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Charte citoyenne pour une autre Europe

Publie le vendredi 11 juin 2004 par Open-Publishing

Ce texte est le résultat de discussions menées dans la préparation des
élections européennes. Il a associé des personnalités et des militants
syndicaux, associatifs, féministes, altermondialistes, antiracistes, relevant
des sensibilités les plus diverses, notamment du Parti communiste français,
de l’Alternative citoyenne, du Manifeste pour une alternative républicaine et
sociale et des Alternatifs.

C’est la base de la campagne de la liste "L’Europe, oui. Mais pas celle-là !" en Île-de-France, conduite par Francis Wurtz, Hamida Ben Sadia et Claude Debons.

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Sur une planète déchirée par la mondialisation capitaliste, nous sommes convaincus que l’Europe peut jouer un rôle positif, qu’elle est indispensable même. Mais ce ne peut être l’Europe actuelle, celle de la finance souveraine, de la casse sociale et des carences démocratiques. Ce ne peut être l’Europe politique telle que la dessine l’inacceptable projet de Constitution concocté par la Convention « Giscard ».
Pourtant, la protestation ne nous suffit pas : nous entendons contribuer à l’émergence d’une alternative européenne crédible et forte. C’est à une autre Europe que nous rêvons. C’est une autre Europe que nous voulons, avec une société plus juste et plus
humaine.

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1. Il ne faut plus accepter la fatalité d’une Europe telle qu’on nous la construit, depuis trop longtemps. Cette Europe-là est celle des choix capitalistes, de la privatisation et de la destruction systématique des acquis sociaux. Elle reste celle de l’atlantisme, qui résulte de l’hégémonie persistante des États-Unis. C’est une Europe du mal-vivre et des régressions. C’est une Europe de la démocratie malade, terreau des phénomènes
les plus inquiétants, et notamment d’une droite extrême et populiste qui nie toutes les
racines démocratiques et solidaires de ce continent. Une telle Europe, nous ne
pouvons l’accepter. Nous en refusons l’architecture d’ensemble, et notamment le
projet actuel de Constitution. Nous en refusons les actes, et notamment les mesures
antisociales et antidémocratiques des grands « Sommets » de Lisbonne ou de
Barcelone.

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2. Au contraire de cette Europe libérale, nous croyons à la nécessité et à la possibilité
d’une Europe de l’emploi et du développement durable. Encore faut-il que la volonté
existe de l’atteindre, que l’on redonne au choix politique sa place première, que l’on
renonce à l’idée d’une fatalité des dogmes financiers. Encore faut-il que l’on
abandonne, enfin, les contraintes du désastreux « Pacte de stabilité » et que l’on
réoriente en profondeur l’action de la Banque centrale européenne. Au lieu de
comprimer sans cesse la dépense publique, l’Europe que nous voulons cherchera
plutôt à développer les dépenses utiles, pour l’emploi stable et pour la formation. Elle
se donnera les moyens budgétaires de cette ambition, préfèrera l’intérêt de tous à la
recherche de profit par quelques uns, développera les services publics au lieu de les
détruire, pénalisera les spéculations indécentes au lieu de ponctionner le monde du
travail.

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3. Au contraire d’une Europe des droits bridés, nous affirmons la nécessité et la
possibilité d’une Europe sociale, celle de la solidarité et des droits de la personne. Une
Europe où l’on se fixe l’objectif raisonnable que chacune et chacun ait les moyens de
vivre dans l’autonomie et dans la dignité. Une Europe où l’égalité des femmes et des
hommes est une valeur effective, où les migrants disposent de droits égaux, où
l’accès à des biens et services publics est un impératif. Une Europe solidaire, où les personnes âgées ne sont pas tributaires des aléas de la capitalisation et des fonds de
pension.

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4. Au contraire d’une Europe pilotée par un petit nombre, nous clamons la nécessité
et la possibilité d’une Europe démocratique, dont la construction repose sur la
souveraineté populaire et non sur le pouvoir opaque de quelques uns. Une Europe où
les citoyens et les peuples auront leur mot à dire, où les pouvoirs publics auront des
fonctions clarifiées, où le contrôle citoyen sera effectif. Une Europe, donc, qui libérera
les énergies, redonnera du sens commun à la construction européenne que le
libéralisme a laissée en panne. Une Europe qui fournira un nouveau souffle à la
tradition démocratique, en la nourrissant des apports originaux de la démocratie
participative et paritaire.

