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l’informatique au service de la mutabilité du passé

Publie le mercredi 22 juillet 2009 par Open-Publishing

L’informatique est un outil formidable dont la mémoire et les capacités de calcul semblent aussi infinies que le cerveau humain. Les comparaisons qui lient ces deux machines surpuissantes sont possibles sur de nombreux plans, y compris celui de sa faillibilité : les connections entre les différents « services » de ces machines se font de manière électrique, et les bugs sont possibles dans les deux cas.
Ainsi il est possible à un homme, comme à un ordinateur, de se retrouver amnésique, ou même en état de griller sa carte-mère.

La possibilité de « bug » qui entraîne une perte (parfois irrémédiable) de données a longtemps été testée par les armées du monde entier, qui voulaient une fois de plus profiter des failles humaines pour y engouffrer leurs désirs de puissance. Et même si parfois tuer un homme est plus rapide (et moins coûteux) que de lui faire griller le cerveau, il semble plus judicieux et plus « rentable » de le garder en vie si on veut l’exploiter au mieux. Le contrôle de la pensée n’étant pas encore parvenu à être scientifiquement réalisé, le plus simple est encore de ne lui apporter que les informations susceptibles de former son esprit de la manière voulue.

Pour ce faire, et ce depuis le commencement de l’écriture, les dirigeants de toute l’histoire se sont un jour confrontés à un dilemme au sujet des nouveaux outils de communication : permettant à la fois la diffusion de la propagande et de la contestation, ils se sont toujours trouvés dérangés par la puissance de cet outil. Bien utile pour eux-mêmes, l’écriture pouvait également leur nuire, et c’est logiquement que les premiers copistes furent achetés, surveillés ou punis pour leurs travaux. Après l’arrivée de l’imprimerie, la propagande des chefs fut plus largement répandue, mais les dangers de contestation furent plus grands aussi : les autodafés furent mis en place. Bien plus tard arriva une nouvelle technologie à la fois dangereuse et attirante, la possibilité de numériser des documents, et ensuite de les envoyer en quelques secondes à l’autre bout de la terre. Formidable outil à double tranchant, nos gouvernants l’utilisent à leur profit en essayant de réduire au maximum son potentiel de nuisance. Des lois furent adoptées pour contrôler internet, afin de pouvoir anéantir toute contestation.

Mais la surveillance totale n’est pas le seul objectif que visent les gouvernements : comme disait Orwell, “la mutabilité du passé est le principe de base de l’Angsoc. les évènements passés, prétend-on, n’ont pas d’existence objective et ne survivent que par les documents et la mémoire des hommes. Mais comme le parti a le contrôle complet de tous les documents et de l’esprit de ses membres, il s’ensuit que le passé est ce que le Parti veut qu’il soit.” Avec la numérisation, l’instantanéité et le contrôle de toutes les communications, il devient désormais possible d’atteindre cette mutabilité du passé, et ce pour des raisons évidentes : l’individu « doit être coupé du passé, exactement comme il doit être coupé d’avec les pays étrangers car il est nécessaire qu’il croie vivre dans des conditions meilleures que celles dans lesquelles vivaient ses ancêtres et qu’il pense que le niveau moyen de confort matériel s’élève constamment ».

Car écrire l’Histoire c’est plus que de La faire, cela devient la réalité.

Avec les nouvelles technologies ( comme le « ebook ») favorisant la numérisation de tous les écrits, le monde est à la veille de la mort de l’imprimerie. Et, avec l’effacement ou le remplacement de données, en une seconde et partout à la fois, il deviendra bientôt impossible de trouver d’autres informations que celles « approuvées » par le pouvoir.

Bien sûr, les supports physiques existeront toujours, et une clé USB est capable de conserver des données exploitables, mais comment imaginer qu’ils soient à l’avenir diffusés, compte tenu de la possibilité d’accès des pouvoirs publics à tous les fichiers individuels ?

Internet, qui aurait pu être une source de rassemblement incroyablement efficace, est en train de devenir l’instrument de notre anéantissement mental. N’ayant bientôt plus ni le moyen de contester, ni celui d’avoir accès à la réalité, notre monde ressemblera d’ici peu à celui de Winston Smith.

Après la disparition totale de toute référence réelle au passé, après la suppression de tous les écrits potentiellement nuisibles au pouvoir en place, nos chefs seront enfin en mesure de nous imposer la pensée unique.

Sans même que nous en soyons conscients.

http://www.calebirri.unblog.fr