Accueil > L’ode à éros de Brigitte Fontaine

L’ode à éros de Brigitte Fontaine

Publie le samedi 28 octobre 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

UN EXCURSUS en partenariat avec Bellaciao vous propose "JAMIN’THE FACTORY, # 3" le 28 octobre à l’Espace Renaudie Aubervilliers 30 rue Lopez et Jules Martin 93 Aubervilliers (Polyandrie = Scandal in the Family)

Entretien réalisé par Victor Hache

Chanson . Après Saint-Louis-en-l’Île, l’originale chanteuse sort Libido et s’amuse à conjuguer sexe, érotisme et barock-and roll sur des musiques d’Arezki Belkacem.

Et si on parlait sexe ? Brigitte Fontaine a donné un joli nom à son dernier album, Libido. Comme pour mieux se faire plaisir en musiques, celles d’Arezki Belkacem, son compositeur de mari de la plupart de ses enregistrements. Deux ans après Saint-Louis-en-l’Île, Fontaine s’amuse en conjuguant chanson et érotisme, non sans avoir offert quelques explications au préalable.

Dans la pochette on trouve un lexique destiné à aider l’auditeur à mieux goûter les textes de ses nouvelles chansons. On lit ainsi "Priape", homme qui bande, "vit", sexe masculin, "tribade", femme homosexuelle, "foutre", sperme... Cela posé, Brigitte Fontaine joue à cache-cache dans le Château intérieur de son jardin des délices où elle "aime aller et venir". Entre chansons coquines (Cul béni, Barbe à papa, Mendelssohn), cinématographiques (la Métro), ou romantiques (la Nacre et le Porphyre), la "folle" Fontaine marie rock et baroque. Un univers en liberté aussi inclassable que l’auteur de Kékéland et Y a des zazous. Où l’on retrouve deux compositions de Jean-Claude Vannier ainsi qu’un duo avec M. sur Mister Mystère. Un bijou comme seule pouvait le ciseler la plus originale de nos chanteuses.

Libido, c’est un album sexe ?

Brigitte Fontaine. Très sexe ! Un album poétique et romantique. C’est un disque « barock and roll ». La fusion du baroque et du rock’ n’roll se fait notamment dans le dernier morceau Noces, qui est ce qu’on peut appeler ma mystique maison. Cette chanson représente la fusion des contraires, la réconciliation à l’intérieur de soi, des inconciliables. Tel le nord / le sud, partir / rester, le feu / l’eau. De là jaillit la liberté.

On sent que vous avez eu plaisir à utiliser des mots crus comme dans la chanson Cul béni...

Brigitte Fontaine. C’est une chanson très anticléricale dans laquelle je m’amuse. C’est un classique de baiser avec les curés dans certains romans érotiques. Je pense à Soeur Monika de Hoffmann, celui des contes. Ce livre est formidable. J’aime la crudité des mots de Cul béni tels « va porter ton dard / ton foutre perdu au fond du placard ».

L’écriture érotique est un exercice assez périlleux. Comment fait-on pour ne pas tomber dans la vulgarité...

Brigitte Fontaine. Il faut s’amuser et foncer dans le tas. Je ne crois pas être vulgaire. Je n’emploie que des mots élégants et parfois anciens. Tel le vit que les gens ne connaissent plus - c’est d’ailleurs pour ça que j’ai inséré un petit lexique dans l’album - et qui n’est autre que le mot français, élégant mais classique pour désigner le membre masculin. Je l’ai appris quand j’avais dix-sept ans quand je lisais les plaisirs de l’amour de Rétif de la Bretonne, un livre que je recommande. Il y a aussi tribade, un mot qui revient deux fois dans le disque, un mot noble mais juste pour désigner une fille ou une femme homosexuelle. Quand à priape, un nom qui a donné priapisme, il signifie un homme qui bande tout le temps. À l’origine, c’est le dieu Priape, chez les grecs, qui avait un vit toujours en érection. Donc, par extension, c’est un homme qui bande, qui désigne également le sexe masculin.

C’est une ode à la jouissance...

Brigitte Fontaine. Libido, on pourrait dire aussi éros, par opposition à Thanatos, selon ce vieux charlatan de Sigmund Freud, par opposition à la mort. C’est une ode à la vie. Il y a des choses amoureuses, poétiques ou mystiques. À l’image de la chanson Château intérieur où se croisent beauté et paradoxes, que nous avons en chacun de nous.

Il y a une chanson sur les babas et l’ère peace and love, une époque que vous semblez ne pas porter dans votre coeur ?

Brigitte Fontaine. Je me venge. Ils m’ont trop fait chier avec leurs radotages. Ils se croyaient. Alors qu’ils n’étaient que des « poux se prenant pour des dieux ». Je me souviens avoir passé des soirées où j’étais amenée de force, avec des gens comme ça. C’était des donneurs de leçon graves ! Et soi-disant libérés. Ils étaient endoctrinés. À cette époque, on avait décidé que tout le monde était un artiste. Il fallait jouer de n’importe quel instrument. Qui grattait de la guitare, qui frappait sur des tablas ou autres percussions, le tout sur fond de shilom. C’était lamentable. Les babas ont fait une seule chose de bien, c’est lorsqu’ils disaient « faites l’amour pas la guerre » en pleine période de guerre du Vietnam.

Parlez-nous de la Nacre et du porphyre ?

