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Alain Ménargues au Salon du livre francophone de Beyrouth

Publie le jeudi 28 octobre 2004 par Open-Publishing


de Michel HAJJI GEORGIOU

Alain Ménargues a entrepris, avec ses Secrets de la guerre du Liban, un travail
colossal : cinq ans de recherches, près de 350 entretiens avec des personnalités
liées de près à la période concerné, une collecte de documents inédits, un souci
quasi maniaque de s’en tenir aux faits et de multiplier les détails... Le résultat
a été à la mesure du travail abattu par le journaliste : un best-seller et plus
de deux cents signatures au Salon du livre le week-end dernier. La publication
du deuxième tome, qui couvre la période allant de l’accession d’Amine Gemayel à la présidence de la République jusqu’à sa visite à Damas, en février 1984, est prévue pour bientôt.

En attendant, Alain Ménargues a publié un nouvel ouvrage, Le Mur de Sharon, sur le mur israélien de séparation en Cisjordanie. Il précise d’ailleurs d’entrée qu’il reste journaliste avant toute autre chose, comme le dénotent d’ailleurs la sobriété de ses propos, sa modestie et son extrême lucidité quant à la manière d’envisager et d’écrire l’histoire.

Sur les motivations qui l’ont conduit à écrire Les secrets de la guerre du Liban, Alain Ménargues rappelle qu’il a été correspondant au Liban : « Je suis arrivé au Liban en 1982, six heures avant que les Israéliens ne bloquent Beyrouth-Ouest. Durant toute la guerre, j’ai vécu avec ce sentiment frustrant de ne pas tout savoir. Et, durant des années, mon souci a été de combler les trous. Par ailleurs, durant la guerre, j’ai été frappé de voir que beaucoup de gens subissaient la guerre sans savoir ce qui se passait. J’ai voulu leur apporter certaines réponses. J’avais des choses à me dire, à dire à ma femme libanaise. Et puis je me suis posé la question : si aucun des Libanais ne peut écrire un livre d’histoire sur ces événements, pourquoi un étranger ne le ferait-il pas ? »

Et de poursuivre : « Le livre idéal est celui qui serait accepté par toutes les communautés. Et c’est possible, à condition qu’il y ait deux notions appliquées : la tolérance et la recherche de l’exactitude des faits. L’histoire est une multitude de faits. C’est l’addition de ces faits dans leur contexte qui permet de décrire d’une manière incontestable ce qui s’est passé. Ensuite, c’est le droit le plus strict du lecteur d’évaluer et de porter des jugements. »

La peur des Libanais...

Alain Ménargues explique d’une manière très pragmatique pourquoi son livre a reçu un bon accueil au Liban : « Parmi les lecteurs, il y a beaucoup de jeunes qui n’ont pas connu la guerre et qui sont venus me remercier pour avoir pu lire ce qu’ils ne trouvaient pas dans leur famille. Les jeunes veulent savoir comment leurs ancêtres ont vécu. L’identité et l’avenir d’un jeune dépendent du passé de ses parents. » Alain Ménargues estime que les Libanais ne pourront faire le deuil de la guerre tant qu’ils ne savent pas ce qui s’est produit. « Par ailleurs, personne ne veut parler de la guerre. Ni ses acteurs ni ses victimes. On dresse un voile pudique. Mais il va bien falloir un jour le lever », dit-il.

En réponse à ses détracteurs, qui déplorent, entre autres, le timing choisi par l’auteur pour la parution de son livre, il répond : « Ce livre n’a porté préjudice à personne. Mes détracteurs sont des politiciens de salon qui se gargarisent de leurs propres mots et qui ne savent pas faire une analyse de la situation. Il n’était pas question pour moi de porter préjudice à quiconque. La situation régionale, la présence syrienne ou sa non-présence n’ont rien à voir avec un livre. On n’écrit pas un livre par rapport à un timing politique. »

Qu’est-ce qui empêche les Libanais de se réapproprier leur mémoire ? « Vous voulez que je vous dise franchement ? La peur d’eux-mêmes. L’incompréhension de ce qui s’est passé. Quand on veut analyser des faits, il faut s’analyser soi-même. Il faut donc se juger par rapport à des événements, et c’est très difficile », répond-il. Il faut aussi avoir la liberté de le faire, non ? « Personne n’empêche quelqu’un de s’asseoir à une table devant un miroir et de se demander ce qu’il a fait », souligne-t-il.

Antisémitisme et non-sens

Évoquant son nouvel ouvrage, Le Mur de Sharon, Alain Ménargues affirme : « Il existe en Palestine autonome une balafre hideuse, incompréhensible, et j’ai voulu savoir pourquoi. Que ce livre plaise ou non, ce n’est pas mon problème. J’ai voulu coller à la réalité. » Et cet anathème antisémite qu’on lui a lancé ? « Il est maintenant de bon ton, dès qu’on critique le gouvernement israélien, d’être traité d’antisémite, ce qui ne veut rien dire. Les sémites sont aussi les Arabes. Mon livre n’est absolument pas critiqué, et on prétend pourtant que je suis antisémite. C’est une espèce de voile pour cacher la réalité - en termes de manipulation de l’information. Le terme “antisémite” commence à ne plus vouloir rien dire », souligne-t-il.

Et de préciser qu’il a reçu des centaines de lettres de soutien : « La France profonde est très irritée par ces accusations qui sont portées à tort et à travers dès lors que le gouvernement israélien est critiqué. La France est un vieux pays de libertés, et la liberté se gagne tous les jours. Mais il y a des accrocs. Mon cas en est un. »

Alain Ménargues ne se sent nullement investi d’une mission. Ce n’est pas un journaliste « engagé », au sens précieux du terme. Son seul but est d’informer, d’expliquer aux Français ce qui se produit ailleurs.

Son message aux Libanais est simple, direct : « Les Libanais ont la chance d’avoir un pays merveilleux. Ils doivent s’en occuper. Le dialogue et la tolérance sont les deux concepts qui mènent à la paix et à la sécurité. »

Michel HAJJI GEORGIOU, de l’Orient le Jour - édition du 27 octobre 2004

http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=1660