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Autocensure à Fécamp

Publie le mercredi 30 juillet 2008 par Open-Publishing

Dans La Divine Comédie, Dante Alighieri (1265 - 1321) visite successivement, en compagnie de Virgile, l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Au chant XXVIII, les deux voyageurs observent Mahomet qui, en tant que schismatique, est maintenu en Enfer où il souffre les pires tourments (même sort pour son gendre Ali). Dans leurs représentations de chaque chant de La Divine Comédie, Gustave Doré comme Salvador Dali ont, naturellement, fait figurer l’inventeur de l’islam dans la situation où l’a placé Dante. Auguste Rodin, aussi, a apporté son interprétation de ce thème.

Jusqu’au 21 septembre 2008, le Palais Bénédictine de Fécamp présente dans une exposition les aquarelles et gravures de Dali sur la Divine Comédie mais la légende de l’œuvre consacrée à Mahomet ne comporte aucun titre ("Sans titre"). C’est le seul titre absent parmi les cent œuvres rassemblées. Dans le catalogue en vente à l’accueil, la même xylographie est toutefois correctement légendée par "Mahomet". Deux poids, deux mesures selon qu’on examine l’œuvre accrochée non légendée ou sa reproduction dans la monographie correctement légendée.

Après la Mairie du VIe arrondissement de Paris (suppression du mot Allah dans le titre d’une pièce de théâtre) et les Editions Belin (floutage du visage supposé de Mahomet dans un manuel scolaire), la peur des protestations des fanatiques a, une fois de plus, sacrifié la liberté artistique sur l’autel de l’intolérance en amputant une œuvre de son titre. Pire que la censure, l’autocensure, ici, dissuade toute résistance au totalitarisme au profit d’une culpabilisation infondée. Que penser de la cohérence d’une exposition qui veut célébrer le surréalisme de Dali si, par avance, elle plie le genou devant une contestation éventuelle ?

L’éloge de la liberté et de l’insoumission du surréalisme exprimée dans le texte de présentation de l’exposition n’est finalement qu’un rêve nostalgique d’une époque que, en réalité, on n’est pas prêt à recréer. Le courage de l’anticonformisme n’est pas dans le rituel confortable de la commémoration (du surréalisme, de mai 68, etc.) mais dans la mise en pratique, ici et aujourd’hui, des valeurs là célébrées. Toutefois, il convient de savoir que le surréalisme du Dali catholique et franquiste de 1960 (année de parution de La Divine Comédie) n’est plus forcément celui du Dali qui côtoyait Luis Buñuel trente ans auparavant.

Il est erroné de croire que c’est en contentant le fanatisme islamique dans sa phobie, au sens psychiatrique, de la critique qu’on l’amènera vers les valeurs, qui lui sont étrangères, de tolérance et d’ouverture sur le monde. L’intolérance n’est pas domptée quand ses éructations obtiennent qu’on lui obéisse. L’intolérance n’est vidée de sa force que quand le débat prudent s’efface devant la plus grande irrévérence et quand la satire succède à la critique timide.

A lire sur atheisme.org :
 les douze caricatures danoises de Mahomet ;
 les représentations anciennes de Mahomet par des artistes musulmans.