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Appel à la grève générale de la consommation

Publie le vendredi 23 novembre 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

Appel à la grève générale de la consommation, par Paul Ariès.

La société de consommation est triste, injuste et impossible : non seulement 20 % des humains s’approprient 86 % des ressources planétaires mais cet « enfer climatisé » n’est pas généralisable puisqu’il dépasse la capacité même de régénération des écosystèmes. Nous devons donc en finir avec cette domination des uns sur les autres et de tous sur la planète pour vivre simplement en véritables humains. Ce choix est celui de la responsabilité mais aussi de l’utopie : il est le seul capable de redonner un sens à nos valeurs comme la liberté. Nous entendons opposer à la logique économique boulimique l’objectif de vivre avec « moins de biens mais plus de liens ». La construction d’un projet politique fondé sur « la gratuité de l’usage et le renchérissement du mésusage » permettrait de résoudre à la fois les questions environnementales et sociales par le retour au politique. Seule la perspective d’une « grève générale de la consommation » peut rendre la puissance aux petits face à cette infime minorité de puissants qui s’engraisse de notre mal-vie et de la destruction de toute chose.

Qui peut encore croire en une grève générale du travail ? L’idée d’une grève générale court tout au long du vingtième siècle. Les peuples ont longtemps espéré dans une grève générale du Travail. Il serait absurde de lui opposer ses échecs car le propre d’un mythe est de permettre d’agir mais aussi de supporter les inévitables défaites. La dureté de l’hyper-capitalisme et de ses nouveaux modes de management musèle les salariés et une fraction importante du peuple est interdite de grève, chômage ou extrême pauvreté obligent. Sans parler du décalage entre les revendications et nos rêves d’émancipation. Faut-il s’étonner que beaucoup songent alors à ce qui pourrait prendre la relève et devenir une grève de la consommation ?

Que serait une grève générale de la consommation ? Cette grève serait conçue comme un véritable mouvement social avec ses revendications collectives opposées aux gouvernement et patronat. Ni continuation de la démarche de simplicité volontaire ni mouvement de boycott ciblé mais une façon de se refuser comme consommateur.

L’hyper-capitalisme n’a pas encore inventé les structures matérielles qui enchaînent le consommateur à la société de consommation. Comment ne pas distinguer à cet égard les deux types de domination ? Le producteur est plus enchaîné matériellement que mentalement. C’est la perspective de la fin du mois difficile (ou impossible) qui l’oblige à reprendre son travail, pas ce prétendu amour du labeur. C’est en revanche la fausse jouissance de la consommation qui interdit de cesser de consommer et nullement des obligations matérielles. Comment le capitalisme pourrait-il obliger à acheter au-delà de l’ordre du nécessaire, c’est à dire de ce qui n’est pas de la consommation ? Le temps joue, dans le cas de la grève du travail, contre le gréviste mais il joue en sa faveur dans l’éventualité d’une grève de la consommation. Le pouvoir perdu par les producteurs qui se refusent à l’être (car tel est bien le sens profond de tout acte de grève générale du travail) peut donc être retrouvé chez les consommateurs qui se refusent à le rester.

La grève générale de la consommation serait incontestablement l’apothéose d’une stratégie conséquente de désobéissance civique. Déjà parce qu’elle transgresserait l’impératif absolu de consommer. Elle attaquerait donc le système dans ce qu’il a de plus vital et sacré. Ensuite parce qu’elle serait un mouvement social avec des revendications opposées à L’Etat et au patronat et se donnant pour but d’arracher une autre hiérarchie de normes juridiques fondée sur la satisfaction des vrais besoins humains, avec ce que cela suppose de préparation, de mobilisation, de théâtralisation et de négociation.

Les futurs ex-consommateurs doivent apprendre à utiliser cette arme. En célébrant chaque mois de novembre « la journée sans achat ». En organisant des mouvements ciblés autour de revendications simples, aisément compréhensibles, assez facilement victorieux. En envisageant des grèves générales portant sur des objectifs plus difficiles à percevoir, mais fondamentaux pour sortir du capitalisme. L’autre atout d’une grève générale de la consommation est qu’elle ne dissocie pas le but du chemin, puisque sortir de la sphère de la consommation est, à la fois, le début et le terme de cette révolution.

