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Pascal Boniface : "Les jeunes ont exprimé leur opprobre par rapport à la France"

Publie le vendredi 17 octobre 2008 par Open-Publishing
11 commentaires

Le géopolitologue Pascal Boniface dirige l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Auteur de plusieurs ouvrages sur le football, il revient sur les sifflets qui ont émaillé le match entre la France et la Tunisie.

Recueilli par PHILIPPE BROCHEN

Que vous inspirent les sifflets contre "la Marseillaise" et l’équipe de France hier soir au Stade de France ?

J’étais présent au match hier, tout comme j’ai assisté au Stade de France à France-Algérie en octobre 2001 et France-Maroc en novembre 2007. Hier soir, il y a eu des sifflets contre la Marseillaise et essentiellement contre Ben Arfa [milieu de terrain français d’origine tunisienne, ndlr]. En tant que Français d’origine tunisienne, il lui était reproché d’avoir trahi. Pour ce qui concerne les sifflets, il y avait un défi pour ces jeunes Français d’origine tunisienne ou ces jeunes Franco-tunisiens.

Doit-on donc juste prendre cela comme un jeu ?

Ce qui est certain, c’est que cela exprime quelque chose. Il n’y a rien de plus qu’un match de football pour faire ressortir l’identité nationale. On peut penser que ces jeunes, avant et après ce match-là, soutiennent et soutiendront l’équipe de France et Ben Arfa. Mais là, ils se sont sentis plus proches de la Tunisie. Le problème n’est pas qu’ils aient soutenu la Tunisie mais bien qu’ils aient sifflé la Marseillaise. Ils pouvaient faire l’un sans l’autre. Ils ont exprimé leur opprobre par rapport à la France en sifflant la Marseillaise.

Vous insistez sur le mot « jeunes » ?

Oui, parce que les spectateurs de 40-50 ans d’origine tunisienne ou de nationalité tunisienne étaient désespérés de ce qui se passait. Ils ont vécu ces événements comme une catastrophe.

Ces sifflets sont-ils l’expression d’une surenchère par rapport aux précédents matchs France-Maroc et France-Algérie qui avaient donné lieu à ce type de choses ?

C’est tout cela à la fois. Ceux qui n’en traduisent qu’une haine contre la France ont tort. Il y a effectivement la volonté d’exprimer un malaise à l’égard de la République, mais aussi une sorte de compétition inter-Maghreb, du style « on ne peut faire moins que les Algériens et les Marocains ». C’est le réflexe de Panurge. En soutenant la Tunisie, il y a aussi la volonté d’être du côté du faible plus que du fort qu’est la France.

Ces sifflets semblent également être le reflet d’un problème d’intégration ?

Oui, mais on ne peut pas le réduire à cela. Certes, ces jeunes ne se sentent pas tout à fait français. Mais ce sont les mêmes qui viendront le 19 novembre avec le maillot bleu sur les épaules lors du match contre l’Uruguay et qui alors applaudiront l’équipe de France.

Il y a donc un vrai problème indentitaire ?

Ce que j’ai entendu, c’est qu’il y a une sorte de pari qui avait été fait par rapport aux autres jeunes d’origine maghrébine.

Ce phénomène est-il à prendre avec sérieux ou est-il marginal ?

Ni l’un ni l’autre. Il ne faut pas en exagérer la portée. Mais quand il y a des signaux d’alerte, il faut les entendre. On peut prendre ça comme une sorte de thermomètre qui donne la température.

Dans cette logique de surenchère, pensez-vous que le stade aurait pu être envahi ?

Non, car le dispositif de sécurité n’était pas le même que face à l’Algérie en 2001. Et après le troisième but francais, il a été renforcé. Il faut aussi comprendre qu’entre la France et la Tunisie, il n’y a pas le même passif historique qu’entre la France et l’Algérie. Cela dit, j’avais assisté au match France-Algérie avec mes enfants, et jamais je ne me m’étais senti menacé. Hier soir, il y avait une volonté de se faire entendre qui a dégénéré en insulte, mais qui ne semblait pas devoir déborder sur un champ physique.

Le phénomène Black-Blanc-Beur de 1998 a donc vécu ?