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5. Au contraire d’une Europe qui se contente de jouer un rôle dans le concert des
puissants, nous disons la nécessité et la possibilité d’une Europe de la paix et de la
coopération, qui retrouve la force de l’idéal originel. Une Europe ouverte sur le Sud,
attachée à la réforme profonde et démocratique des institutions internationales. Une
Europe libérée de toutes les tutelles, et notamment celle de l’Otan. Une Europe qui
contribue à faire reculer les logiques dangereuses de la mondialisation actuelle et de
l’hégémonisme. En bref, une autre Europe dans un autre monde…

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6. À quinze, à vingt-cinq ou à plus, l’Europe n’a d’avenir que si elle se débarrasse du
carcan néolibéral. Mais elle devra le faire franchement : l’expérience des dernières
années est aussi celle des insuffisances criantes des politiques sociales-libérales. Les
libéraux et les sociaux-libéraux, en alternance au pouvoir, ont déstabilisé les sociétés
européennes, accru les inégalités, freiné le développement. Ils ont nourri la
désespérance populaire, installé la crise politique, ouvert la voie aux populismes
d’extrême droite.
L’Europe que nous voulons est une grande exigence humaine. Elle n’est pas pour
autant un rêve lointain. Car cette Europe a un atout : le développement d’une
multitude de luttes et de mouvements de toutes sortes. Elle a un levier : l’émergence
d’un mouvement altermondialiste - dont les Forums sociaux européens sont un des
lieux d’expression à l’échelle continentale - qui contredit l’hégémonie de la finance et
des marchés. Tous ces mouvements dessinent d’autres possibles, suggèrent d’autres
choix. Mais ils n’ont pas encore changé l’orientation de la politique européenne ; ils
n’ont pas encore pris force politique.
Notre ambition est de mettre fin à cette carence. Nous pensons que c’est réalisable, si
seulement tous les progressistes antilibéraux, quelle que soit leur sensibilité politique
et quelle que soit leur pratique sociale, syndicale, associative ou politique, se
rassemblent pour proposer des perspectives politiques et les porter ensemble, et
notamment aux élections. Ils doivent le faire dans un esprit de partage, à égalité de
dignité et de responsabilité.
Pour aider à ce rassemblement et à cette co-élaboration, nous mettons en débat les
propositions suivantes, qui constituent à nos yeux le socle d’une autre Europe, sociale,
démocratique, féministe, écologique et pacifique. Le vote du 13 juin doit permettre de
dire non à l’Europe telle qu’elle est et de dire oui, au contraire, à une Europe
citoyenne et populaire.

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Non au projet de constitution actuel

La question de la Constitution revient sur le devant de la scène. En 2003, la
Convention « Giscard » a élaboré un projet, ratifié par la majorité du Parlement
européen.
Nous refusons ce projet : il donne valeur constitutionnelle au principe néolibéral d’un
« marché unique où la concurrence est libre et non faussée » ; il confirme pour
l’essentiel l’actuel système institutionnel qui, par son opacité technocratique, freine
l’émergence d’un véritable espace public européen ; il n’a pas fait l’objet de
délibérations publiques approfondies. En matière budgétaire ou sur les questions de
défense, il aggrave la situation par rapport aux actuels traités.
Notre réponse est sans ambiguïté : nous disons non à ce projet dangereux. Avec les
décisions prises aux sommets successifs de Lisbonne et de Barcelone, il forme un tout
qui doit être repoussé. Les peuples d’Europe doivent pouvoir le faire, de façon claire,
par référendum.

