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L’ANOMIE DU MONDE : Comment survivre ?

Publie le lundi 7 juin 2010 par Open-Publishing
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« Un jour le diable vint sur terre pour surveiller ses intérêts. Il a tout vu et tout entendu. Il est retourné là-bas. Il y a toujours un peu partout des feux illuminant la terre, les gens s’amusent comme des fous aux dangereux jeux de la guerre. Ça va. »
Léo Ferré - Jacques Brel

« (...) Rien ne se vend mais tout s’achète/ L’honneur et même la sainteté ça va/ Les États se muent en cachette/ En anonymes sociétés ça va/Les grands s’arrachent les dollars/Venus du pays des enfants/ Les hommes ils en ont tant vu/ Que leurs yeux sont devenus gris ça va. On traite les braves de fous/ Mais dans les journaux de partout/Tous les salauds ont leur photo/Ça fait mal aux honnêtes gens/Et rire les malhonnêtes gens. Ça va ça va ça va ».

Par ses mots déjà, à l’époque, Léo Ferré puis Jacques Brel attiraient notre attention sur l’anomie du monde et sur la satisfaction du diable devant le chaos...Nous assistons à la convergence de quatre crises : alimentaire, financière, climatique, mais aussi crise de civilisation de l’Occident. « Cette dernière crise est à la fois ancienne et actuelle, elle structure l’imaginaire des pays occidentaux, elle plonge ses racines dans l’arrogance de l’Occident mâtiné de christianisme, au départ pour les besoins de sa cause et qui, ensuite, s’est découvert un sacerdoce dans le money-théisme. Tout au long de l’aventure du capitalisme, des vies ont été broyées au nom de l’intérêt, des guerres ont été faites, un colonialisme le plus abject a été imposé aux nations fragiles par les patries des droits de l’homme européen. »(1)

A croire que le capitalisme n’a pas dégénéré au fil du temps et qu’il est originellement contre la dignité humaine. Parmi les indicateurs de l’intolérable injustice alimentaire, on ne peut pas ne pas citer la mainmise des multinationales sur le marché de la faim. Comme l’écrit si justement la journaliste et sociologue Esther Vivas : Le modèle alimentaire actuel, tout au long de sa chaîne du producteur au consommateur, est soumis à une forte concentration, monopolisé par une série de corporations agroalimentaires transnationales qui font passer leurs intérêts économiques avant le bien public et la communauté. Selon la FAO, cette crise alimentaire a réduit à la famine 925 millions de personnes...Les multinationales, par leur politique sans état d’âme, ont fait main basse et l’agrobusiness a de beaux jours devant lui.(2)

Les 6 dangers mortels

Où en sommes-nous en ce début de millénaire ? C’est un fait que partout le désordre et l’injustice règnent. Selon que l’on soit au Nord ou au Sud, la perception du futur est différente, mas il y a un siècle qui concerne l’humanité entière. Matthew Stein, auteur du livre When Technology Fails (Quand la technologie échoue), décrit la « parfaite tempête » qu’affronte notre civilisation. La conjonction de six évènements majeurs qui, chacun séparément, peuvent mettre à bas notre mode de vie. « Si nous ne sommes pas capables de calmer cette tempête, elle va détruire, sans aucun doute, la vie sur terre telle que nous la connaissons », écrit-il (...) « Si nous continuons à nous comporter comme nous l’avons fait au cours du siècle dernier, les six tendances vont continuer à faire décliner et s’effondrer les systèmes de la nature qui forment les fondations de notre civilisation et le sang de l’économie mondiale. »(3)

Il énumère ainsi les six dangers mortels pour la civilisation humaine :
1. Le changement climatique : avec un degré de certitude de 90%, les plus grands scientifiques mondiaux estiment que le climat de la terre est en train de changer à un rythme qui s’accélère et que ces changements ont une origine humaine. Les exemples abondent et les climato-sceptiques ne font que retarder la nécessité de lutter tous ensemble contre ce fléau.