Il a existé, c’est sûr. Le problème, c’est qu’il y a eu deux erreurs. On pensait qu’avec le seul miracle de la Coupe du monde, il n’y aurait plus eu de problèmes dans les banlieues, il n’y avait plus besoin de traitement social pour ces quartiers. Cette victoire en Coupe du monde était un levier, pas une baguette magique. La preuve : le lendemain de la finale gagnée contre le Brésil, il y avait encore des Maghrébins qui ne pouvaient pas entrer dans des boîtes de nuit. Cette euphorie de juillet 1998 a servi parfois d’excuse aux pouvoirs publics pour ne pas prendre le taureau par les cornes en matière d’intégration.

Dix ans plus tard, rien n’a avancé ou presque dans le règlement de ces difficultés ?

Avant, on n’était pas autant conscient de ces difficultés liées à l’intégration. Maintenant que la conscience liée à tout cela est plus aiguë, le problème paraît donc moins supportable.

Que pensez-vous de la proposition de Bernard Laporte qui ne veut plus faire disputer les matchs contre les nations du Maghreb à Paris ou encore de Roselyne Bachelot qui propose d’évacuer le stade dès les premiers sifflets contre la Marseillaise ?

Hier soir, le remède aurait été pire que le mal. On serait inévitablement tombé dans la violence. Et puis, il ne faut pas oublier que ce sont les pouvoirs public qui obligent l’équipe de France à jouer dans ce stade qui, du fait entre autre d’une politique tarifaire abusive, est difficile a remplir. L’équipe de france n’y est pas toujours soutenue. Ils ne peuvent pas donner pour injonction de jouer au Stade de France et le leur reprocher. Il faut libérer l’équipe de France du contrat léonin qui le lie au Stade de France.

Quelles conséquences peut-on désormais redouter de cette affaire ?

Un emballement politico-médiatique. Mais peut-être aussi que le fait de donner une importance majeure à cela fait moins parler de la crise financière... Ce qui est triste, c’est que les jeunes qui ont fait cela n’avaient pas de projet politique, mais que leur action a eu une portée politique. Et que s’ils voulaient exprimer un mal-être par rapport à leur intégration, ils sont venus aggraver ce malaise.

http://www.liberation.fr/sports/010...

Messages

  • Voir l’interview de Platini sur le site du Monde.

    Où l’on peut constater qu’un grand joueur peut avoir, en plus de ses 2 pieds, un cerveau. Ce qui n’est pas le cas de Laporte, ni même celui des Sarkofion, AlliotMarie, FadelaBachelot etc...

    http://www.lemonde.fr/sports/articl...

  • Lundi les bourses montent et tout le monde s’enflamme : Notre Seigneur est bien Notre Sauveur. Mardi, les bourses baissent. Il parait que ce n’est pas le cas du budget élyséen. Alors, vite une diversion médiatique !
    Rien à foutre qu’on siffle une chanteuse de variété ! Tout cela est de la pure manipulation !
    Dan

  • Chapeau Mr Boniface. Il y a dans ce pays encore des gens sensés, intelligents et réfléchis.
    J Cl de Marseille

  • Oui,bien sûr...mais la solution est-elle dans "le voile"(ou pire encore) et dans l’ignorance de sa propre nationalité ? car ,ces "jeunes"qui sifflent la marseillaise...insultent souvent les "Français(es)"car ils et elles ne savent pas toujours qu’ils sont Français(es) et uniquement Français(es) ...en droit du moins...il ne faut donc pas se contenter d’en "prendre acte" !...nous avons tou(te)s une part de responsabilité !
     Ne pourrait-on pas leur apprendre cela aussi...mais ce sont plus d’enseignant(e)s qu’il faut, pour cette raison également..sans oublier que les enseignant(e)s doivent ,eux et elles aussi, ëtre RESPECTE(E)S ni plus ni moins(PAS MOINS) que ceux qu’ils ont "en charge"(comme on dit).
     les problèmes "sociétaux" "ça a une certaine importance !" .....EGALITE(laïcité) !
     Merci à Pascal Boniface mais pourquoi ne va-t-il pas plus loin ?On peut cependant comprendre qu’il ait peur (qu’il excuse cette crudité)car sous le coup d’une "Fatwa" il y a peu...

    ON EN PARLE ? ENFIN ?

