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cuba pour les nuls : viktor dedaj sur www ;campuslille.com

Publie le dimanche 27 mai 2007 par Open-Publishing
3 commentaires

CE MERCREDI 30 MAI 2007
A 18H30
C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »
Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6
En direct et en archives sur : www.campuslille.com

Imaginons l’avenir. La France, en 2020. La France d’après en quelque sorte. 2020, le 14 juillet précisément. Bien sûr, tout a été privatisé depuis longtemps, et tous ont été précarisés… Mais ce 14 juillet, la colère, fille des conditions objectives, couvée par une avant-garde révolutionnaire, la colère déferle sur Paris intra muros, descendant des banlieues… Sur la route, quelques bourgeois hébétés, ont à peine le temps de comprendre : leurs têtes balancent déjà au bout de piques qu’on croyait révolues… Puis, Fleury Mérogis est prise d’assaut, et Fresnes…

On imagine aisément les gros titres sur la « racaille » et les « nouveaux barbares »… Bon, mais on est en 2020, on peut extrapoler. Gageons qu’il y a, derrière la révolte légitime du peuple, un projet politique, absolument effrayant pour l’ordre établi… Parions qu’alors chacun soit sommé, de fait, de prendre parti, pour ou contre… la révolution.

La révolution, c’est comme dire merde à son patron : tout le monde en rêve, mais peu seraient prêts à franchir le pas… on trouverait toujours des prétextes… pas comme ça qu’il faut faire, trop comme ceci, pas assez comme cela… Et finalement, la révolution platonique devient la contre-révolution, et gaffe, la guillotine est pas loin. Parce que la révolution, c’est pas COMME dire merde à son patron. C’EST dire merde à son patron.

Et dire qu’on doit un jour férié à la racaille qui a pris d’assaut une zonzon… Mais c’est notre fête nationale, oui, les feux d’artifice, la garden party, les discours, notre démocratie qu’est la meilleure du monde, nos droits de l’homme rien qu’à nous, notre liberté, notre presse libre, nos élections, tout ça, c’est du quasi génétique…

Un spectre hante l’Europe, ce spectre c’est celui de cette vision platonique, idéaliste, de, lâchons le mot : l’Histoire. Dès lors qu’une certaine distance, temporelle ou géographique, nous éloigne des faits, nos consciences s’éclipsent sous le feu d’une propagande sournoise mais omniprésente.

Ainsi jugeons-nous de ce qui se passe « ailleurs »… Les portraits du Che fleurissent sur les tee-shirts dans les soirées salsa. Mais qui se souvient d’Ernesto Guevara, embarquant un jour de 1956, avec Fidel et d’autres, sur le Granma ? Qui sait le sang versé, la torture, les combats ? Qui se souvient de Batista, dictateur sanguinaire, soutenu par la puissance néo-coloniale étatsunienne ? Qui sait les multiples actes de terrorisme qui, depuis, ont ensanglanté Cuba ? Qui sait qu’un avion de ligne cubain a été pulvérisé en vol en 1976 ? Qui sait que le terroriste responsable de cela coule des jours heureux aux Etats-Unis ? Qui sait que la guerre que mène l’Empire contre ce petit pays continue ? Qui sait qu’en dépit de cela, aucun enfant cubain ne dort dans les rues, que tous sont éduqués et soignés gratuitement ? Qui se souvient, qu’il y a quelque temps sévissait un régime d’apartheid en Afrique du Sud et que le sang cubain a coulé pour contribuer à l’abattre ? Que des médecins cubains ont gravi les montagnes du Cachemire après le séisme du Pakistan que tout le monde a déjà oublié ? Qui sait que des milliers d’enfants de Tchernobyl sont soignés gratuitement à Cuba ? Qui a déjà lu un discours de Fidel Castro, oh ! pas pour connaître la ligne à suivre non, mais pour s’informer ? Qui se doute que cette liste, déjà trop longue, pourrait encore s’allonger indéfiniment ?

Fi de tout cela ! nos démocraties n’ont aucune leçon à recevoir de ces dictatures exotiques ! Nos journaux, propriétés d’industriels bien sûr démocrates et objectifs, nous ont informés. Reporters sans frontières, financé par la CIA et la mafia de Miami, toutes deux objectives et démocratiques, nous ont mis en garde. Nos gouvernements, celui des Etats-Unis comme ceux d’ici, parfaitement légitimes et bien intentionnés, n’ont pas décidé de durcir les sanctions contre la petite île par hasard, non mais !

« Bon écoute, c’est vrai, on sait tout ça, nous, mais quand même : le blocus, c’est une bonne excuse non ? et puis y a pas d’élections à Cuba… et pas de liberté de la presse… dis-moi pas que les gens sont heureux là-bas. Et Castro, c’est quand même un dictateur… » Et oui, et voilà que, dans le meilleur des cas, vous passez pour un gros naïf victime de la propagande mondiale, écrite, hertzienne, satellitaire, de ce régime manipulateur qui inonde chaque jour la planète de ses mensonges, porte la guerre partout, exploite et pille le tiers-monde, abaisse l’homme « civilisé » au rang de simple consommateur, « the cuban way of life » comme ils disent. Hein ? Ironique ?

C’est parfois l’arme la meilleure pour dire ce qui ne s’entend pas. C’est celle aussi de Viktor Dedaj, co-auteur avec Danielle Bleitrach de « Cuba est une île » et, avec la même et Maxime Vivas de « Les Etats-Unis, de mal empire. Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud ». Vous pouvez retrouver les références ainsi que des articles, ironiques donc, parfois, mais toujours très documentés et… « objectifs » sur le site Cuba Solidarity Project ( http://vdedaj.club.fr/cuba/index.html ). Nous tenterons, ce mercredi, de répondre à toutes les questions sur Cuba, dans un entretien en direct avec Viktor DEDAJ.