2. La fin du pétrole : l’économie mondiale et notre culture, avance-t-il, sont construites en grande partie sur la dépendance envers un pétrole bon marché. Depuis les voitures que nous conduisons, les avions dans lesquels nous volons, les immeubles où nous habitons, la nourriture que nous mangeons et les vêtements que nous portons, tout cela est transporté avec du pétrole, fabriqué à partir du pétrole ou avec des machines utilisant du pétrole. La production de pétrole a sans doute atteint son maximum, « peak oil », en 2005-2006 et baisse depuis. Ceci est surtout vrai pour les pays industrialisés du Nord qui représentent 20% de la planète et en consomment 80% de l’énergie. A Los Angeles chaque habitant a une voiture. Il y a autant de voitures (30 millions en France (62 millions d’habitants) qu’en Chine (1,5 milliard) Il est vrai que pendant des années, les gouvernements ont rejeté les théories du « peak oil ». Mais en avril 2010, l’armée américaine a publié un rapport affirmant que « d’ici 2012 la capacité de production excédentaire de pétrole dans le monde aura entièrement disparu et à partir de 2015, les besoins non satisfaits pourraient atteindre 10 millions de barils par jour ».

3. L’effondrement de la vie dans les océans. Ce n’est pas pour rien si 11 des 15 plus grandes zones de pêche au monde sont en train de disparaître. Le plancton, la base de la chaîne alimentaire dans les océans, disparaît.

4. La déforestation. Plus de 50% des forêts dans le monde ont disparu. La déforestation est responsable de 25% des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, presque le double des émissions provenant des transports et de l’industrie (14% chacun).
5. La crise alimentaire mondiale. Les sols, le climat et l’eau. Pour la première fois depuis que la révolution agricole a commencé, le monde produit moins de nourriture chaque année en dépit de l’augmentation de la population.

6. La surpopulation. C’est un problème que peu acceptent de regarder en face. Au cours des dix dernières années, la population de la planète s’est accrue de plus de personnes que toutes celles ayant existé entre la naissance de Jésus-Christ et celle d’Abraham Lincoln. En l’an 1000, la population mondiale était d’environ 500 millions d’habitants. Environ 800 ans plus tard, elle a atteint un milliard. Il lui a fallu 130 ans pour atteindre 2 milliards en 1930. Elle sera de 7 milliards en 2012. Nous n’avons pas d’avenir si la population continue à augmenter à ce rythme là. (3)

Cette dernière affirmation est discutable, en fait elle reprend les théories de Malthus La thèse principale, écrit Charles Kenny, développée dans son Essai sur le principe de population est frappante de radicalité condescendante : les ressources peuvent être produites dans la limite des terres disponibles, et la plèbe n’a de cesse de procréer tant que cette limite n’est pas atteinte. La population se voit ainsi condamnée à une économie de subsistance, avec un taux de natalité qui frise celui de la mortalité quand la nourriture se fait rare. Le seul moyen de briser ce cercle vicieux, conclut Malthus, est de réduire la population. Aider les pauvres ne fait que créer plus d’indigents. Pourtant, depuis 1950, la production agricole mondiale a triplé, tandis que le PIB mondial a été multiplié par huit. Sur 140 pays étudiés par Maddison entre 1950 et 2000, tous ont accru leur production. Entre 1960 et 2000, sur 187 pays le taux de fécondité a baissé dans 183 d’entre eux, avec un fléchissement moyen de 42%. (4)