  • Ce qui est bizarre, c’est que l’on ne parle pas du contenu de la Marseillaise !
    L’Abbé Pierre qui était loin d’être communiste avait demandé" une révision de
    son contenu, notamment UN SANG IMPUR ABREUVE SES SILLONS ; MAIS
    la aussi, quelles sont les propositions de notre Gauche !?

    • En tant que grain de sable de la dite gôche, voici ma réponse :

      La gôche a d’autres Sarko à fouetter, mais elle est disposée à examiner toute proposition de gens qui n’ont rien d’autre à foutre pour remplacer, surtout, "le sang impur". Cette phrase a, en effet, à ses oreilles contemporaines, des accents tout à fait racistes, UMP, et hortefeusiens extrêmement désagréables.

      En attendant, elle propose de la remplacer par l’Internationale, en français, bien sûr, qui ne demande pas d’amendements et est utilisable de suite, avant, pendant et après les match de foot, si l’on estime que disputer un match est plus un acte politique, ainsi que financier, que purement "sportif" - si ça existe.

      "C’est la lutte finale", ça va, non, pour un match de foot ? Il n’ y a pas de sang impur, ce qui serait exagéré en la circonstance, mais un évènement sportif entre "damnés de la terre"... non ? Les joueurs n’ayant pas de fusil, même pas un ballon par personne d’ailleurs, "crosse en l’air" ne les concerne pas. Du moins sur leterrain : mais ils peuvent avoir une pensée pour leurs frères qui ne veulent pas tuer des Afghans. enfin, tout bénef, quoi !

      L’Internationale

      Debout les damnés de la terre
      Debout les forçats de la faim
      La raison tonne en son cratère
      C’est l’éruption de la fin.
      Du passé faisons table rase
      Foule, esclaves, debout, debout
      La monde va changer de base
      Nous ne sommes rien, soyons tout !

      Refrain :
      C’est la lutte finale
      Groupons nous, et demain
      L’Internationale
      Sera le genre humain.

      Il n’est pas de sauveurs suprêmes
      Ni Dieu, ni César, ni tribun
      Producteurs, sauvons nous nous-mêmes
      Décrétons le salut commun
      Pour que le voleur rende gorge
      Pour tirer l’esprit du cachot
      Soufflons nous même notre forge
      Battons le fer quand il est chaud.

      au Refrain

      L’état comprime et la loi triche
      L’impôt saigne le malheureux
      Nul devoir ne s’impose au riche
      Le droit du pauvre est un mot creux
      C’est assez, languir en tutelle
      L’égalité veut d’autres lois
      Pas de droits sans devoirs dit-elle
      Égaux, pas de devoirs sans droits !

      au Refrain

      Hideux dans leur apothéose,
      Les rois de la mine et du rail
      Ont-ils jamais fait autre chose
      Que dévaliser le travail
      Dans les coffres-forts de la bande
      Ce qu’il a crée s’est fondu
      En décrétant qu’on le lui rende
      Le peuple ne veut que son dû.

      au Refrain

      Les rois nous soûlaient de fumées
      Paix entre nous, guerre aux tyrans
      Appliquons la grève aux armées
      Crosse en l’air et rompons les rangs
      S’ils s’obstinent ces cannibales
      A faire de nous des héros
      Ils sauront bientôt que nos balles
      Sont pour nos propres généraux.

      au Refrain

      Ouvriers, paysans, nous sommes
      Le grand parti des travailleurs
      La terre n’appartient qu’aux hommes
      L’oisif ira loger ailleurs
      Combien, de nos chairs se repaissent
      Mais si les corbeaux, les vautourshttp://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article72801

      En tant que grain de sable de la dite gôche, voici ma réponse :

      La gôche a d’autres Sarko à fouetter, mais elle est disposée à examiner toute proposition de gens qui n’ont rien d’autre à foutre pour remplacer, surtout, "le sang impur". Cette phrase a, en effet, à ses oreilles contemporaines, des accents tout à fait racistes, UMP, et hortefeusiens extrêmement désagréables.

      En attendant, elle propose de la remplacer par l’Internationale, en français, bien sûr, qui ne demande pas d’amendements et est utilisable de suite, avant, pendant et après les match de foot, si l’on estime que disputer un match est plus un acte politique, ainsi que financier, que purement "sportif" - si ça existe.

      Debout les damnés de la terre
      Debout les forçats de la faim
      La raison tonne en son cratère
      C’est l’éruption de la fin.
      Du passé faisons table rase
      Foule, esclaves, debout, debout
      La monde va changer de base
      Nous ne sommes rien, soyons tout !

