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Wisconsin : la révolte des fonctionnaires qui secoue les Etats-Unis (photos et videos)

Publie le mercredi 2 mars 2011 par Open-Publishing
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Depuis deux semaines, les fonctionnaires de l’Etat du Wisconsin sont en guerre ouverte contre le nouveau gouverneur républicain et une loi qui supprimerait 70 ans d’acquis sociaux et syndicaux. Un conflit qui passionne l’Amérique toute entière.

Ce n’est pas exactement la place Tahrir, mais on n’est pas loin. A Madison, la capitale du Wisconsin, les manifestants brandissent depuis deux semaines des pancartes exigeant le départ d’ "Hosni Walker". A l’origine de ce que la presse américaine a baptisé la "bataille du Wisconsin" : la volonté du nouveau gouverneur républicain, Scott Walker, de supprimer les conventions collectives dans la fonction publique, soit d’effacer d’un coup de balai 70 ans d’acquis sociaux. L’affaire partage souvent la une de l’actualité avec les révoltes arabes.

Samedi, ils étaient 68 000 à manifester avec des pancartes qui affichaient "Un dictateur au tapis, un autre à abattre", avec la photo de Walker à côté de celle de Moubarak. Une comparaison pas complètement gratuite, le gouverneur ayant effectivement menacé de faire appel aux gardes nationaux pour disperser les manifestants... "Ils veulent nous ramener non pas aux années 30, avant que les lois du New Deal n’imposent les conventions collectives et les lois contre le travail des enfants, mais aux années 1890 quand les syndicats ont été écrasés par les armes", s’emporte Glancy Sigal dans le Guardian.

Les sénateurs jouent à cache cache...

Le projet controversé a malgré tout franchi jeudi soir un premier obstacle lors d’un vote à la Chambre Basse à majorité républicaine mais il doit encore passer au Sénat. Ce qui s’avère plus compliqué que prévu alors que les 14 sénateurs démocrates sont partis se cacher dans l’Illinois. Le seul moyen qu’ils ont trouvé pour bloquer le processus, la loi exigeant un quorum de 20 sénateurs pour un vote, et les républicains ne comptant que 19 élus... Du coup, Walker a envoyé des forces armées aux maisons des sénateurs disparus, dans l’espoir d’en attraper quelques uns qui seraient venus chercher des affaires. A court d’arguments, le gouverneur a menacé de licencier 1 500 fonctionnaires si les démocrates ne coopéraient pas. Rien n’y fait. Les sénateurs démocrates refusent de rentrer tant que Walker n’accepte pas de négocier. L’issue de cette bataille politique est scrutée de près alors que plusieurs autres gouverneurs républicains ont l’intention de suivre Walker, dans le New Jersey, en Floride ou dans l’Ohio.

Réduire le déficit, un simple prétexte ?

Scott Walker a justifié la mesure en expliquant qu’elle donnerait plus de souplesse au gouvernement pour réaliser des économies et combler un trou budgétaire de 137 millions de dollars. Un argument classique pour un élu issu du mouvement ultra conservateur des Tea Party. En somme, il veut augmenter les cotisations retraite et santé des fonctionnaires de 8% en moyenne, et il ne veut pas avoir à négocier avec les syndicats pour y arriver.

Mais d’aucuns soupçonnent le gouverneur de ne pas vraiment s’intéresser au déficit. Le sénateur démocrate Tim Cullen fait en effet remarquer qu’offrir 140 millions de dollars de nouvelles réductions fiscales aux grandes entreprises est une drôle de manière de remplir les caisses de l’Etat. Surtout, les démocrates et les syndicats ont proposé au gouverneur d’accepter les coupes, en échange de l’abandon de la provision anti-syndicats, mais Scott Walker a refusé.

Les syndicats, derniers défenseurs de la classe moyenne

Ce qui fait dire à Paul Krugman qu’il ne s’agit pas de rigueur fiscale mais de "pouvoir" : "Walker et ceux qui le soutiennent essaient de faire du Wisconsin, et à terme de l’Amérique, moins une démocratie qui fonctionne qu’une oligarchie du tiers monde, s’indigne le prix Nobel dans un éditorial du New York Times. Qu’on les aime ou pas, en attaquant les syndicats, on menace l’un des derniers contrepouvoirs face aux milliardaires et l’un des derniers défenseurs de la classe moyenne". De fait, depuis les années 70, la classe moyenne ne peut plus compter sur le parti démocrate pour défendre ses intérêts, confirme le blogueur politique Kevin Drum. La raison est simple : comme leurs rivaux républicains, les sénateurs démocrates dépendent pour leurs campagnes des financements de Wall Street et ont donc naturellement tendance à défendre leurs intérêts.

En clair, l’objectif de Walker n’est pas de réduire le déficit mais de "détruire les derniers vestiges du syndicalisme dans le Midwest, estime Jeffrey Keefe, professeur d’économie à l’Université Rutgers. Ils veulent établir une majorité permanente en détruisant les syndicats". Et les républicains sont en bon chemin d’y arriver. Ils ont déjà réussi à empêcher les fonctionnaires de se constituer en syndicats dans 12 Etats. Et quelque 22 Etats ont déjà entamé l’influence des syndicats à travers des lois permettant aux travailleurs de bénéficier d’avantages sociaux sans avoir à adhérer aux organisations syndicales.

http://www.lexpansion.com/economie/la-revolte-des-fonctionnaires-qui-secoue-les-etats-unis_249829.html



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