Dans un autre article publié, Matthew Stein détaille les changements majeurs que nous devrions adopter pour sauver notre civilisation. Il appelle à une diminution de la consommation de pétrole dont les prix vont devenir de plus en plus élevés. Les scénarios les moins pessimistes du Giec prévoient une augmentation de 1,8 °C. La pêche disparaîtra en 2050) à ce rythme d’exploitation sans oublier que le poisson est l’alimentation d’un homme sur cinq ? On ne permet plus à certains poissons de se reproduire du fait d’un saccage intensif.
Pour lui, un « plan B » peut être mis en place si on consacrait 1/6 du budget militaire pour le développement durable qui commande une nouvelle vision des taxes, une nouvelle reconstruction des cités, du réseau de transport. Une nouvelle vision de la construction des habitats des usines, en un mot de l’industrie. Cela passe aussi d’après Mathieu Stein, par la mise en place d’un Fonds et un support massif du développement des énergies renouvelables en développant des biocarburants de deuxième génération. Il pense que l’élévation du niveau de vie dans les pays du Sud permettra un meilleur contrôle des naissances. Cela passe, on l’aura compris, par le partage de la technologie et l’aide pour le développement dans les pays du Sud de technologies vertes. Enfin, toutes les décisions mettant en jeu l’avenir de la planète doivent être prises en considérant la nécessité du développement durable.(5).

Que devrait faire un pays comme l’Algérie ?

Le gouvernement a annoncé un plan de 286 milliards de dollars comme investissements pour les cinq prochaines années. Cette formidable manne devrait être optimisée. Les dépenses devront se faire avec parcimonie et surtout, surtout à bon escient. La moitié de cette somme est dédiée à l’achèvement du RAR (reste à réaliser). L’autre concernera le futur. On nous promet 3 millions d’emplois ! Il y a lieu d’être sceptique car la création de richesse si l’on se réfère au précédent quinquennat, n’a pas été au rendez vous. Nous avons en fait contribuer à l’emploi pour les entreprises étrangères. Il n’y a pas eu de création de richesse, ce seront toujours les entreprises étrangères qui se tailleront la part du lion sans rien laisser en termes de transfert de savoir-faire. Nous avons mis à niveau notre outil de production en le laminant définitivement ; plus de 400.000 emplois ont disparu. Comment avons-nous créé, a-t-on fait un bilan du plan quinquennal précédent 2004-2009 pour nous permettre d’éviter les erreurs ? Avec l’ancienne enveloppe, nous avions eu droit à une autoroute, des chantiers de tramways, des logements. Aucune usine, pas de grande PME/PMI, aucun label algérien et si peu de plus-value hors hydrocarbures.

Qu’a-t-on retiré du million de logements ? Peut-on pour ce nouveau plan se passer des Chinois ? des Turcs, des Français et des autres ? La formation des hommes est totalement absente mis à part le smic habituel en termes de construction d’écoles, CEM, lycées, universités rendus nécessaires par une démographie incontrôlable. La formation de qualité est totalement absente, le mythe des grandes écoles a fait long feu. La recherche est marginalisée:1 milliard de DA sur 21.000 milliards de DA alors qu’elle devrait être au minimum de 1% du PIB, soit au moins 1, 5 milliard de dollars. C’est-à-dire 100 fois plus.

Je suis personnellement sceptique sur la démarche, car une fois de plus, l’université est absente du devenir du pays. Y a t-il un plan Marshall pour définir une stratégie énergétique pour le futur ? A titre d’exemple, nous avons construit un million de logements qui tous utiliseront des chauffe-eau au gaz naturel comme si le gaz naturel est donné à vie. N’aurait-il pas été plus logique, comme l’ont fait nos voisins d’installer un million de chauffe- eau solaires ? Un surcout de 1% du prix du logement nous permettra d’épargner l’équivalent d’un milliard de m3 de gaz disponible pour les générations futures. Les exemples sont légion et l’aisance actuelle est trompeuse.

L’avenir sera sombre et les 286 milliards n’y feront rien car ils permettent de reculer les échéances sans garantir l’avenir. Pourtant, sous la contrainte, notre pays est capable d’adaptations fulgurantes qui pourraient confondre les observateurs les plus sceptiques. Cependant, aujourd’hui, le monde s’accélère. Il faut donc agir plus vite et si possible ne pas se tromper longtemps. Dans trois domaines, les défis sont immenses : l’éducation, les changements climatiques et la maîtrise de l’énergie, l’autosuffisance alimentaire, la santé,. Quant à l’école primaire, nous pensons que l’essentiel s’y joue, que l’apprentissage et l’approfondissement de la lecture, de l’écriture et du calcul forment les fondements de la société de la connaissance dans laquelle nous entrons. L’université doit être partie prenante de la création d’emploi par le rôle d’interface qu’elle doit avoir avec nos partenaires étrangers C’est à cette seule condition que l’on peut parler valablement d’avenir pour le pays qui permettra à l’Algérie d’avoir sa place au soleil