À cette méthode antidémocratique, nous opposons une autre démarche : nous
estimons qu’il faut un nouveau traité qui fixe les compétences et le rôle de chacune
des institutions de l’Union et principalement le Conseil, la Commission et le Parlement,
afin que les citoyennes et les citoyens de l’Union sachent réellement où se prennent
les décisions et quels sont leurs droits et capacités d’intervention.
L’élaboration de ce nouveau traité doit faire l’objet d’un large débat démocratique,
dans l’ensemble de l’Union, à partir d’options clairement définies. Ce débat devrait
permettre de solliciter les élus nationaux et européens, les syndicats, les associations,
les citoyens. C’est à l’issue de cette phase qu’un processus pleinement constituant
serait amorcé, à l’image du débat engagé ; il serait conclu par une consultation
directe, par référendum, des citoyens de chaque État de l’Union.
Europe de l’emploi, Europe sociale
L’Europe n’est plus le continent de la protection sociale et des droits du travail, mais
du chômage et des reculs sociaux. L’actuelle « Stratégie européenne de l’emploi » a
pour seul but de justifier les réformes régressives du marché du travail. Nous ne
l’acceptons pas. L’Union européenne doit porter ses efforts contre la casse des emplois
et le chômage.

I. Agir contre les choix responsables du chômage, aller vers une
sécurité d’emploi et de formation

Face à une situation qui constitue un drame humain déchirant pour des millions
d’individus, nous proposons :

1. De limiter le recours systématique au travail précaire et de généraliser le droit à la
reconversion des emplois précaires en emplois stables ; d’instituer un droit
communautaire de la rupture de la relation de travail. Avant tout licenciement
collectif, doit être affirmée l’obligation de négocier avec les représentants des
travailleurs ; la puissance publique usera de tous ses moyens pour imposer des
moratoires suspensifs et exiger la tenue de tables rondes.

2. D’instituer des droits nouveaux pour les salariés. L’un de ces droits significatifs et
immédiats pourrait être celui se suspendre un plan de restructuration pour permettre
l’élaboration et l’examen de propositions alternatives ou de reclassements.

3. De réduire de façon concertée le temps de travail, en limitant les dérogations
aujourd’hui acceptées pour son exercice.

4. Au-delà de ces mesures immédiates, nous estimons nécessaire d’aller vers un
nouveau statut salarial, prenant la relève des grands acquis européens des années
trente à soixante. Ce statut devrait permettre de combiner l’exigence d’une plus
grande fluidité dans les choix de travail et de vie, et la stabilité sans laquelle la
« flexibilité » n’est qu’une manière de plier le travail aux diktats des marchés. La plus
grande innovation européenne consisterait donc à promouvoir une garantie de la
continuité du contrat de travail, selon le principe d’une sécurité d’emploi, de formation
et de revenus.

II. Développer une politique de relance de l’emploi

Avec le soutien des États, la Commission et le Conseil ont renforcé la tendance
néolibérale en cours, développé les privatisations et affaibli les notions d’intérêt
général et de service public. À l’inverse de ces choix désastreux, l’Union européenne
devrait s’engager dans la redéfinition d’une politique économique permettant de
réduire les délocalisations, de combattre le chômage et de stimuler une croissance
soutenable.

1. Tous les moyens à la disposition des pouvoirs publics, budgétaires, fiscaux,
culturels, seront mis en œuvre par les institutions de l’Union.

2. Cela suppose de renoncer enfin au Pacte de stabilité et de croissance qui limite de
façon dramatique les dépenses publiques. La politique économique et monétaire
n’aura pas pour objectif de « maintenir la stabilité des prix », mais de promouvoir la
croissance, et de favoriser l’emploi de qualité pour tous.

3. L’Union européenne doit se doter des moyens d’une politique publique ambitieuse.
Pour cela le budget de l’Union devrait tendre vers les 5 % du PIB européen. De
même, l’Union doit pouvoir emprunter auprès de la BCE, pour réaliser les grands
travaux d’infrastructure et assurer les investissements nécessaires dans les pays qui
vont adhérer en 2004. Les dispositions légales qui interdisent ces emprunts seront
donc abrogées. Enfin, les Fonds Structurels Européens s’attacheront à aider
activement les fonds locaux et régionaux pour la formation, l’insertion et l’emploi. Un
Fonds spécial de protection et de promotion des salariés permettra de faire face aux
problèmes de délocalisation.