      Refrain :
      C’est la lutte finale
      Groupons nous, et demain
      L’Internationale
      Sera le genre humain.

      Il n’est pas de sauveurs suprêmes
      Ni Dieu, ni César, ni tribun
      Producteurs, sauvons nous nous-mêmes
      Décrétons le salut commun
      Pour que le voleur rende gorge
      Pour tirer l’esprit du cachot
      Soufflons nous même notre forge
      Battons le fer quand il est chaud.

      au Refrain

      L’état comprime et la loi triche
      L’impôt saigne le malheureux
      Nul devoir ne s’impose au riche
      Le droit du pauvre est un mot creux
      C’est assez, languir en tutelle
      L’égalité veut d’autres lois
      Pas de droits sans devoirs dit-elle
      Égaux, pas de devoirs sans droits !

      au Refrain

      Hideux dans leur apothéose,
      Les rois de la mine et du rail
      Ont-ils jamais fait autre chose
      Que dévaliser le travail
      Dans les coffres-forts de la bande
      Ce qu’il a crée s’est fondu
      En décrétant qu’on le lui rende
      Le peuple ne veut que son dû.

      au Refrain

      Les rois nous soûlaient de fumées
      Paix entre nous, guerre aux tyrans
      Appliquons la grève aux armées
      Crosse en l’air et rompons les rangs
      S’ils s’obstinent ces cannibales
      A faire de nous des héros
      Ils sauront bientôt que nos balles
      Sont pour nos propres généraux.

      au Refrain

      Ouvriers, paysans, nous sommes
      Le grand parti des travailleurs
      La terre n’appartient qu’aux hommes
      L’oisif ira loger ailleurs
      Combien, de nos chairs se repaissent
      Mais si les corbeaux, les vautours
      Un de ces matins disparaissent
      Le soleil brillera toujours.

      Un de ces matins disparaissent
      Le soleil brillera toujours.

  • Les musulmans, en France, se font traiter de souris. Cela s’est produit lors d’une émission de Michel Drucker sur Europe 1, une grande radio. L’émotion des musulmans est telle que le président du CFCM, Mohamed Moussaoui, a réagi vivement à l’injure. Les excuses suivront et, certainement, cette page sera tournée en attendant la prochaine. Tout de même, ces Français ne sont pas cartésiens. Pourquoi ils font semblant d’être chiffonnés — ils en font tout un fromage — quand ces mêmes « souris » sifflent la Marseillaise. Le racisme rampant, la panne de l’intégration, l’exclusion urbaine et la marginalité culturelle et sociale font siffler toutes les souris de l’Hexagone — depuis longtemps. Elles peuvent aussi générer des émeutes, pousser à l’incivisme, et susciter toutes sortes de comportements antipatriotiques. C’est une affaire, d’abord, entre Français. Si des jeunes Français d’origine, notamment, maghrébine, ne se sentent pas appartenir à la communauté nationale, cela doit interroger en premier lieu les politiques. Or, au lieu de réfléchir sérieusement à la question, les politiciens français, dans un bel unanimisme, ont mis en cause ces rongeurs d’Arabes qui ne respectent pas les symboles d’une République brocardée qui, en fait, les rejettent à la marge des minima de la décence. L’appel à la dératisation civique ou à la ratonnade citoyenne n’y fera rien. Les souris ne sont heureuses que si le chat est juste, ou absent. C’est à voir de près. Mais le fait que le président de la République française, tout à son émotion, pose si mal — encore ! — le problème est inquiétant pour l’avenir pour la communauté française.

  • "j’aime...j’aime pas..."

     je n’aime pas le "sang impur" dans la Marseillaise...
     J’aime"il n’est pas de sauveur suprême....."dans l’Internationale.
     J’aime la France République Laïque car Laïcité=Egalité
     je n’aime pas les "communautés" (le communautarisme nous divise au profit de ...ceux et celles qui règnent)
     j’aime le MRAP qui disait"vivre ensemble avec nos différences"(différence n’est pas inégalité)
     Je n’aime pas le MRAP "indigène de la République".
     Toutes et tous ENSEMBLE !

     Pascal Boniface n’a pas tout à fait tort !(il a même plutôt raison)