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des groupes de cheminots et d’étudiants se radicalisent.
Publie le vendredi 23 novembre 2007 par Open-Publishing(repris dans 24H en plus court) : je n’ai pas le temps d’attendre la publication pour mettre à la queue le leu
Les « desperados » de la grève dure
Alors que les dirigeants syndicaux souhaitent la fin du mouvement social, des groupes de cheminots et d’étudiants se radicalisent.
JEAN-NOËL CUÉNOD | 23 Novembre 2007 | 00h05
« La protestation des étudiants et des lycéens va bien au-delà de la lutte contre la Loi sur l’autonomie de l’Université. » Lucas, membre du Bureau national de l’UNEF, l’un des principaux syndicats estudiantins, nous décrit le profond malaise que partage un grand nombre de jeunes Français. L’entretien se déroule au milieu de la manif d’hier après-midi devant la Sorbonne.
L’angoisse de l’avenir
Mardi, lors du défilé organisé par les syndicats de la fonction publique, nous avons entendu de semblables propos. Des cheminots grévistes « jusquauboutistes » déclaraient que « le fond du problème, ce n’est pas tant les retraites qu’un ras-le-bol général ».
Cela explique, au moins en partie, l’incompréhension qui règne entre les dirigeants syn-dicaux et une partie réduite mais active de leur base. Les représentants des cheminots jugent encourageants les premiers résultats des négociations qui se sont engagées mercredi. En effet, ils discutent augmentation de salaire contre allongement de la cotisation de retraite, et sur ce point, le gouvernement est prêt à leur céder plusieurs avantages. Ils ont donc la -conviction de bien remplir leur mission.
Or, pour les « desperados » de la grève dure, la problématique ne se situe pas à ce niveau. Et parce qu’elle est profonde, cette désespérance sociale peine à trouver les mots pour se définir. Lucas, notre interlocuteur de l’UNEF, résume bien ce qui forme sans doute le fond de ce mal-être :
« Il y a une véritable angoisse face à l’avenir. Il est impossible de savoir de quoi demain sera fait. Les médias nous accusent de ne pas nous battre pour des idéaux mais pour des objectifs terre à terre. En fait, ils veulent ignorer la misère qui règne dans nos universités. Sur 2,3 millions d’étudiants plus de 100 000 survivent au-dessous du seuil de pauvreté. Je m’occupe du bureau d’aide sociale à l’UNEF, et à ce titre, je peux mesurer dans quelle situation dramatique se trouvent plusieurs de nos camarades, surtout étrangers. Certains ne peuvent manger que grâce à l’aide de leurs copains. »
Lors d’un débat récent à la Cité des sciences de Paris-La Villette, le sociologue Claude Dubar a défini certains aspects de ce malaise général qu’il relie à une crise des identités professionnelles : « De grandes incertitudes existent actuellement sur l’avenir des différents métiers, professions, statuts. »
Les identités collectives sont devenues floues
Constat de Claude Dubar : les identités collectives qui jadis étaient bien définies sont devenues floues. Et cela affecte non seulement les syndicats, mais aussi la construction de l’avenir professionnel de chacun. La multiplicité des contrats de travail à court terme et les changements continuels de mode de gestion forment la trame de cette angoisse à la fois collective et individuelle.
Lorsque l’actuel conflit sera terminé, cette désespérance sociale restera, prête à éclater.
Un très cher conflit, de trop pour l’économie française
Les grèves se terminent. Les unes après les autres, les assemblées générales votent la reprise du travail. Sonne l’heure du premier bilan.
Combien le mouvement a-t-il coûté à l’économie française ?
Entre 300 et 400 millions d’euros par jour, calcule la ministre Christine Lagarde. Peut-être 0,1 point de la richesse nationale (PIB). Economie languissante de la zone euro, la France peinait à réaliser 2% de croissance en 2007. Elle pourrait bien ne pas l’atteindre.