III. Des conditions de vie dignes pour toutes et tous

1. Les moyens d’une vie digne seront donnés à toutes et à tous. Les salaires et les
minima sociaux seront augmentés et l’accès en sera garanti à tous ceux qui en ont
besoin, de façon à ne laisser personne au-dessous du seuil de pauvreté ; des normes
planchers seront fixées en matière de maladie, de maternité, de chômage,
d’incapacité de travailler, de famille, de vieillesse.

2. Le droit à la retraite par répartition doit être conforté. Pour cela, il faut revenir sur
la décision de Barcelone d’allonger de cinq ans la durée de vie au travail et d’aller vers
la liberté de choisir le moment du départ à la retraite, à condition qu’elle ne soit pas
pénalisante pour les plus bas salaires et qu’elle s’accompagne d’une possibilité réelle
d’emploi choisi tout au long de la vie active.

***

Une Europe des droits

Au contraire des libéraux, qui considèrent les droits comme des contraintes et des
coûts, nous considérons qu’il faudrait faire de l’extension de ces droits une base de
développement pour tout le continent.

A. Le droit des femmes.

Que la moitié du genre humain ne dispose pas de l’égalité réelle des droits et des
conditions pèse sur le développement de la société tout entière. Il faut donc faire de
l’égalité hommes-femmes une valeur constitutionnelle de l’Union et avancer de façon
concrète en matière de droits des femmes, en pensant d’abord aux plus fragilisées,
par exemple les femmes migrantes. Nous proposons donc :

• De généraliser le droit d’accès à la contraception et à l’IVG.

• De lutter contre la prostitution et l’esclavage moderne.

• D’agir de façon accrue contre les violences faites aux femmes. Soutenir les
associations d’Élu-es constituées à cet effet et promouvoir les réseaux
féministes.

• D’agir pour l’égalité des salaires et des droits au travail.

• De lutter contre les intégrismes et leur offensive contre les droits des femmes.

• De renforcer la démocratie paritaire qui permet aux femmes d’accéder
réellement aux pouvoirs de décision.

B. La protection de la personne

L’Union européenne se doit d’inscrire clairement les droits de la personne dans ses
priorités et de rendre effectif leur exercice. Cela concerne tout particulièrement les
catégories victimes de discrimination, tout comme les minorités.

1. Les droits de l’immigration.

• L’égalité d’accès au travail, au logement doit être réelle. La libre circulation
doit s’accompagner de l’universalisation du droit aux ressources et aux
prestations.

• Les sans papiers doivent être régularisés : c’est la seule manière de garantir
leurs droits, de réduire la précarisation de leur statut et de limiter le rôle qui
leur est assigné par le patronat dans la recomposition du salariat.

• Une citoyenneté européenne de résidence doit être instituée. Tous les
résidents, quelle que soit leur nationalité, doivent avoir les mêmes droits
civiques que les ressortissants de l’Union.

• Le droit d’asile doit être renforcé et étendu l’éventail de ses possibilités.

2. La protection de l’enfance :

• Application réelle des résolutions adoptées en 1996 et 1997 par le Parlement
européen.

• Action résolue contre la pédocriminalité. Utilisation pour cela de l’espace
judiciaire commun existant (Europol, Schengen, Eurodac). Possibilité de
sanctionner un État qui n’assume pas sa responsabilité pénale dans un dossier
pédophile.

3. La lutte contre toute forme de racisme et d’antisémitisme, le néo-fascisme, le
chauvinisme, la xénophobie, le nationalisme et contre toutes les formes d’intolérance
sera un objectif de l’Union. La discrimination sexiste et l’homophobie doivent être
condamnées.

4. Le principe de laïcité. La protection des minorités est inséparable de l’esprit de
tolérance qui est au fondement du principe de laïcité. L’État et l’espace public doivent
être dégagés strictement de toute pression religieuse ou philosophique. La référence
religieuse ne peut en aucun cas être tenue pour un patrimoine commun et une
dimension constitutive de l’Union. La tradition démocratique, seule, peut être placée
au cœur de la vie commune. Les stipulations qui prévoient « un dialogue ouvert,
transparent et régulier avec les Églises et organisations non confessionnelles » seront
abandonnées.

