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L’Accord Général sur le Commerce des Services, dit AGCS

Publie le samedi 1er octobre 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

de Christian Delarue Responsable MRAP et ATTAC

L’Accord Général sur le Commerce des Services, dit AGCS

Le 31 juillet 2004 le Conseil Général de l’OMC, sur proposition des USA et de l’Union européenne et sous la pression des lobbies d’affaire, a adopté diverses mesures de relance des négociations de l’AGCS . De quoi s’agit-il ? L’opacité la plus totale existe sur les différentes négociations.

L’AGCS est un traité international..

L’AGCS est un traité signé par 125 gouvernements le 15 avril 1994 . Il est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Il a été ratifié par les parlements des pays de l’Union européenne en 1995. L’OMC, organisation mondiale du commerce, est chargée de sa mise en oeuvre.

L’OMC pour la mise en oeuvre

L’OMC, avec 148 pays membres, est la plus puissante organisation internationale à compétence mondiale . Elle dispose de moyens judiciaires pour faire respecter les accords qu’elle gère. Cf. site www.wto.org

Elle est un gouvernement économique mondial non élu, sans parlement et sans justice indépendante. Elle a été créée en marge des Nations unies et en dépit de ses règles pour aller au delà du GATT (Accord Général sur les tarifs douaniers et le commerce) de 1947.

L’AGCS : La libéralisation du commerce des services

Quelques éléments significatifs extraits du document (de plus de 50 pages.)

1) La déclaration introductive donne le ton idéologique et politique.

Les 3 premiers paragraphes sur les 6 de cette introduction sont ici strictement reproduits :

" Reconnaissant l’importance grandissante du commerce des services pour la croissance et le développement de l’économie mondiale,

Désireux d’établir un cadre multilatéral de principes et de règles pour le commerce des services, en vue de l’expansion de ce commerce dans des conditions de transparence et de libéralisation progressive et comme moyen de promouvoir la croissance économique de tous les partenaires commerciaux et le développement des pays en développement,

Désireux d’obtenir sans tarder une élévation progressive des niveaux de libéralisation du commerce des services par des séries de négociation multilatérales successives visant à promouvoir les intérêts de tous les participants sur une base d’avantages mutuels et à assurer un équilibre global des droits et des obligations, compte dûment tenu des objectifs de politique nationale, "

.../...

2) Définition des services

 d’après l’accord (cf partie I + in fine art XXVIII)

Les services comprennent tous les services de tous les secteurs à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental.

Un " service fourni dans l’exercice du pouvoir gouvernemental " s’entend de tout service qui n’est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services.

La " fourniture d’un service " est une notion large qui comprend la production, la distribution, la commercialisation, la vente et la livraison d’un service.

NB : Ordinairement trois sortes d’activités humaines sont distinguées : l’agriculture, l’industrie et les services . Ici sont distingués 4 sortes de service dit MODE :

* Mode 1 : La fourniture transfrontalière des services = Exportation d’un service

* Mode 2 : La consommation transfrontalière de services = Consommation d’un service dans un autre pays que le sien

* Mode 3 : Un fournisseur de service s’installe dans un autre pays = investissement à l’étranger

* Mode 4 : Un fournisseur de service fait appel à du personnel en provenance d’un autre pays, pour une période déterminée, avec les règles salariales et sociales du pays en question.

Il y a 160 sortes d’activités de service différentes . En France, 62 % de la population active travaille dans le secteur des services.

3) La libéralisation progressive (partieV p 333)

Les négociations périodiques visent à élever progressivement le niveau de libéralisation. Ces négociations viseront à réduire ou à éliminer les effets défavorable de certaines mesures sur le commerce des services , de façon à assure un accès effectif aux marchés.

La libéralisation supprime donc les lois qui limitent ou entrave le commerce. La libéralisation du commerce est aussi le processus visant à introduire des biens, des droits, des activités dans le commerce alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant .

AGCS : Le rôle néfaste de l’Union européenne

Il s’agit en l’espèce de la Commission sur les négociation à l’OMC qui seule représente les 25 Etats européens et du Conseil des ministre de l’UE.