Ci-dessous, un article du même, une lettre, choisi presque par hasard :

Chère Maria,
Je ne sais pas si mon nom vous dira quelque chose. A vrai dire, je ne crois pas vous avoir laissé un souvenir impérissable. C’est pourtant vous qui m’avez donné, au détour d’une seule phrase, une des plus belles leçons d’humanité qu’un homme puisse recevoir. Cela fait déjà quelques années de cela mais, comme vous pouvez le constater, je n’ai pas oublié.

Vous souvenez-vous, Maria, de cet occidental en visite sur votre île qui voulait vous poser quelques questions ? En réalité, et pour être en phase avec mon état d’esprit à cette époque, je voulais plutôt vous demander de justifier votre soutien à un certain Fidel Castro. "Comment pouvez-vous..." aurait probablement été le début de l’interrogatoire en bonne et due forme que je vous avais préparé. Oui, Maria, je sais. Mais comprenez-moi, c’était "avant".

Vous n’aviez pas vraiment le temps, mais vous m’avez quand même accordé 15 minutes d’entretien, comme ça. Je n’ai pas eu l’élégance de relever la gentillesse de votre geste, n’est-ce pas, Maria ? Après tout, je venais de France, comprenez-vous ? Et vous, eh bien, vous n’étiez qu’une Cubaine. Médecin. "Encore un ?" aurais-je dit avec ironie à l’époque. Oui, Maria, je sais. Mais c’était avant.

Vous étiez en charge du programme (cubain) de soins dispensés (gratuitement) aux enfants (ukrainiens) victimes des retombées de l’accident (nucléaire) de Tchernobyl. Je n’avais jamais entendu parler auparavant de ce programme. Encore moins de vous, d’ailleurs. Mais une amie cubaine a insisté pour nous présenter.

Vous m’avez expliqué que les autorités ukrainiennes envoyaient les enfants se faire soigner à Cuba. A l’époque (à savoir au début des années 90), environ 5 000 étaient pris en charge par vos services Je crois savoir que, depuis, ce chiffre est monté à plus de 15.000. Etes-vous toujours responsable de ce programme Maria ? Je me pose souvent cette question.

L’entretien dura plus longtemps que prévu. Plusieurs heures en fait. Je suppose que vous vous sentiez en confiance et rassurée par cet occidental qui cherchait avant tout à comprendre. Vous avez finalement regardé votre montre et vous vous êtes levée en déclarant qu’un avion arrivait d’Ukraine, avec deux cents enfants supplémentaires, et que vous ne saviez pas encore où vous alliez les loger. Vous vous êtes même excusée. Excusée de n’avoir plus le temps.

Mais quelques jours auparavant, j’avais lu dans la presse commerciale de chez nous que les Etats-Unis avaient présenté à l’ONU (encore) une résolution visant à condamner Cuba pour "atteintes aux Droits de l’homme". Cela ne me choqua pas car, à l’époque, j’étais encore ce que l’on appelle un anticastriste. Comme tout le monde, quoi. Je vous ai parlé de ce vote. Bien entendu, vous étiez au courant.

"L’Ukraine n’a-t-elle pas récemment condamné Cuba pour atteintes aux Droits de l’homme ?" vous ai-je demandé. "Oui, c’est exact," m’avez-vous répondu. "Et ils vous envoient dans la foulée deux cents enfants de plus ?" ai-je insisté. "Oui," m’avez-vous confirmé, apparemment sans trop savoir où je voulais en venir.

C’est étrange comme certaines vies peuvent basculer, au détour d’une rencontre ou d’une phrase. Je garde encore les traces de la tempête qui se déchaîna sous mon crâne.
M’en voulez-vous encore, Maria ? Me pardonnerez-vous un jour cet échange ? Pire : l’avez-vous gardé en mémoire ? Non ? Alors le voici :

Moi : "L’Ukraine vous condamne à l’ONU, puis ils vous envoient deux cents enfants de plus se faire soigner gratuitement chez vous (en pleine "période spéciale")... ?"
Vous : "Oui"
Moi : "Et vous les acceptez ?"

A ce moment-là, j’ai senti que je venais de perdre toute l’estime péniblement gagnée au cours de ces quelques heures passées en votre charmante compagnie. Vous m’avez jeté ce regard qui me hante encore. Un mélange de tristesse et de déception. Vous m’avez simplement répondu : "Mais... ce n’est pas la faute des enfants". Puis vous êtes partie.
Oui, vous êtes partie mais vous ne m’avez jamais quitté. Comment oublier une telle claque ? De celles qui vous font du bien, de celles qui vous font grandir.

Mais parce que n’importe lequel d’entre "nous" vous aurait posé la même question, et parce que n’importe quel Cubain digne de ce nom aurait répondu la même chose, m’en voudriez-vous de considérer que cette réponse n’est pas celle de Maria à Viktor, mais celle de Cuba à l’Occident tout entier ?

Voyez-vous, Maria, je crois vous avoir comprise. Et depuis notre rencontre, je me suis fixé comme objectif d’être digne de cette leçon. Leçon involontaire, j’en conviens. Et c’est bien pour ça qu’elle n’en est que plus belle. En tout cas, j’aurais essayé.

Oui, Maria, je l’avoue, il y en a eu d’autres après vous. Beaucoup d’autres. De La Havane à Santiago en passant par Santa Clara. Mais vous étiez la première, celle que l’on n’oublie pas.

C’est pour cette raison, chère Maria, que je me suis enfin décidé à vous faire une lettre, que vous lirez peut-être. Si vous avez le temps.

Viktor Dedaj
"amoureux en transit"
août 2006

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