Accueil > recours contre la circulaire du 21 février 2006
À : immigration.jetable@rezo.net
audience du CE sur circulaire du 21 février 2006
Bonjour,
Quelques mots pour vous tenir au courant de qui s’est dit ce jour au Conseil
d’Etat à propos de notre recours contre la circulaire du 21 février 2006 sur
l’interpellation des sans papiers.
Nous avons donc sagement écouté le commissaire du gouvernement (Yann Aquilla
– je crois). Son rôle consiste à donner un avis argumenté sur la requête et
donc propose à l’issue de ses conclusions soit de rejeter la requête, soit
d’annuler le texte attaqué.
Le suspens ne sera pas total : il a proposé le rejet de notre recours en
annulation.
Deux points ont été surtout évoqués :
– l’incompétence du ministre de l’Intérieur qui ne pourrait pas signer une
circulaire apportant des réponses pénales. C’est un peu de la cuisine, mais
en gros : au titre de l’article 30 du code de procédure pénale, seul le
ministre de la justice peut donner des instructions aux procureurs de la
République dans le cadre de l’action publique. Après avoir fourni plusieurs
arguments qui auraient permis de retenir notre moyen, et donc de dire que le
ministre de l’Intérieur n’avait pas compétence pour être co-auteur de la
circulaire, le commissaire en a donné d’autres (comme l’intérêt d’une bonne
coordination de l’ensemble des services de l’Etat) pour proposer d’écarter
notre argumentation sur ce point ;
– les interpellations au guichet. le commissaire a fait part d’un "malaise"
à la lecture de la circulaire. Il s’est penché sur les instructions données
aux fins de rédaction de la convocation, relevant (ou s’interrogeant sur)
l’incitation à ne pas informer les étrangers sur le sort qui leur serait
réverver en répondant à ladite convocation. Après avoir donné le contenu de
l’arrêt cité par la circulaire (remettant en cause au passage sa
qualification "d’arrêt de principe"), il a dit regretter qu’elle ne
mentionne pas un autre arrêt - de la Cour européenne des droits de l’homme -
concluant à la violation de l’article 5 de la CEDH (lorsque l’administration
trompe consciemment des personnes). Il n’existe pas de jurisprudence
administrative sur les convocations déloyales ; toutefois il est possible de
prendre appui sur la notion de "détournement de procédure", et partant il
est tout à fait possible de censurer une véritable manoeuvre de
l’administration... Encore faut-il que la manoeuvre soit clairement établie.
Et c’est là où... il a considéré en gros que l’on ne pouvait pas a priori
faire un procès d’intention à l’administration, que le CE ne pouvait s’en
tenir qu’à la lettre de la circulaire (et pas se préoccuper en amont des
pratiques générées par les instructions). Bref le commissaire du
gouvernement propose d’écarter nos arguments. Toutefois, selon lui, la
décision du conseil d’Etat ne doit pas constituer "un chèque en blanc"
(laissant entendre que les convocations piège sont légales). On imagine
qu’il souhaite une formule dans la décision du style : la position du CE ne
préjuge en rien de la légalité des pratiques, qui pourront être annulées
(pour détournement de procédure ou en raison de leur caractère déloyal).
Pour le reste, le commissaire du gouvernement a vite balayé : la circulaire
est conforme au droit (ex : contrôles près des foyers).
Le conseil d’Etat suivra sans doute les conclusions du commissaire du
gouvernement. Il rendra sa décision dans les deux ou trois semaines (sauf si
le CE décide de transmettre l’affaire à une autre formation de jugement).
A suivre