C. Les dr oits d ’accès à des biens et services publics

1. Le droit à l’éducation.
Dans tous les pays européens, les systèmes éducatifs restent très inégalitaires. Le
sommet de Lisbonne a renforcé cet aspect en faisant de l’éducation et de la formation
un outil de compétitivité, au détriment de l’épanouissement des individus. La
tendance actuelle à la marchandisation de l’éducation va dans le même sens. Il faut
donc rétablir la primauté du principe d’égalité face à l’idéologie de la concurrence.
• Il convient d’empêcher le désengagement de l’État, la précarisation des
personnels de l’éducation, la disparition de dizaines de milliers de postes en
Europe, le transfert de pans entiers de l’éducation nationale au privé.

• Les institutions européennes doivent coordonner leurs efforts en ce sens ; des
moyens adéquats seront accordés pour réduire les inégalités territoriales qui
contredisent l’exercice du droit inaliénable à l’éducation. Les fonds structurels
renforcés seront sollicités à cet effet.

2. Le droit à la culture
La culture a besoin d’un vrai statut, qui l’émancipe des règles du marché et de la
concurrence, qui fasse de la diversité culturelle un des grands enjeux européens et du
respect de l’exception culturelle un principe majeur.

• Les biens et services culturels doivent être placés hors des règles du marché et
de la concurrence ; ce principe de l’exception culturelle sera défendu dans
toutes les négociations internationales.

• Le droit de chaque État ou groupe d’États à définir librement ses politiques
culturelles doit être garanti.

• Le multilinguisme doit être développé comme une spécificité européenne et un
rempart contre le monopole écrasant de l’anglo-américain.

3. Le droit à l’information.

• La pluralité des médias sera garantie dans l’Union. Les organismes européens
combattront ainsi les processus de concentration, conduisant parfois au quasimonopole
en faveur de quelques multinationales.

• Les processus de marchandisation, de privatisation, de concentration que
toute l’Europe connaît aujourd’hui seront refusés, tout comme l’orientation de
l’information et le façonnage de l’opinion publique en fonction des intérêts
économiques et politiques des actionnaires - propriétaires.

• Le principe de la télévision publique sera défendu et les moyens publics de son
action lui seront attribués, notamment par la constitution de pôles publics de
l’information, y compris européens.

4. Le droit à la ville.

• Le droit au logement doit être inclus dans le traité constitutionnel européen.

• L’emprise des marchés financiers et de la spéculation sera réduite, pour que
soit assuré le droit à un logement digne, suffisamment bien desservi et inséré.

• Le droit à une ville de qualité pour tous, à un logement digne, à une mobilité
choisie deviendra une priorité de l’Union. Pour cela, la mise en place de
dispositifs publics doit être systématiquement encouragée, à toutes les
échelles de territoire.

C. Une nouvelle Charte des droits fondamentaux

L’Union européenne respectera les principes suivants :

• La recherche de normes minimales ne doit pas conduire l’Europe à s’aligner
sur le plus petit dénominateur commun aux législations nationales, mais
constamment, dans la mesure du possible, à rechercher un renforcement des
protections juridiques accordées aux travailleurs.

• Le principe de non-régression doit garantir que la poursuite de l’intégration
économique ne pourra plus aboutir à mettre en cause les droits reconnus aux
travailleurs par telle ou telle législation nationale.

• Toute modification des réglementations économiques, surtout si elles visent à
élargir la part du marché, n’est possible que si elle est précédée d’une
harmonisation par le haut des législations sociales des États membres.

• Enfin, ni la concurrence ni le libre-échange ne sauraient être des objectifs et
des normes supérieures de l’Union : c’est la coopération et la solidarité qui
doivent occuper cette place prépondérante.

Sur cette base sera engagé le processus d’élaboration démocratique d’une nouvelle
Charte des droits fondamentaux, associant largement la société civile européenne,
ainsi que les élus nationaux et européens. Cela n’a pas été réalisé lors de la rédaction
de l’actuelle Charte (2000) ; cela doit se faire le plus tôt possible.
Sans attendre, l’Union adhèrera en tant que telle à la Charte sociale de Turin, à la
Convention européenne des droits de l’homme et aux résolutions de l’Organisation
Internationale du Travail.

