Accueil > résultat du procès du collectif de soutien aux sans papiers de Rennes
résultat du procès du collectif de soutien aux sans papiers de Rennes
Publie le jeudi 19 février 2009 par Open-PublishingNous avons obtenu aujourd’hui une copie du jugement du tribunal correctionnel suite au procès contre le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes pour "injures et diffamations envers la police aux frontières".
Il fait 20 pages. Nous le tenons à disposition de quiconque. Nous allons même en mettre une copie sur la liste.
En attendant, voici les principales conclusions sur la procédure de comparution volontaire (on a perdu), sur le délit d’injures (on a gagné) et sur la diffamation (on a gagné aussi) (...)
Attention, j’ai décoré certaines conclusions sur la diffamation d’une petite expression récurrente spéciale ennemi.
Il va sans dire que ces principales conclusions doivent circuler, en particulier dans les milieux militants, pour que ce procès soit utilisé comme jurisprudence favorable (pour nous) à l’avenir. D’ailleurs, on comprend que le Parquet fasse appel car le jugement est vraiment trop positif pour les milieux militants...
PRINCIPALES CONCLUSIONS
DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL
SUITE AU PROCES CONTRE LE COLLECTIF DE SOUTIEN
AUX PERSONNES SANS-PAPIERS DE RENNES
(12 janvier 2009)
A) Sur la procédure de comparution volontaire :
La demande, sans avertissement préalable du ministère public, a été jugée irrecevable car cela reviendrait « à conférer à des particuliers le droit d’exercer l’action publique à titre privé […] et à porter atteinte au principe de l’opportunité des poursuites reconnu par le droit français au procureur de la République ».
B) Sur le délit d’injures :
La nullité partielle est prononcée « faute d’avoir visé [dans la citation à comparaître] le texte de loi adéquat sans pour autant étendre cette nullité à l’ensemble des citations ».
C) Sur la diffamation :
« Portent incontestablement atteinte à l’honneur ou à la considération de la police aux frontières les propos mentionnés dans les tracts distribués au public lors de cette manifestation imputant aux agents de ce ministère sous une forme cynique et satirique les pratiques de la police aux frontières se caractérisant par des contrôles d’identité au faciès, l’enfermement des enfants, les expulsions d’étrangers attachés ou endormis, la pratique de rafles aux abords des centres d’hébergement, la rémunération au nombre d’étrangers expulsés ou l’esprit de ses agents “souvent familiers des idées racistes” ».
MAIS
« En droit, les imputations diffamatoires sont réputées faites avec l’intention de nuire, présomption cédant devant la démonstration de la bonne fois de son auteur se caractérisant par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que la qualité de l’enquête.
La liberté d’expression est par ailleurs consacrée par l’article 10.1 de la convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme précisant […] que cette liberté vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme indifférentes ou inoffensives mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population.
Selon l’article 10.2, l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines restrictions nécessaires à la protection de la réputation ou des droits d’autrui. ».
Partant de là, le juge conclut :
1) « La politique d’immigration choisie par un Etat et la mise en œuvre de celle-ci par ses agents constitue sans nul doute un sujet d’intérêt général pouvant être débattu sur la place publique ». Et paf 1 !
2) « Les propos relevés dans ces tracts s’appuient sur un certain nombre de documents publics […] dont le contenu a été relayé par les témoins cités par la défense des trois prévenus ». Et paf 2 !
3) « Aucun agent de la police de l’air aux frontières n’est visé de façon nominative dans ces tracts ». Et paf 3 !
4) « Le ton employé dans ces tracts, destiné à interpeller l’opinion, est certes polémique, voire cynique et satirique notamment dans l’utilisation du pastiche du sergent recruteur.
Il doit cependant être replacé dans le contexte d’une lutte militante. Il est l’expression d’un langage partisan adopté par les militants de la cause de la défense des étrangers lors d’une manifestation publique, ce que ne peuvent ignorer les lecteurs de ces écrits, et ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression […]. ». Et paf 4 !
5) « La condamnation de tels propos serait en effet disproportionnée au sens de l’article 10 [de la convention européenne des droits de l’homme] s’agissant d’un débat public portant sur la politique de l’immigration adoptée en France et intéressant tous les rouages de l’Etat et en particulier la mise en oeuvre des interpellations et reconduites à la frontière des étrangers en situation irrégulière par les agents de la police de l’air aux frontières ». Et paf 5 !
6) « Il y a lieu pour ces motifs de renvoyer [traduisez : relaxer] les trois prévenus des fins de la poursuite ». Et paf 6 !
sanspap-rennes@rezo.net