Seule cette perspective de grève générale de la consommation peut rendre aujourd’hui aux plus faibles le maximum de force collective. Tant que subsiste encore le compromis fordiste, le capitalisme a besoin de notre compromission quotidienne pour réaliser ses profits. N’est-ce pas cette même grève générale de la consommation qui permettra de tenir le plus longtemps possible face à un adversaire qui n’a nullement l’intention de satisfaire notre volonté de mieux vivre ? N’est-ce pas cette grève générale de la consommation qui permettrait de réaliser, au mieux, l’unité des plus petits et diviserait ceux qui vivent de la domination des uns sur les autres et de tous sur la planète.

Ne nous leurrons pas : le système ne restera pas sans réagir. Il fera son chantage sur l’emploi, il menacera de chômage technique ; les marchands casseront les prix et manipuleront les consommateurs. Notre chance est que le système productif est fort peu fluide et que produire pour l’exportation et les plus que riches prendra du temps. La grève générale de la consommation, comme tout mouvement social, est fondamentalement la création d’un rapport de force : elle sera, sans doute, d’abord vaincue. Ce sera de nouveau la ruée vers l’hyper-consommation. Il en restera une petite graine qui peu à peu germera. Une autre grève de la consommation succédera aux précédentes... On peut penser que nous apprendrons aussi beaucoup de ces défaites. Ces objections contre cette grève ne sont donc pas acceptables, car il n’est jamais légitime de se coucher faute d’avoir la certitude du succès.

Toute grève générale constitue en outre une opération de catharsis collective puisqu’elle dévoile les ressorts intimes du système. C’est pourquoi il est si difficile de reprendre le cours normal des choses après ce dévoilement dont les effets émancipateurs marquent une vie. Oublions un instant ce qui n’est finalement, souvent, que prétexte : toute grève commence, nécessairement, par des revendications conventionnelles mais débouche très vite sur du non-négociable. Il suffit, pour cela, de laisser le temps nécessaire à la désaliénation. La grève de la consommation, comme toute grève, visera certes des conquêtes sociales mais elle regardera, en réalité, beaucoup plus loin. De la même façon que le salarié qui se met en grève pour revendiquer un meilleur salaire expérimente aussi une toute autre existence. C’est pourquoi il lui est toujours si douloureux de reprendre le travail. C’est pourquoi même avec une victoire on ne sait pas finir une grève. Gageons qu’il sera tout aussi difficile de redevenir de simples « forçats de la consommation » après avoir expérimenté une autre vie.

Cette grève générale de la consommation doit être un mouvement pour faire vaincre l’usage contre le mésusage, la gratuité contre la vénalité. Nous ferons grève pour arracher la gratuité des transports collectifs, pour obtenir la gratuité du logement social, pour obtenir des tarifications différentes selon les niveaux de consommation, pour donner à tous avec un revenu universel inconditionnel, équivalent au SMIC, les moyens économiques de vivre sa dignité d’humain, nous ferons grève pour que ceux qui saccagent la planète paient davantage, pour que les publicités soient cantonnées dans quelques espaces, pour qu’un revenu maximal d’activité permette de redistribuer les richesses, etc. Penser que cette grève signifierait cesser de s’alimenter ou de payer ses factures d’eau (encore que ce mouvement puisse être envisagé pour obtenir la gratuité d’usage de ce bien commun) c’est ne rien avoir compris à ce qu’est la consommation, c’est une objection de consommateur donc de ce type d’humain qui va avec le système. L’objectif n’est pas de mettre sa vie ou celle des autres en danger, notre société d’hyper-consommation fait cela très bien sans nous. L’objectif, au contraire, est d’apprendre à exister pleinement, à vivre en tant qu’usager maître de ses usages et non plus comme forçat du travail et forçat de la consommation esclave du marché capitaliste.

