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Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain
par Lahcen SENHAJI
Publie le samedi 18 août 2018 par Lahcen SENHAJI - Open-Publishing8 commentaires
Le Vénézuela au fond du gouffre depuis 2013, le Nicaragua en proie cette année à la plus grande crise de l’ère sandiniste, les temps sont durs pour le socialisme en Amérique latine. Si Nicolas Maduro a plongé le Vénézuela dans la plus grande crise économique de son histoire, Daniel Ortega s’est engouffré dans une crise politique sans précédent au Nicaragua.
Si certains y voient la fin précoce du dénommé "Socialisme du XXIème siècle", l’enjeu est aujourd’hui bien plus grand. Ce sont en effet cent ans de socialisme au sens propre, c’est à dire au sens communiste, qui s’apprêtent à être aspirés par l’histoire. Et pour une fois, l’impérialisme américain n’y est pas pour grand chose.
Les États-Unis ont ainsi fait des pieds et des mains pour enrayer la machine socialiste et ses tentatives de développement (sans beaucoup de succès) en Russie et à Cuba au cours du XXème siècle, puis au sein de plusieurs pays latino-américains. Les cas de la Chine et de la Corée du Nord étant évidemment mis de côté tant les chemins empruntés sont particuliers.
Passée la période d’agression militaire états-unienne, et bien que l’embargo international imposé par l’impérialisme nord-américain continue de sévir sur tout état n’empruntant pas un chemin politique favorable aux intérêts capitalistes, c’est paradoxalement de l’intérieur que le socialisme est en train d’exploser et de disparaître de la face du globe. Et comment pouvait-il en être autrement ?
Le socialisme latino-américain perd sa tête
La mort de Fidel Castro en novembre 2016, précédée du déclin de son emprise sur les idées socialistes des pays alliés, a été grandement sous-estimée. En plus d’être le déclencheur de la vague socialiste/communiste en Amérique latine, El Commandante avait surtout érigé Cuba en symbole de l’anti-impérialisme américain dont les idées se sont vite propagées au sein de toute l’Amérique latine. Des mouvements, victorieux ou non, ont ensuite éclatés dans tous les pays hispanophones du continent, épris des idées de justice et d’équité transportées par le communisme. Ces idées n’étaient pas nouvelles puisqu’elles ont été théorisées bien avant au sein des oeuvres marxistes, mais leur application n’avait réellement été tentée que brièvement durant la période léninienne de l’URSS.
Fidel Castro restera ainsi dans les mémoires comme celui qui a pour la première fois au cours de l’ère moderne mis en place de manière durable un modèle alternatif au capitalisme, le défendant bec et ongles contre les tentatives de déstabilisations agressives des États-Unis, et même contre un embargo états-unien (donc international) des plus féroces. Cuba et Fidel ont ainsi logiquement été les leaders et modèles du socialisme latino-américain pendant des décennies. La chute du mentor ne pouvait qu’en être plus brutale pour ses disciples.
Au Vénézuela, une autre figure du socialisme a su imposer des idées innovantes et plébiscitées par une grande majorité de Vénézueliens : Hugo Chavez. Son apport au socialisme a souvent été résumé à tort par un charisme écrasant et conquérant les cœurs faibles de ses électeurs. Du charisme, il en faut évidemment pour mettre en place un modèle alternatif contre vents et marées, dans un contexte dominé par le capitalisme et les intérêts qui y sont afférants. Mais Chavez avait beaucoup plus qu’un charisme. Son décès et l’arrivée au pouvoir de son successeur Nicolas Maduro démontre que, comme n’est pas Fidel qui veut, n’est pas Chavez qui veut.
J’évoquais d’ailleurs déjà dans un article datant de 2013, dont il reste aujourd’hui une trace sur le site AgoraVox, l’avenir sombre qui attendait le chavisme de Nicolas Maduro. Si les hommes passent et les idées restent, la crise vénézuelienne démontre surtout que le socialisme est une histoire d’hommes et non de partis politiques.
Ortega ou les dérives de l’opportunisme
Le Nicaragua est également en proie à la plus grande crise de l’ère sandiniste, la révolte populaire réprimée dans le sang par Daniel Ortega n’a d’autre issue que de précipiter le socialisme une nouvelle fois dans le précipice. Non content de prendre une population en otage, l’ancien chef rebelle sandiniste prend surtout en otage l’image du socialisme.
Daniel Ortega fait en effet partie de ceux qui ont profité de la vague socialiste en Amérique latine qui a fait suite à la prise de conscience avec Cuba de la faisabilité d’un modèle alternatif durable, pour se faire chef de la "branche" nicaraguayenne du mouvement. S’il n’est d’aucun doute que les intentions du bonhomme étaient à cette époque dans la droite lignée de ce qui pouvait être calqué sur le modèle cubain, il est encore une fois nécessaire de préciser que même si les idées se ressemble, les hommes, eux, différent. L’évolution d’un homme est également à prendre en compte dans le sens où la force des idées et la conviction différent d’un homme à l’autre, d’un esprit à l’autre.
La vague d’opportunisme dont ont profité certains chefs-rebelles qui ont tenté de reproduire le modèle cubain à l’échelle de leur pays, quand bien même ils étaient empris des convictions socialistes, n’est pas nécessairement comparable aux projets émanant de convictions plus fortes et plus stables comme les projets cubains ou vénézueliens.