***

Une volonté politique européenne, pour un autre
développement

La privatisation, la déréglementation et les exigences de rentabilité ont tourné le dos
aux exigences à long terme de formation, d’épanouissement humain, d’équilibres
écologiques. À l’inverse de ces choix, nous entendons mettre au centre de la
construction européenne le développement des capacités humaines, l’économie des
ressources naturelles et l’esprit de partage et de solidarité.

1. Réorienter les instruments de la puissance publique :

1. La fiscalité doit être réorientée :

• Les exonérations fiscales devraient favoriser les stratégies d’investissement
productif et, au contraire, pénaliser les stratégies exclusivement financières,
au coût social élevé. Ainsi, les entreprises qui délocalisent pour bénéficier de
charges salariales et sociales moindres seront taxées.

• À l’échelle européenne, comme à toutes les échelles de territoire, la taxation
des revenus des capitaux, la taxe sur l’émission de CO2, l’harmonisation des
taxes sur l’énergie et sur les transactions courantes contribueraient au
financement de la croissance et permettraient d’aller vers l’établissement, au
niveau européen, d’un impôt unifié sur les revenus du capital.

• Un contrôle sera instauré sur les multinationales ayant leur siège dans
l’Union ; elles seront tenues de reverser les aides publiques si l’on constate
qu’elles sont utilisées pour délocaliser les emplois. De la même manière,
l’Union ne saurait admettre que certaines d’entre elles poursuivent leur rôle
prédateur dans les pays du Sud.

2. La politique du crédit doit elle aussi être réorientée et contrôlée.

• Le contrôle démocratique de la BCE sera assuré par le Parlement européen et
les parlements nationaux, et ses missions seront réorientées, y compris en
associant les acteurs sociaux dans les bassins d’emploi.

• Une politique sélective du crédit sera mise en place, en faveur des entreprises
qui favoriseraient l’emploi et la formation et au détriment de celles qui
spéculent contre l’emploi. Les projets des salariés et des élus qui visent à
préserver l’emploi seront de même soutenus.

• L’Union s’engagera à aider à la création de pôles publics bancaires nationaux
voire européens.

3. Le secteur coopératif et l’économie sociale et solidaire doivent être encouragés, et
recevoir une aide qui leur permette de concilier la logique sociale et l’efficacité
économique. La fiscalité et les aides publiques seront sollicitées à cet effet. Des
services affectés aux questions de l’économie sociale seront mis en place.

4. Cet effort doit être accompagné d’une intervention plus active de l’Union
européenne dans l’arène internationale :

• Taxation des marchés financiers (taxe Tobin) et des plus-values.

• Soutien actif aux propositions du Programme des Nations Unies pour le
Développement visant à éradiquer la pauvreté et à dégager de nouveaux
modèles de développement humain durable. Réorientation des politiques du
FMI et de la Banque mondiale (voir plus bas : « Une Europe de paix et de
coopération »)

• Suspendre les négociations de l’Accord général sur le Commerce des Services,
tant qu’une évaluation contradictoire des effets de la libéralisation n’aura pas
été faite. Retrait définitif du champ de l’OMC des services qui peuvent être
considérés comme des biens communs de l’humanité (santé, culture,
éducation, eau, etc.).

• Initiatives pour promouvoir une monnaie mondiale commune, permettant
d’échapper à l’hégémonie obsolète du dollar.

• Les dispositions qui visent à empêcher ces objectifs, et notamment celles qui
interdisent toute restriction aux mouvements de capitaux, seront supprimées.

II. Des services publics piliers d’une espace commun :

A. Affirmer de façon forte l’ambition des services public s ou d’intérêt général.

1. Affirmer la reconnaissance constitutionnelle des services publics ou d’intérêt
général. Pour accomplir leurs missions, ces services doivent s’organiser et fonctionner
selon des règles spéciales qui dérogent aux règles de la concurrence. Les objectifs
d’égalité, de continuité, d’adaptabilité, d’accessibilité, de qualité et d’évaluation
démocratique des prestations l’emporteront sur les règles du libre-échange. Ces
options doivent être immédiatement intégrées dans les mandats de négociation de la
Commission, notamment à l’OMC.

