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de la police langagière à france inter

Publie le samedi 20 janvier 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

17.01.2007
Une police de la parole ?

« Un homme de couleur noire ». Ainsi l’étoile montante et présidentiable du Parti démocrate américain Barack Obama a-t-il été qualifié et présenté ce matin par Patrick Roger dans son Grand journal de 8 heures sur France Inter.
Cette appellation ne naît pas de rien. On la retrouve textuellement dans une note de service qui vient d’être adressée à tous les journalistes de cette radio. Rédigée notamment par l’ex-directeur de la rédaction Bertrand Vannier, intitulée « La couleur des mots », elle rappelle aux journalistes combien « la plupart des mots se nourrissent des préjugés et, lorsqu’ils sont mal employés, les nourrissent à leur tour ». L’attention des intervenants à l’antenne est donc attirée sur l’« exigence de forme », la « rigueur de contenu » et l’« éthique de responsabilité » qui leur incombent, notamment lorsqu’ils évoquent des sujets aussi sensibles que les relations intercommunautaires.
Concrètement, le mémo liste une série de mots jugés trop stigmatisants, dont il déconseille donc l’utilisation à l’antenne.

Ainsi :

 « bandes » (à réserver aux bandes mafieuses) ;
 « casseurs » (à remplacer par « groupes violents » ou « personnes encagoulées ») ;
 « jeunes des cités » ou « jeunes des banlieues » (« le terme jeune suffit à désigner de manière plus neutre ») ;
 « pays sous développés » (« parler de pays pauvres, de pays émergents ») ;
 « provincial » (« utiliser ce terme dans son acception historique, quand le royaume de France était organisé en province ») ;
 « gaulois » (« réserver ce terme à un usage historique ou archéologique ») ;
 « gens de couleur » (« bannir totalement ce terme ») ;
 « rythme dans le sang » (« cette expression suppose qu’une femme ou un homme de couleur noire sait danser par nature. Eviter ce genre de généralisation qui renforce les préjugés »).

Les auteurs de ce mémo se défendent de vouloir instaurer une « police de la parole » ou promouvoir une « langue de bois » politiquement correcte. Ils disent vouloir juste « servir l’intérêt général et renforcer la cohésion sociale et nationale ». Leurs recommandations lexicales, toutefois, n’ont pas toujours été bien accueillies par les journalistes de la radio publique. Témoin, cette réaction à chaud d’une consoeur passablement énervée : « On se croirait au Cambodge sous Pol Pot... vive les petits commissaires du peuple ! Et bon courage pour relater des émeutes de "jeunes" "casseurs" dans les "banlieues" ».
(cf blog paris libre belgique)
gi

Messages

  • Je ne trouve pas ça stupide du tout d’obliger les journalistes à utiliser d’autres formes langagières que les expressions préfabriquées, prêtes à l’emploi. Peut-être peut-on commencer à penser, à partir du moment où on s’interroge sur les catégories de pensée...?

    MG

    • Gare à la castration sémantique

      Une langue est un merveilleux moyen de communication, mais pour être précise une langue doit être vivante, elle doit évoluer au fil de la pensée.

      Vouloir instaurer des critères stricts dans son utilisation équivaut à une castration sémantique. Le politiquement correct a déjà fait suffisamment de dégât ! Inutile d’en rajouter.

      Un exemple, un seul : le terme de "nègre" a été quasiment banni, pourtant à ses origines il n’avait pas plus de référence raciste que le terme de "caucasien" ou de "blanc" pour parler des populations indo-européennes. N’est-ce pas Houphouët-Boigny lui-même qui a parlé de "négritude" (ce qui vaut bien la "bravitude d’une certaine politicienne hexagonale !) ?

      Plutôt que d’édulcorer le français - et ainsi l’appauvrir - , il serait préférable de lutter avec davantage de force contre l’invasion des termes anglais - qui se transforment vite en franglais - dans les médias. Mais c’est là un autre débat...

  • Auditeur de france-inter je peux témoigner que le vocabulaire utilisé par les journalistes n’est pas toujours rigoureux. On retrouve souvent ces clichés, ces tics de langage, ces expressions toutes faites si couramment utilisés par les journalistes qu’ils soient à la télé, à la radio ou dans la presse. Ils sont souvent formatté par leur école de journalisme. A ce mimétisme dans le style est lié à un certain mimétisme dans la pensée, et les idées.

    Au départ c’est suite à une avalanche de courriers d’auditeurs mécontent au médiateur de france-inter que la station a pris cette intitiative.
    Bien sûr il faut pas non plus exagérer et brider la richesse de la langue française mais si on pouvait empécher un jour les journalistes de dire que des salariés "grognent" quand il y a un conflit ou que les usagers sont pris en "otage" et bien je serais très content !

    Jips

    • De toute manière, polie ou pas, le langage d’un Le Pen invité sur France Inter est insultant.

      En fait, ce genre de "contrôle" est hypocrite, elle ne fait que souligner les clichés supposés être combattus.

      Ne pas "déborder", cela veut surtout dire rester dans les limites de la bienséance, quoi qu’on pense réellement.

      Celui qui pense "nègre" quand il entend "rythme dans le sang" a un problème au départ.

      jyd.