1) Rôle accélérateur :

Lors de la 4 ème conférence ministérielle de l’OMC à Doha en novembre 2001, l’Union européenne, pour accélérer le processus, a proposé et obtenu la mise en place d’un mécanisme de demandes (chez les autres pays) et d’offres (pour son propre pays) de services à libéraliser . Outre l’introduction du bilatéralisme dans un système sensé privilégier le multilatéralisme, ce mécanisme met fin à la pleine liberté des Etats de protéger tel ou tel secteur . A la fin aout 2004, seulement 60 pays ont formulé des demandes et 42 des offres sur 147 Etats membres.

L’UE est aussi à l’origine des " trois points de Cancun " (lieu de la 5 ème conférence ministérielle de l’OMC en septembre 2003) dont le 1er vise à forcer les pays qui n’ont pas présenté d’offres à le faire et certains autres dont les offres étaient limitées à les augmenter et à fixer une échéance.

2) Rôle disciplinaire

Le second des " trois points de Cancun " vise à adopter les " disciplines " (art 15) dans le domaine des subventions et des réglementations. Les subventions sont désormais considérées comme des distorsions à la concurrence commerciale . Les réglementations plus rigoureuses que nécessaire par rapport aux régles de la concurrence commerciale feront l’objet de " discipline ".

3) Rôle d’extension :

A Doha, une autre proposition de l’UE a eu pour effet de faire enter dans la négociation les services environnementaux et notamment le service de l’eau . Le maintien de l’eau ou son retour en service public local et national est gravement menacé.

Parmi les " trois points de Cancun " le dernier précise que l’élévation progressive des niveaux de libéralisation doit s’effectuer " sans qu’aucun secteur de service ou mode de fourniture ne soit exclu à priori "

4) Supplément à l’AGCS : La directive dite Bolkenstein

cf texte d’ATTAC bientot sur le site.

L’AGCS en phase avec la mondialisation capitaliste

1) Le cadre global des libéralisations

L’actuel processus de libéralisation des services se rattache à ce qu’on appelle la globalisation ou, en France, la mondialisation . Il s’agit ici du processus économique et politique qui recouvre les traits suivants :

* la " financiarisation " de l’économie (domination de la finance sur l ’économie ? le mouvement le plus globalisé) * concernant la production marchande et non marchande : les privatisations (des services publics et des monopoles publics) et les délocalisations d’usines (accroissement des investissements productifs à l’étranger) * concernant la circulation des biens et services produits : la marchandisation " . Mais la marchandisation désigne plusieurs phénomènes .

2) Les libéralisations, vecteur de la marchandisation

La libéralisation accompagne la " marchandisation du monde " sous ses deux aspects : - d’une part le mouvement d’extension de l’échange marchand sur la planète, corollaire de l’extension de la production marchande (cependant ces échanges marchands sont encore très recentrés sur les pays du Nord, au sein la triade) .

 d’autre part le mouvement de subversion interne à la production non marchande qui tend à introduire la soumission à la seule logique marchande et concurrentielle au sein des activités d’intérêt général des service publics qui auparavant relevaient peu du commerce .

3) Libéralisations de l’AGCS, vecteur des privatisations.

Selon un analyste spécialisé de l’URFIG, Raoul Marc JENNAR - " les effets conjugués des articles 8 (monopoles), 9 (pratiques commerciales), 16 (accès au marché) et 17 (traitement national) conduisent mécaniquement de la libéralisation à la privatisation " . L’article 21, par les conditions qu’il impose, rend le processus de privatisation pratiquement irréversible . Ce qui ne laisse plus aux citoyens qu’un choix d’orientations politiques limité à un contexte privatisé.

4) Les effets économiques et sociaux de la libéralisation

La libéralisation fait sauter les interventions publiques et les mesures d’ordre public qui encadrent ou interdisent un commerce pour des motifs d’intérêt général ou de coopération . Ce faisant elle opère une mise en concurrence généralisée . La libéralisation va à l’encontre d’un processus de régulation qui fixe des objectifs et des moyens dans les domaines sociaux et écologiques non rentables .