Cette grève générale de la consommation peut être le plus court chemin pour réveiller l’usager qui sommeille encore en chacun. Faisons confiance à l’intelligence collective pour redécouvrir au cours de ce mouvement durable des usages depuis longtemps oubliés. Que chacun réfléchisse, dès à présent, à sa consommation et tente déjà de consommer beaucoup moins, bref d’adopter un mode vie minimaliste. Méfions-nous cependant de ceux qui joueraient à « plus décroissant que moi tu meurs » et qui finiraient par transformer cette action citoyenne en geste religieux, en posture moralisatrice sinon policière. Faisons plutôt confiance en la sensibilité collective pour que le mouvement prenne de plus en plus de consistance et d’ampleur.

Cette grève générale passera par le boycott de certains produits ou réseaux vitaux pour le système hyper-capitaliste (pas seulement des biens économiques comme les produits financiers mais aussi idéologiques comme ses journaux télévisés ou sa presse aux ordres). Que serait une grève de la consommation si chacun achetait son nécessaire dans ces temples capitalistes que sont les hypermarchés ?

Faisons le pari que d’ici peu ce mot d’ordre de grève générale de la consommation deviendra populaire, qu’il accompagnera (ou chassera ?) le vieux mythe de la grève générale du travail... Nous en avons tellement besoin pour souder nos espoirs et nourrir nos combats. La perspective d’une grève générale de la consommation oblige à prendre conscience que la vraie puissance n’est pas le pseudo pouvoir du consommateur, qui voterait avec son porte-monnaie, mais celui du citoyen qui se refuse en tant que consommateur, comme le gréviste se refuse comme producteur pour se vivre sur un mode politique.

par Paul Ariès

Messages

  • Enfin, nous y voilà.

    Mais pour que cette grève de la consommation soit efficace, il faut commencer par le commencement, avec des objectifs précis, un jour ou deux donnés, comme par exemple :

     boycott de tous les journaux TV, radios, et presse écrite à la botte de ce pouvoir, e en exigeant la pluralité équitable entre les pours et les contres des grèves par exemple. Que les rédacteurs en chefs, et au dessus, nous laissent assumer notre capacité adulte à réfléchir par nous-mêmes,

     ensuite sur la question du pouvoir d’achat, c’est le boycott des banques, idem un jour ou deux donnés, en retirant ensemble nos maigres sous.

     puis au tour de la grande distribution,

     puis le boycott des entreprises négrières qui exploitent leurs salariés, empêchent par des menaces à peine voilées la constitution de syndicats comme la CGT, ou SUD, ou autres,

    Pour ce faire, il faut l’accès à un site qui coordonne toutes ces actions en France et partout dans le monde.

    Dès qu’il y a une atteinte à qui que ce soit, il faut de suite rétorquer par le boycott ciblé.

    Quand la bourse se cassera la poire, que l’euro dégringolera (attention, un empire meurt (USA), un autre apparaît : l’empire européen !), que les riches ne sauront plus ou planquer leur magot arraché scandaleusement aux salariés, peut-être que le pouvoir ici et ailleurs admettra qu’il y a une force incontournable, à savoir NOUS, les consommateurs-salariés.

    Et pas de chantage, du genre "vous mettez en péril vos copains salariés, parce que la réplique cinglante ne se fera pas attendre : le boycott général, c’est-à-dire en même temps, des médias + banques + gadgets inutiles + certaines marques d’entreprises pour leurs pratiques détestables contre les salariés.

    Pour que ça marche, il faut le faire en même temps.

    Cette arme, c’est la plus redoutable qu’un mouvement puisse organiser sur la planète entière, afin de sortir de la misère et de l’esclavage, tous les humains qui sont voués à être des moins que rien, par d’autres humains qui leur succent toute la moëlle, autrement dit qui se comportent comme des mangemorts.

    Ce temps doit être révolu, chaque humain est unique, il faut en avoir conscience maintenant. Si on ne peut pas se faire entendre par les mots, alors il faut passer à l’action.

    On sera tous gagnants !