Les hommes n’étant pas les mêmes, les esprits non plus, cette situation peut amener certains dépositaires auto-proclamés du socialisme hérité du projet cubain à briller davantage par leur soif du pouvoir, par leur incompétence ou par leur inexpérience plutôt que par leurs convictions profondéments socialistes. Et c’est, encore une fois, une question d’hommes et non d’idées ni de projets.
Cette fin proche du socialisme latino-américain laissera finalement un grand regret : celui, encore une fois, de devoir laisser derrière lui une image négative de projet inachevé et de sociétés que le monde a privées du développement matériel. Et en ce sens, soixante ans d’impérialisme états-unien auront finalement débouchés sur une petite victoire.
Lahcen SENHAJI,
Maître en Sciences politiques/Relations internationales, spécialiste de l’Amérique latine.
Messages
1. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 18 août 2018, 10:56, par Christian DELARUE
Tribune intéressante. Il me semble néanmoins qu’un aspect fait défaut si l’on met l’accent sur les individus plus que sur les partis, c’est l’évolution même de ces individus au pouvoir. Pour le Nicaragua par exemple Daniel Ortega est arrivé à gauche sur une dynamique révolutionnaire et pro-socialiste en 79. Il a du lutter contre l’impérialisme et contre son propre bloc réactionnaire. Il a néanmoins conservé durablement avec les siens une réelle dynamique de transformation socialiste .
Mais cette période est révolue depuis longtemps. Le Daniel Ortega d’aujourd’hui ne doit pas être confondu avec l’ancien. Il est devenu réactionnaire depuis plus d’une décennie.
2. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 20 août 2018, 15:50, par jaime
Comment peut-on accorder du crédit à ce type d’informations stupides et unilatérales ??? Maduro , responsable de la plus grande crise économique de son histoire . ... J’invite cet olibrius à lire M Lemoine ; Marco Terruggy , T Deronne qui vit au Vénézuela depuis plus de 20 ans , de C Ventura , R Migus qui revient d’un séjour au Vénézuela .... Le blocus économique et financier imposé par les Etats Unis avec l’appui de l’extrême droite locale , de l’OEA , place le peuple dans la misère pour justifier une intervention armée avec l’appui de la Colombie comme par hasard !
Payé combien pour cette propagande anti maduro ???
3. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 20 août 2018, 15:50, par jaime
Comment peut-on accorder du crédit à ce type d’informations stupides et unilatérales ??? Maduro , responsable de la plus grande crise économique de son histoire . ... J’invite cet olibrius à lire M Lemoine ; Marco Terruggy , T Deronne qui vit au Vénézuela depuis plus de 20 ans , de C Ventura , R Migus qui revient d’un séjour au Vénézuela .... Le blocus économique et financier imposé par les Etats Unis avec l’appui de l’extrême droite locale , de l’OEA , place le peuple dans la misère pour justifier une intervention armée avec l’appui de la Colombie comme par hasard !
Payé combien pour cette propagande anti maduro ???
4. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 20 août 2018, 19:10, par Thomas
Vous oubliez tous dans vos commentaires que le peuple est formaté et éduqué par le capitalisme.
1. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 21 août 2018, 00:09, par Christian DELARUE
Le peuple reçoit plusieurs formatages. Il y a aussi le formatage religieux qui est lourd . Il s’accommode aussi d’un certain capitalisme, sans doute pas le modèle consumériste, mais il est fondamentalement conservateur. Bémol : la théologie de la libération en Amérique latine et centrale a mélangé marxisme et catholicisme ( plus ou moins bien)
5. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 20 août 2018, 22:56, par Raymond H
"Ce sont en effet cent ans de socialisme au sens propre, c’est à dire au sens communiste, qui s’apprêtent à être aspirés par l’histoire. Et pour une fois, l’impérialisme américain n’y est pas pour grand chose."
Cela commence bien avant. Début des années 30, en URSS "grâce" à Staline et ses copains (il n’était pas seul), après avoir purgé le Parti de ses éléments de gauche (donc susceptibles d’emprunter la voie du communisme).
Bon heureusement que le projet communiste (via le socialisme) n’est qu’une affaire de bonshommes sinon, le Capitalisme l’aurait trop belle.
Conclusion : continuons le combat !!
1. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 20 août 2018, 22:59, par Raymond H
Rectificatif : "... n’est pas qu’une affaire de bonshommes"
2. Le Vénézuela et le Nicaragua précipitent la chute du socialisme latino-américain, 21 août 2018, 01:05, par Marc ARAKIOUZO
Ni le Nicaragua ni le Venezuela ne sont des pays socialistes / Les sandinistes et les bolivariens sont juste des partis progressistes qui ont refusé le pillage de leurs pays par l’impérialisme américain / C’est déjà trop et un intense sabotage de leurs économies , par la bourgeoisie compradore et l’impérialisme USA et ses alliés ont en quelque sorte PUNI les masses pauvres de ces pays ...
C’est vrai que dans le cas du Nicaragua il n’y a pas beaucoup d’espoir depuis que le projet de canal a capoté ...
Par contre , la bourgeoisie vénézuélienne est entrain de préparer sa fuite massive vers les USA et surtout vers l’Espagne ( rien qu’à Salamanca 7000 biens immobiliers ont été vendus à des riches vénézuéliens ! ) . Alors , peut être , un second souffle de la révolution bolivarienne adviendra ...