Que peut-on en conclure devant le désordre du monde catalysé par les inégalités et l’imposition par un Occident de la norme du deux poids, deux mesures ? Cet Occident qui ne veut rien céder, qui pollue à qui mieux mieux est,comme une bête blessée, sur le déclin. Une analyse pertinente du déclin de l’Occident pour avoir failli à son magistère moral, nous est donnée par Kishore Mahbubani. Dans cet essai magistral, il analyse le déclin occidental : recul démographique, récession économique, et perte de ses propres valeurs. Il observe les signes d’un basculement du centre du monde de l’Occident vers l’Orient. La dichotomie « The West and the Rest » (l’Ouest et le reste du monde), résumée par la formule « The West against the Rest » (l’Ouest contre le reste du monde) semble structurer « l’ordre actuel ». Dans la nouvelle jungle et « Bellum omnium contra omnes », la guerre de tous contre tous, si bien décrite par Hobbes.

En définitive devant la complexité des problèmes qui demandent l’engagement de chacun du Nord comme du Sud ? C’est un fait que le Monde deviendra de plus en plus violent devant les pénuries qui se profilent à l’horizon. Pénurie d’énergie avec le déclin inexorable du pétrole et malheureusement, une préparation molle quant à la transition vers les énergies non carbonées. Pénurie d’eau qui structure la plupart des conflits latents et futurs (Turquie, Iran, Syrie. Israël Palestine, Syrie, Soudan, Kenya Egypte autour du Nil...). Pénurie de nourriture non pas que la Terre ne peut pas nourrir les habitants mais parce que la nourriture sera inaccessible pour les pauvres. L’Aide publique au développement devrait être en principe d’après les promesses du millénaire, de 0,5% du PIB, soit 300 milliards de dollars, à peine 10% sont récoltés.

Pendant ce temps, le marché de la mort est florissant. Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), indique « les dépenses militaires mondiales en 2009 ont totalisé un montant estimé à 1531 milliards de dollars. En 2008 : 1464 milliards de dollars, en augmentation de 5,9% par rapport à 2009. En 2007 : 1339 milliards de dollars. Par rapport à 2000, l’augmentation est de 49%. Ce montant de 1551 Md $ représente 224 $ par habitant de la planète. Les Etats-Unis sont numéro 1 avec le chiffre astronomique de 661 Md $, suivis de la Chine, dont le montant ne reste qu’une estimation 100 Md $, de la France (63,9 Md$), du Royaume-Uni (58,3 Md $) et de la Russie (58,3Md $). Les Etats du continent africain ne faillissent pas à la règle avec 6,5% de plus par rapport à 2008 (avec 27,4 Md $). La crise économique mondiale n’a quasiment pas affecté les dépenses militaires.(6)

1.Chems Eddine Chitour : Les quatre crises
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3009

2.Esther Vivas
http://esthervivas.wordpress.com
Inprecor, n. 556-557, janvier 2010 :

3.Matthew Stein : Six dangers mortels pour la civilisation
The Huffington Post 24 Mai 2010

4.Charles Kenny : La planète a beaucoup de problèmes, mais pas celui de la surpopulation.
http://Charleskenny.blogs.com/weblog/2009/06
10 Mai 2010

5.Matthew Stein. 12 Tips for the Sustainability Shift The Huffington Post July 30, 2008

6.J.M.Collin. Dépenses militaires mondiales
http://alternatives-economiques.fr/... 50610

Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

Messages

  • Pour la plupart de producteurs le prix est trop bas et pour la majorité des consommateurs le prix est trop élevé ! Où est la faille ? Ce sont les intermédiaires privés qui font la loi, et non pas les Etats. Le concept même d’un « prix mondial » dans le domaine agro-alimentaire est une fraude.