
défiance à l’égard d’un jeu où les dés sont pipés. C’est manifeste quand on
regarde les catégories sociales qui s’abstiennent ou sont le plus tentées de
le faire : les moins de 35 ans, les chômeurs, les employés ou les ouvriers.
Le problème, c’est qu’en dépit de certaines gesticulations, on peut penser
qu’on s’en accommode aisément avec cynisme au sommet des « grands » partis.

Car, d’une certaine manière, ce suffrage censitaire de type nouveau, porté
par le libéralisme, leur convient. Que ne votent plus que les gagnants du
système ! Car ceux-là votent et ils votent bien. Le modèle états-unien
s’applique ici au plan politique comme le correspondant naturel de la
société à laquelle ils rêvent, où le bipartisme permet l’alternance dans la
continuité et la stabilité.

Le Baron Seillière et ses serviteurs, qu’ils soient honteux ou zélés,
avancent vers une société où l’on pourra à terme, comme outre-Atlantique,
afficher un taux de chômage faible parce que la précarité et la flexibilité
seront devenues l’alpha et l’oméga du contrat de travail. Une société où se
loger correctement, se chauffer, se soigner, s’éduquer, se déplacer,
disposer d’une retraite correcte, ne seront plus des droits élémentaires
mais des privilèges réservés à ceux qui ont les moyens de se les payer et
qui n’en ont rien à faire que les autres en soient exclus. Une société où
l’essentiel des richesses est confisquée par une poignée de parasites qui,
pour garder bonne conscience, remplacent la solidarité par la charité envers
les gueux modernes.

Dire cela n’a rien d’exagéré. De plus en plus nombreux sont celles et ceux
qui prennent conscience que tel est l’enjeu de la politique dégueulasse
menée par les Chirac, Raffarin et Seillière.

On peut et on doit être inquiets des résultats de celle-ci. Mais pas
tout de même au point de souffrir d’amnésie. Si le libéralisme déferle
aujourd’hui, c’est aussi parce que les digues ont été largement fissurées
par le PS et ses alliés PC et Verts. Faut-il par exemple rappeler que leur
gouvernement a privatisé plus que les deux précédents de droite ? Qu’au
sommet européen de Barcelone, en pleine campagne présidentielle, Jospin et
Chirac avaient, main dans la main, programmé la mort de notre système de
retraite, sentence exécutée par Fillon et approuvée dans un grand élan de
sincérité par de vieux éléphants socialistes, et bien modérément critiquée
par les autres ? Et qui peut sérieusement penser que les Strauss-Kahn,
Hollande, Fabius et Aubry, de retour au pouvoir vont annuler les lois
antisociales de Raffarin, même s’ils y sont invités par les Mamère et les
Buffet ?

Non, l’espoir, il est dans les luttes.

Et fort heureusement, n’en déplaise au Baron, les gueux résistent.
Sans avoir gagné, les grévistes du printemps et de l’été 2003 ont usé
l’équipe au pouvoir. Le fond de l’air social demeure rouge : pêle-mêle,
salariés de l’Éducation nationale, de la Poste, d’EDF ou de la santé,
altermondialistes, chercheurs, intermittents, urgentistes, travailleurs en
butte à des licenciements, associations regroupées contre le « KO social »,
journalistes insurgés contre l’insulte faite à « l’intelligence », attisent
le feu d’une contestation qui cherche sa globalisation.

Cette rage contre un système capitaliste chaque jour plus injuste doit aussi
s’exprimer sans ambiguïté le 2’ mars prochain.
Ce jour-là, il faut choisir le seul vote à qui l’on ne pourra pas faire dire
autre chose que ce qu’il signifie, un vote de classe, un vote pour faire
vivre l’espoir : le vote pour la liste LCR-LO conduite par notre camarade
Lucien Sanchez.

Mieux que l’abstention ou les demi-choix rose ou vert, il est le seul moyen
de donner un carton rouge au gouvernement et au Medef sans absoudre
l’ex-gauche plurielle.

Frédéric Borras