  • Ne faudrait-il pas mener une grande campagne d’information pour inciter les gens à acheter directement aux producteurs ( amap, scop...), recréer des coopératives ouvrières de consommation.

    S’il est toujours nécessaire de combattre le capitalisme dans les entreprises (la grève est toujours un moyen), ne pourrait-on pas les boycotter en promouvant la création de scop, ainsi les salariés en devenant leur propre patron contribueraient à faire disparaitre les patrons capitalistes.

    En créant des coopératives ouvrières de consommation les gens déserteraient les temples capitalistes de consommation.

    Il est regretable, de mon point de vue, que les organisations syndicales et organisations politiques réellement anti-capitalistes oublient cette possibilité pour attaquer le capitalisme.

    Certe il y a l’affrontement direct, la boxe par exemple, mais il faut bien l’avouer l’adversaire est en ce moment très coriace et ne recevons-nous pas plus de coups que nous en donnons ?

    Alors, ne pourrions-nous pas pratiquer l’esquive, comme au judo par exemple, contourner l’adversaire, voire même s’en désintéresser et aller vers le monde, vers les gens, car au fond, ces gens là, les capitalistes, sont-ils des gens ?

    • ca commence demain merci de faire tourner l’info au max

      journée sans achat et grand jeux

      La société de consommation est aveugle, il n’y a pas de croissance et de développement économique infinis possibles sur une planète dont les ressources sont limitées. Nous extrayons aujourd’hui deux fois trop de ressources fossiles, et nous émettons dans l’atmosphère plus de deux fois plus de gaz carbonique que la planète ne peut en absorber. La biodiversité s’effondre. C’est aujourd’hui que l’extraction du pétrole entre en déclin. La société de consommation engendre un pillage et l’injustice : 20 % de la population de la planète, les pays riches, consomment plus de 80 % des ressources planétaires. Notre niveau de consommation a un coût : l’esclavage économique de populations entières. La société de consommation est mortifère, elle réduit l’humain à n’être qu’un agent économique : producteur-consommateur. Elle nie nos dimensions politique, culturelle, philosophique, poétique ou spirituelle qui sont l’essence même de notre humanité. Nous devons nous libérer de cet obscurantisme qui consiste à croire en la toute-puissance de la technoscience et à nous défausser sur elle de nos reponsabilités. La science repose sur le doute et non sur la foi. L’espoir est de réanimer notre conscience et de traduire nos idées au quotidien dans nos actions. Renouons avec notre capacité d’autolimitation, individuellement, avec la simplicité volontaire, et collectivement, grâce à la décroissance. Dès aujourd’hui, faisons un geste symbolique : pour une journée, ce samedi 24 novembre... cessons d’acheter. Annoncez-le autour de vous. Dites-le à vos amis. Impliquez votre famille. Simplifiez votre vie. Copiez l’affiche de la Journée sans achat. Placardez-la à votre travail, chez vos voisins, partout autour de vous. Fêtons la Journée sans achat.

      En ce mois de novembre, à travers toute l’Europe, nous avons organisé un concours. Nous avons collé des milliers d’autocollants sur des produits dans les supermarchés et les magasins. Chacun d’eux avait un code à saisir sur un site internet, www.achetezconsommezgagnez.com. Le site ressemblait au pire de ce qui existe : mauvais graphiques, demandes injustifiées de données personnelles, chargement lent. Pour le visualiser, une confiance aveugle était nécessaire, la même qui nous est demandée chaque jour devant les étalages. Chaque code était un code "gagnant", mais voilà la mauvaise surprise : vous avez gagné, mais il n’y a aucun prix. A chaque fois que vous avez participé à un concours, vous étiez sans doute certain que vous pourriez en obtenir le bonheur absolu. Il est peut-être temps d’être sérieux et de vous ressaisir. En arrêtant de consommer, par exemple. Au moins pour une journée. Le 24 Novembre est la Journée Sans Achat. Participez en ne participant pas.

      pour plus d’info : http://www.casseursdepub.org/

    • Ca tombe bien,je consomme pas,gagne pas assez !

      JCG