Accueil > L’alter ego
de Gabriele Romagnoli traduit de l’italien par karl&rosa
Je débarque dans un Francfort lunaire pour suivre Corée-Togo. Je présage qu’il ne s’agit pas exactement d’une finale anticipée du fait qu’en salle de presse nous sommes deux. L’autre est un Sud-coréen jeune et triste. Il dit que dans son pays personne ne pense pouvoir égaler la demi-finale d’il y a quatre ans. Rares seront ceux qui liront ses articles.
L’Histoire est passée et il n’était pas encore prêt : sous toutes les latitudes les journalistes ont l’illusion que la raconter est un peu la faire. Il se fâche contre sa génération, qui préfère la fantaisie à la réalité. Il me montre l’article d’un quotidien international où l’on dit qu’un million de Sud-coréens sont dépendants de jeux de rôles via Internet (ils l’appellent "e-sport"). L’année dernière, sept sont morts d’ "overdose" : l’un a joué 50 heures de suite avant de faire log out de sa vie.
Il y a des jeunes qui vont chercher et frapper celui qui a tué le héros virtuel qui les personnifiait, des filles qui se prostituent pour l’accès électronique à une arme létale. Le journaliste me souligne la phrase d’un expert : "Ceux qui font de l’e-sport se créent un alter ego dans le monde fantastique, combattent avec lui des centaines de batailles, finissent par lui déléguer leurs propres émotions".
C’est absurde. N’est-ce pas ce que le reste de la planète fait avec le foot ?
Messages
1. > L’alter ego, 13 juin 2006, 17:17
Entièrement d’accord avec vous. C’est pourquoi je ne regarde jamais de sport spectacle à la télé.
Cela ne m’intéresse pas de savoir quel pays a dépensé le plus de fric pour se payer les meilleurs joueurs au lieu de se préoccuper de ses petits salariés, de ses malades ou de ses chômeurs. Les salaires des joueurs vedettes pour taper dans un ballon sont indécents par rapport à ceux des autres jeunes qui créent quelque chose de vital pour les humains et notre société qui oublie de les payer. Je ne cautionne pas ces jeux nationalistes d’adultes en culottes courtes en ne les ayant jamais regardés en cinquante ans d’existence. C’est pour moi une question d’éthique.