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Mouvance altermondialiste/ FSE

Publie le samedi 8 novembre 2003 par Open-Publishing

Jan Aart Scholte, enseignant spécialiste de la mouvance altermondialiste,
avant le FSE :

« Du temps pour trouver une nouvelle voie »
Par Christian LOSSON
Libé samedi 08 novembre 2003

Avant le Forum social européen (FSE), qui s’ouvre mercredi à
Saint-Denis, Jan Aart Scholte, professeur au Centre pour l’étude de la
mondialisation et de la régionalisation à l’université de Warwick, à
Coventry (Angleterre), analyse les évolutions du mouvement altermondialiste.

Quelle est l’influence des altermondialistes ?
Ils jouent un rôle de piston pour une démocratisation de la mondialisation.
Il y a dix ans, parler d’une mondialisation inéquitable et à sens unique
était hérétique. Aujourd’hui, c’est presque devenu une norme. Ils ont ouvert
des portes face à l’ignorance dans laquelle est maintenue une grande partie
de l’opinion publique. Celle-ci commence à comprendre la différence qui
existe entre la mondialisation (un processus) et le néolibéralisme (une
façon de piloter ce processus). Ni les gouvernements, ni les partis
politiques, ni les écoles ne fournissent aux citoyens les analyses
nécessaires. Et le traitement de la mondialisation par la plupart des médias
ne remet pas en cause ce statu quo. D’où le développement de certains médias
alternatifs qui produisent « de la connaissance d’acteur », plutôt que de la
« connaissance de spectateur ». Une éducation civique « alter » se met en
branle. Le problème, c’est que sa diffusion reste le fait d’une élite
surinformée.

Il y aurait un élitisme alter ?
Il faut une démocratisation des associations qui militent pour... une
démocratisation de la mondialisation. Il leur faut lutter contre une
discipline trop stricte, qui rejette toute différence d’opinion. Laisser,
par exemple, plus de place aux jeunes. Alors que beaucoup de têtes pensantes
chevronnées considèrent parfois les jeunes comme une réserve de troupes
et/ou un vivier de travailleurs volontaires et sous-payés, plutôt que comme
des collègues sérieux pouvant collaborer à égalité avec eux. Ce problème est
répandu dans les pays du Nord, à Greenpeace ou à Attac.

Les alters reproduiraient les inégalités qu’ils dénoncent ?
Nombre d’associations alter disent se battre pour la « base », les
« communautés locales », les « exclus ». Mais les possibilités réelles des
classes populaires de participer à ces mouvements, restent souvent limitées.
Il leur faut éviter la centralisation extrême, et favoriser la remontée des
initiatives, accepter les désaccords. Il ne faut pas chercher du consensus
ou des propositions concrètes à tout prix. La force du Forum social, et non
sa faiblesse, c’est de refuser les synthèses molles.

Les altermondialistes peineraient à étayer des alternatives claires ?
C’est en grande partie faux, il suffit d’accepter de les regarder. Certes,
il n’y a pas de nouveau paradigme consolidé. Mais les grandes idées ne sont
pas nées en moins d’une décennie. Au XVIe siècle, lors de la naissance de
l’Etat-nation, on n’a pas demandé aux populations : « Quelles alternatives
proposez-vous ? » Il faut du temps pour trouver une autre voie.

C’est ce qui explique une forme de radicalisation...
Quand les gens se rendent compte combien les chemins de la mondialisation
peuvent être inéquitables, antidémocratiques et écologiquement dommageables,
leur activisme peut se radicaliser. Le réformisme tient encore la main sur
les mouvements alters. Mais si des changements ne se produisent pas, une
plus forte radicalisation est prévisible.

Avec le risque de voir le mouvement accusé de populisme ?
Le populisme touche beaucoup plus aujourd’hui des responsables politiques :
George W. Bush, Jacques Chirac ou Vladimir Poutine échappent-ils facilement
à ces qualificatifs ? Les petits réseaux, qui militent pour l’abolition ou
la réforme du FMI ou de la Banque mondiale, se basent aussi sur des faits.
Les mouvements sociaux ne sont pas par nature idéalistes. Ils naissent et
grandissent par rapport à des réalités contre lesquelles ils entendent
lutter.