  • Je suis un Noir. Il y a quelques siècles, on m’aurait appelé Nègre, ce qui signifie la même chose. Aujourd’hui on n’ose plus désigner par le terme Noir des gens de ma couleur de peau. Pour leur être agréable on choisit le terme emprunté à l’anglais "Black".
    Ce glissement sémantique est révélateur d’un malaise collectif au regard d’une réalité. L’Histoire charge les mots de connotations péjoratives, les rendant imprononçables. Je prétends que si aucun mot n’est assez juste ni neutre pour désigner des humains à la peau foncée, alors nous n’avons pas surmonté nos complexes, lesquels, convenons-en, ne sont pas à sens unique ni l’apanage d’une seule race.
    le "politiquement correcte" est louable en ce qu’il est l’expression d’une ampathie et du respect de l’autre, en l’occurrence de sa différence. Il est cependant tellement dérisoire comme il ne rend pas la vue à un "non voyant" ni l’ouïe à un "malentendant" ni davantage de travail à un "Rebeu" ou un "Renoi".
    Sincèrement.
    Jean-Jacques TSANGA.

    • Cela va vous choquer mais moi j’ai l’habitude de dire nègre, c’est à cause de Cuba où il n’y a pratiquement aucun complexe de couleur et où il existe un véritable nuancier, ainsi cela va du blanc au nègre en passant par des cannelles et autres marrons... Le mélange est si total qu’il n’est pas rare de rencontrer un nègre aux yeux verts avec d’alleurs les yeux bridés d’un chinois... C’est magnifique cette humanité dont tous les signes de reconnaissance se sont ainsi brouillés et cela fait partie de mon bonheur d’être dans cette île. Alors qu’il m’est insupportable parfois d’être en Guadeloupe et la Martinique, si je me promène moi blonde à la peau claire avec un ami nègre je me heurte à un double racisme... Que Cuba ait vaincu cela me paraît une preuve de réussite...

      Vaincu, vraiment vaincu, pas le politiquement correct... J’ai trois petits enfants de type très maghrebin, ils sont magnifiques, vivants et trés gentils, affectueux mais diablotins comme tous les enfants de leur âge, vous ne pouvez pas vous imaginer ce que j’ai et ce qu’ils entendent par exemple sur la plage... Cela me rend malade... Le refus d’un enfant c’est incroyable... Alors quand je suis à Cuba et que je peux enfin oublier en bien comme en mal la couleur de la peau de l’autre c’est un soulagement... L’oublier réellement parce que le médecin est nègre, le responsable politique est métis avec de surcroît un type asiatique, c’est-à-dire que je suis obligée d’être confrontée à des capacités, des pouvoirs de toutes les couleurs, de dire compagnero à tous et à toutes, quel bonheur...

      Avez-vous vu hier sur ARTE à 19heures un reportage sur les écoliers cubains, le commentaire était ignoble et mensonger y compris par rapport à ce que disaient les enfants, les enseignants, les parents, mais vous aviez une école cubaine avec tous ses enfants, de toutes les couleurs, polis, studieux, et de surcroît révolutionnaires... Le petit surdoué était un métis afro-chinois et le prof le plus révolutionnaire était un métis très foncé.... Tous pratiquaient un lien étraoit avec la famille, oui mais il y avait quinze enfants par classe et ils gardaient pendant trois ans les mêmes profs.... Ils étudiaent et apprenaient à manier un fusil chacun savaient où était le sien en cas d’invasion, pas mal pour un peuple en dictature de disposer ainsi chacun de son arme personnelle et ce dès l’âge de douze ans .... Etre révolutionnaire explique aussi que dans ce pays il y a plus de médecins d’origine africaine, disons nègres que dans tous les Etats-Unis...

      Je ne crois pas au politiquement correct, je crois aux conditions matérielles et humaines créées pour une véritable égalité à l’intérieur de l’unique race humaine...

      Danielle Bleitrach

    • Monsieur votre post me remet en memoire une vieille anecdote ,
      il y a trente cinq ou trente six ans nous etions dans un ascenceur avec mon fils agé de trois ans et à l’arrivé d’un homme noir mon fils m’interrogeat sur sa couleur , il s’etonnait , c’etait assez rare dans le quartier à l’epoque , je n’eus aucune difficulté pour employer le mot noir pour parler de cet homme , qui expliqua lui meme à mon gamin qu’il venait d’un pays ou tout le monde etait noir .
      Césaire parla ensuite de Negritude et la revendiqua , mais le mot negre me heurtait , tant il faisait réference au sud des etats unis , au racisme , à la discrimination , ne sachant plus que dire certains passérent au black , pour ma part j’en suis resté au mot noir , il ne vehicule aucune idée dépreciative , c’est un fait , on dit les blancs , les jaunes , les noirs !
      Je ne me sens pas insulté si l’on dit de moi que je suis blanc , les noirs se sentent ils insultés si l’on dit les noirs ?
      amicalement ,
      claude de Toulouse .

    • eh oui nous vivons dans un merveilleux pays où n’existent plus ni sourd, ni aveugle, ni vieux, ni manœuvre, ni femme de ménage, ni bancal, ni tordu !
      reste-t-il des cons ?
      oh mânes de Brassens et de Brel
      B F

  • Pourquoi ont-ils oublié dans leur liste le mot "grogne", utilisé pendant une grève ou une manifestation, assimilant ainsi les grévistes à des porcs ?