Brigitte Fontaine. Pour cet album, j’avais très envie d’écrire, écrire, écrire... J’ai écrit en apparence n’importe quoi, sauf que c’est de l’amour. Pour cette chanson, on pourrait dire que c’est de la poésie pure. La Nacre et le porphyre, c’est l’amour des mots, des couleurs, des images. Le porphyre est une roche un peu précieuse, rougeâtre, qui était utilisée pour décorer les palais au temps des Mille et une Nuits...

Dans la Viande, c’est la végétarienne qui s’exprime ?

Brigitte Fontaine. Ce texte est un extrait d’un de mes livres la bête curieuse. J’avais envie d’envoyer un truc un peu violent. C’est une espèce de cauchemar où tout à coup la terre se couvre de viande. Il y a une haine et également une fascination. Je ne suis pas végétarienne, mais je ne mange que du steak tartare. C’est hideux, quand on y pense, la viande. Je trouve ça terrible de manger des animaux qu’on aime et la manière dont ils sont traités. Je crois qu’on sera maudit pour cela.

Qui est Mister Mystère ?

Brigitte Fontaine. M, mon petit Mathieu Chédid. J’avais fait cette chanson pour lui et il m’a dit que ce serait le titre de son prochain album. Je lui ai demandé la permission de l’enregistrer également sur mon disque. J’ai un réel plaisir à chanter avec lui. Il a joué de la guitare sur presque tous les morceaux de l’album. C’est quelqu’un d’adorable.

Vous venez de signer Nouvelles de l’exil (1). Un recueil où l’on retrouve votre goût pour l’écriture, mais dans un autre format que celui de la chanson...

Brigitte Fontaine. Pour ce livre, c’est la première fois, et peut-être la dernière, que j’ai eu une discipline dans ma vie. Tous les jours, après le déjeuner, sans même prendre un café, je m’installais à la table de la chambre d’une maison dans le Midi. Arrivait ce qu’il arrivait, des fois rien, ce qui était rare, des fois quelque chose. Je restais pendant trois heures à ma table. C’est une chose écrite en liberté et en direct. Je fais très peu de ratures. Peut-être ai-je tort, mais c’est comme ça. La Fontaine est une source d’inspiration...

Album Libido chez Polydor. Concert le 5 décembre, Trianon Paris 18e.

Rens. : 01 44 92 78 03.

(1) Nouvelles de l’exil chez Flammarion.

Lire aussi Brigitte Fontaine Attends-moi sous l’obélisque au Seuil Archambaud.

http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • Brigitte Fontaine est sur France culture à 11h 30 du 30/10 au 4/11.

  • Y en a marre des familles chantantes ( Famille Higelin - Fontaine - Arthur H. ou encore la famille Gainsbourg ) qui occupent tout l’espace médiatique et ne laissent pas les ieunes et moins jeunes talents tenter leur chance. C’est pareil au cinéma avec les dynasties à la Depardieu où tous leurs enfants, même nuls, prennent la place de jeunes talentueux qui ne sont pas "fils et filles de" et n’ont aucune chance de se voir proposer le moindre rôle. Chanson , cinéma et télévision sont des circuits fermés où ce sont toujours les mêmes noms et toujours les mêmes communautés sur-représentées par rapport à l’ensemble de la population française qui apparaissent dans les génériques. Faut-il en arriver à boycotter cinéma , concerts et télévision pour que cesse ce scandale ?

    • Ooooooh ! C’est trop triste de raisonner comme ça.
      De quelle famille est-elle, Brigitte Fontaine ? Elle chante depuis les années 60, à l’époque où Jacques Higelin et elle n’étaient fils et fille de "personne" ?
      Arthur H et -M- ont un énorme talent ! Cela va bien au-delà de leurs gênes ! Ils n’ont rien à envier à leurs parents, je trouve.
      Et puis si vous remarquez, les "enfants de" qui ne sont pas terrible, ne marchent pas mieux que les autres. Je pense à Pierre Souchon, Stépane Mondino ou le fils de Voulzy.
      Par contre, vous avez raison dans le sens où dans un milieu difficile comme celui du spectacle, un petit coup de piston de papa ou maman peut être utile.

    • je préfère entendre Brigitte que M6musique, au moins il y a des textes, de la littérature, du jeu, de la provocation, et de la Musique. Dommage de ne pas y être sensible ; quant à dire qu’on en a marre des "familles chantantes", c’est être bien mal informé : d’une part, ni Arthur H, ni Higelin, ni M ne sont de sa famille, d’autre part, Brigitte Fontaine est scandaleusement passée sous silence par les médias

    • c’est vrai que Brigitte n’est d’aucune famille de... c’est idiot de raisonner comme ça. Elle reste la rebelle inclassable de la chanson en France. Ecoutez-là, rien n’est formaté chez elle. esprit libre et cultivé, elle n’a rien à faire du qu’en dira-t-on ! Le seul truc qui me semble con, c’est que lors de ses passages TV, dans des émissions à la con malheureusement, elle est totalement incomprise. Le public et les animateurs rigolent de ses "pitreries", qui n’en sont pas, car c’est bien elle, qui ne se refuse rien...et là je suis triste pour elle, elle est la clown du show bizz.
      Sur france culture, c’était très intéressant, libre et non convenu. ..tout Brigitte, quoi !
      "je suis la liaison dangereuse..."
      kterine