On comprends qu’elle s’oppose avant tout aux droits sociaux fondamentaux et aux garanties dans certains domaines . Ainsi l’école , l’hôpital , le théâtre fournissent des prestations indispensables en matière d’éducation, de santé, et de culture de tous et donc indépendamment des capacités pécuniaires des usagers . Certains services comme les transports, la distribution de l’eau , de l’électricité , du gaz, du courrier sont utiles à tous également sur le territoire et non comme service minimal variable selon le critère commercial de rentabilité.

Conclusion :

Non seulement...

L’AGCS (comme le traité constitutionnel de l’UE) ne reconnaît pas la notion de service public . Il ne fait aucune distinction entre services privés, services subventionnés et services publics. Il ignore même la notion de " service universel "

...mais de plus

L’AGCS place le commerce et le marché au dessus de tout le reste et ce au plus grand profit des firmes multinationales . De ce fait les droits sociaux et les conditions de travail, les services publics, la démocratie et l’environnement sont rabaissés . Même les droits fondamentaux de l’homme doivent s’agenouiller devant le nouveau Dieu fétiche : le Commerce .

http://www.local.attac.org/35/article.php3?id_article=202

Messages

  • Bonjour j’habite la frontière belge, avec le comité local, nous allons participer au mouvement contre l’AGCS et sans doute en commun avec ATAC Wallonie.
    Il faut signaler des documents bien faits de ATTAC ST NAZAIRE et ATTAC TOURAINE.
    J’ai étudié la question, je pense que l’AGCS est une partie du problème, que cela concerne le caractère non équitable des relations commerciales avec les PED, et l’absence de démocratie de cette organisation. Mais ne pense tu pas qu’il faut élargie le débat aux services publics menacés dans l’UE en raison de l’agenda de LISBONNE ? Car la future privatisation d’EDF n’est pas liée directement à l’AGCS. J’espère que nous pourrons faire des débats avec nos élus et les concitoyens. Cest le seul moyen de bloquer les choses.

    Amicalement.

    ANDRE

    • Les "migrants détachés" selon le mode 4 de l’AGCS

      Le mode 4 de l’AGCS est l’une des quatre façons d’exporter un service selon l’AGCS, lorsque ce service est fourni à travers l’envoi temporaire de personnes physiques par une entreprise pour effectuer une prestation de service dans un autre pays.

      La libre circulation préconisée dans l’AGCS ne s’applique pas aux personnes, de telle sorte que l’accord reste compatible avec des législations nationales restrictives relatives à l’entrée et au séjour.

      Le mode 4 de l’AGCS crée une nouvelle forme de mobilisation de la main-d’œuvre étrangère et ce faisant une nouvelle catégorie de travailleur, celle du migrant détaché . Celui-ci est un travailleur étranger qui n’a le droit de rester sur le territoire que dans le cadre de sa relation contractuelle avec son employeur . Il est donc contraint de repartir dés que l’employeur l’exige et, dans tous les cas, au terme du contrat de service. Le migrant envoyé n’acquiert aucun droit au séjour.

      Le mode 4 de l’AGCS s’intégre dans la politique actuelle de "l’immigration choisie" qui remplace "l’immigration zéro". Le régime du migrant détaché permet de rendre compatible la fermeture sélective des frontières des États les plus développées à l’égard des flux de travaileurs avec le besoin des entreprises de recourir à une force de travail plus souple et soumise que celle déjà présente sur le marché du travail.

      La question de la quantité de migrants nécessaires au marché du travail vient alors faire écran aux exigences portées par les syndicats mais aussi par des associations telles le MRAP et ATTAC sur de meilleurs conditions juridiques et sociales pour les migrants. Autre enjeu, l’envoi temporaire de travailleurs détachés va permettre la mise en concurrence directe des systèmes productifs différents et de faire pression sur les salaires.

      Christian DELARUE

      MRAP BN et CN com.mondialisation

      rep. MRAP membre cofondateur d’ATTAC France

      Lire l’excellente contribution de MATH et SPIRE (sur site ATTAC)