Accueil > Jo Le Guen : une course à rames égales. L’homme ou le marché ?

Jo Le Guen : une course à rames égales. L’homme ou le marché ?

Publie le dimanche 19 novembre 2006 par Open-Publishing
1 commentaire

de Nicolas Guillermin

Aventure . La première transat en solitaire à l’aviron, Rames Guyane, s’élance dimanche du Sénégal. Le point avec Michel Horeau, son créateur.

C’est un rêve vieux de plus de vingt-cinq ans. Une chimère à laquelle personne n’aurait jamais osé penser, une folie baroque et visionnaire qui a germé dans la tête d’un homme, Michel Horeau, habitué à médiatiser les exploits d’aventuriers sur les mers du globe. Le concept est simple : une course à armes égales sur des bateaux identiques et un même parcours à destination de Cayenne, en Guyane. Ce dimanche, à Saint-Louis du Sénégal, quinze rameurs couperont la même ligne de départ à l’assaut de l’océan Atlantique. Après les transats à la voile, voici Rames Guyane : la transat à l’aviron, en solitaire, sans escale, ni assistance.

Il est enthousiaste, disponible, mais son sourire dissimule ses doutes. « Je fouette comme un rat », finit-il par avouer quand on le questionne sur cette course insolite à l’huile de coude dont il est le cerveau et l’organisateur avec Antoine Croyère. Sur les quinze participants, seulement trois, Emmanuel Coindre, Jo Le Guen et Jean-Jacques Gauthier, ont déjà accompli au moins une traversée à la rame. Pour les autres, ce sera, dimanche sous un soleil de plomb, à l’embouchure du fleuve Sénégal, le grand saut vers l’inconnu avec quelque 2 600 milles (4 700 kilomètres) dans le dos à parcourir. « C’est une route de tolérance, pas dangereuse, protégée des tempêtes tropicales avec des courants portants », tempère Michel Horeau. Avant de reconnaître : « Il faut être en forme, c’est sûr. »

Cette révélation, Michel Horeau, l’a eue en 1980. Lorsque Gérard d’Abovile relie à la force des bras le Nouveau Monde (Boston) à la Bretagne en soixante et onze jours. « Je m’étais occupé de sa communication pendant la traversée. À l’arrivée, il disait que les courants entraient trop en ligne de compte et que le gabarit du rameur importait peu finalement sur le temps réalisé. On s’est alors demandé ce qu’on pourrait faire de mieux ? C’est alors que l’idée d’une course, plutôt que des records aléatoires en solitaire, est née. » Happé par son travail pendant toutes ces années entre la communication des quatre premiers Vendée Globe et les plans médias pour les traversées océaniques à la rame de Jo Le Guen, Peggy Bouchet, Anne Quéméré ou encore Maud Fontenoy, le patron de 54º West ne trouve pas le temps de concrétiser son fabuleux projet. Jusqu’à ce qu’un beau jour de 2004, où, Antoine Croyère, son associé, qui a longtemps vécu en Guyane, lui parle de l’intérêt de Léon Bertrand, ministre délégué au Tourisme, de voir naître une course qui rejoindrait sa Guyane natale.

Très vite, le choix de l’aviron océanique s’impose. « Le littoral guyanais peu profond n’est pas adapté pour les voiliers, cela aurait été dangereux en raison de leurs tirants d’eau. » Léon Bertrand, petit-fils de bagnard, fils d’un père créole et d’une mère amérindienne, souhaite aussi que cette transat soit l’occasion d’un devoir de mémoire. Le choix du Sénégal, ancien territoire colonial marqué par l’esclavagisme, achève de donner au projet une dimension historique et culturelle.

Si pour cette première édition quinze rameurs s’élanceront de la côte africaine, « une trentaine veulent déjà s’inscrire pour la prochaine, s’enthousiasme Horeau. Notre idée, c’est d’en faire la Route du rhum de la rame, mais tous les deux ans (au lieu de quatre pour la célèbre transat à la voile - NDLR) ». Avec un budget de 800 000 euros dont 600 000 réunis grâce aux collectivités (ministère, conseils général et régional de Guyane, comité du tourisme...) et aux inscriptions des skippers, la course ne rame pourtant pas sur l’or. « Pour cette première édition nous n’avons pas de partenaires privés. On y est pour 200 000 euros de notre poche mais ce n’est pas perdu. Pour qu’il y ait une deuxième édition et une pérennité de la course, il faut d’abord que la première existe. » Les premiers concurrents sont attendus début janvier.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-11-16/2006-11-16-840441

Messages