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la CGT entre isolement et radicalisation

Publie le vendredi 18 juin 2004 par Open-Publishing
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"Assurance-maladie, EDF : la CGT entre isolement et radicalisation"

Bernard Thibault a été reçu, jeudi 17 juin, par Jean-Pierre Raffarin. Il lui a remis une pétition contre la réforme du système de soins signée par 773 000 personnes. Il confirme une nouvelle journée de mobilisation le 29 juin, date du début de l’examen du plan Douste-Blazy à l’Assemblée.

Isolée sur l’assurance-maladie et radicalisée sur le changement de statut d’EDF-GDF, la CGT traverse une passe délicate. Son secrétaire général, Bernard Thibault, a pu exposer ses critiques lors de son entrevue avec Jean-Pierre Raffarin, jeudi 17 juin. Il en a profité pour remettre au premier ministre les 773 000 signatures recueillies par la pétition de la CGT contre le projet de loi réformant le système de santé, se rassurant ainsi sur les capacités de mobilisation de son syndicat, qui vient d’appeler à une journée nationale d’action le 29 juin, date de l’ouverture du débat parlementaire sur l’assurance-maladie.

Pour autant, la CGT n’est pas parvenue à articuler "proposition, mobilisation, négociation et contestation", la ligne définie en mars 2003, lors de son 47e congrès. Dans ses propres rangs, des doutes persistent sur l’évolution réformiste de la CGT, et certains réclament une "radicalisation" de la stratégie. Au contraire, le gouvernement, le Medef et d’autres centrales syndicales déplorent son retour à une posture classique de contestation. De son côté, la CGT soupçonne le gouvernement et certains syndicats, notamment la CFDT, de vouloir l’isoler. Dans ce contexte, l’enquête sur la gestion de la CCAS - le comité central d’entreprise d’EDF -, qui évoque d’éventuels financements de la confédération par les œuvres sociales de l’entreprise publique, illustre, selon M. Thibault, cette volonté d’affaiblir la CGT.

RELATIF ISOLEMENT

Signe de ce relatif isolement, le leader de la CGT n’a trouvé que la FSU et le Groupe des dix-Solidaires (notamment les syndicats SUD) pour manifester, le 15 juin, contre la réforme de l’assurance-maladie. Dix jours plus tôt, il était parvenu à rallier la CFDT, FO, l’UNSA, la CFTC et la CFE-CGC dans le cadre de manifestations "pour une autre réforme" de la Sécurité sociale.

La CGT pouvait alors se targuer d’avoir rassemblé l’ensemble du mouvement syndical sur sa proposition d’action. Et se féliciter que ses militants aient constitué les deux tiers des cortèges, tout en reconnaissant le caractère limité de la mobilisation. Le 15 juin, le nombre de manifestants avait fondu. La rupture était consommée entre des organisations syndicales, par ailleurs divisées sur les solutions à adopter pour sauvegarder la Sécurité sociale.

Depuis, la CFDT a convaincu l’UNSA et la Mutualité française de participer à une journée d’action le 22 juin. Face à ce nouveau front syndical, la CGT peut se vanter d’être restée "la seule" à avoir rejeté la réforme gouvernementale. Réforme sur laquelle les conseils d’administration des trois caisses nationales de la Sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille) ont été consultés pour avis.

Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, estime au contraire que le rendez-vous du 22 juin organisé par la CFDT valide la stratégie de sa propre centrale : "La CFDT sait qu’elle doit continuer à mobiliser et elle se met en porte-à-faux par rapport à son argumentation développée lors de la bataille contre la réforme des retraites, au printemps 2003, quand elle expliquait que, le temps du débat parlementaire étant venu, il n’était plus l’heure pour les syndicats de mobiliser."

Autre confrontation avec le gouvernement : le changement de statut d’EDF et de GDF. La CGT, majoritaire dans les deux entreprises, est contrainte de justifier des actions radicales : coupures de courant, dont celle qui a entraîné la paralysie du trafic ferroviaire à la gare Saint-Lazare à Paris le 14 juin, occupations de centres de distribution... Elle explique ces actions par l’"exaspération" des agents d’EDF.

"COUPURES MAÎTRISÉES"

"Le mouvement social, ce n’est pas un défilé du 14 Juillet", constate Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral chargé des questions économiques, et notamment du dossier EDF. Il préfère mettre en avant des "coupures ciblées, maîtrisées, ne gênant pas les usagers". "Notre travail, dit-il, c’est de canaliser cette tension sociale vers des objectifs atteignables." Cette stratégie est difficile, reconnaît-on à la CGT.

Si le syndicat se fait fort de démontrer son savoir-faire lors des mobilisations, il lui est plus difficile de revendiquer des résultats tangibles dans les négociations interprofessionnelles. La faute, selon les dirigeants de la CGT, à la "crise politique", à un gouvernement "peu fiable" et fragilisé par sa défaite aux élections régionales et européennes, ainsi qu’au Medef, revenu à "une posture classique, celle de lobby du patronat français". La faute, enfin, à la crise du syndicalisme, que les tensions sur l’assurance-maladie ne risquent pas d’atténuer. "Notre problème, c’est d’être à la fois une force de proposition et d’unité et, dans le même temps, d’agréger toutes les formes de lutte qui vont dans le même sens", résume Mme Dumas. C’est sur ce thème que plancheront les responsables de la CGT, cet été, au cours de leurs journées d’étude.

Rémi Barroux

http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-369474,0.html

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