2. Reconnaître constitutionnellement à l’Union une compétence pour créer des
services d’intérêt général européen et pour promouvoir et soutenir les services
nationaux et locaux afin qu’ils puissent répondre à ces mêmes exigences. L’Union doit
avoir pour obligation de créer des services publics ou d’intérêt général européens
chaque fois que cela apparaîtra nécessaire.

B. Développer concrètement les services publics ou d’intérêt général.

1. L’Union européenne doit décréter immédiatement un moratoire sur les
privatisations, y compris locales, et établir un bilan économique et social exhaustif du
démantèlement des services publics dans l’ensemble des pays européens et à toutes
les échelles de territoire.

2. L’Union considèrera désormais que le secteur public n’est pas une exception à la loi
des marchés, mais un pilier central d’une société démocratique. Tous les aspects
centraux de la sécurité sociale, de l’éducation, de la culture, etc., doivent être
gouvernés par le secteur public. Des parts importantes de la fourniture
d’infrastructure - routes, rail, services de ramassage scolaire, etc. - tout comme de
certains biens collectifs - l’eau, l’électricité, le gaz, etc. - et des activités de réseaux
comme les télécommunications et la poste doivent également faire partie de l’espace
public. Il convient d’étendre la réglementation publique au crédit, au logement, au
secteur pharmaceutique, et à d’autres secteurs qui sont les fournisseurs de base de
services publics de santé et de soins.

3. Les droits des salariés et de leurs organisations syndicales seront fortement élargis
dans toutes les entreprises à dimension européenne, afin d’augmenter leurs pouvoirs
d’orientation, de décision et de contrôle. Les missions de service public devraient
intégrer de nouvelles notions comme la lutte contre l’exclusion, le concept de
développement durable et surtout l’extension des droits et des pouvoirs des salariés,
des élus et des usagers dans la gestion des services publics.

4. Cet effort de promotion des services publics s’accompagnerait de mesures
complémentaires :

• Une véritable coopération entre services publics et entreprises publiques
européennes afin de partager les coûts d’investissement, la formation, la
recherche et surtout afin de développer l’emploi.

• La création d’un Haut Conseil des Services d’Intérêts Généraux à l’échelle de
l’Union réunissant élus, syndicats, associations d’usagers représentants des
États afin d’évaluer régulièrement les SIG.

• Le soutien aux0efforts des collectivités territoriales qui se déclarent hors-AGCS
afin de maintenir leurs services publics.

III. Des politiques sectorielles actives

A. Une politique européenne active de l’environnement.

1. Prendre en compte l’urgence planétaire. Au rythme actuel, les engagements de
Kyoto ne seront pas tenus. L’Union européenne doit donc s’engager pour une
application effective du protocole de Kyoto sur l’environnement, même s’il reste
insuffisant, et sur l’application des orientations adoptées dans les différents Sommets
organisés sous l’égide de l’ONU.

2. Réformer la politique des transports. Le développement du ferroviaire nécessite une
volonté politique et des investissements de long terme pour assurer l’interopérabilité des réseaux et aussi pour construire de nouvelles voies, des « autoroutes »
ferroviaires dédiées au transport de marchandises.

3. Réévaluer sensiblement la lutte contre les inondations et pour la sécurité maritime.

4. Réformer la politique énergétique. La lutte contre les émissions de gaz à effet de
serre nécessite de faire figurer l’efficacité énergétique, les économies d’énergie et le
développement des énergies renouvelables au titre d’objectifs de l’UE, avec la base
juridique associée. Si le nucléaire reste un sujet de désaccords entre les promoteurs
d’une Europe antilibérale, il est possible de s’accorder sur les points suivants :

• Les efforts de recherche et de développement les plus grands doivent être
portés vers les économies d’énergie et les énergies alternatives renouvelables.

• Les conditions de transparence et de sécurité doivent être impérativement
développées ;

• le contrôle démocratique étendu est une nécessité.

• Le débat citoyen doit être conduit de bout en bout, à l’échelle nationale et
européenne, de l’information complète à la décision et au contrôle. Au bout du
compte, le choix revient aux résidents de l’Union, consultés directement sur le
sujet.

5. Transformer la fiscalité. L’harmonisation fiscale nécessaire devrait donc être
orientée par ces enjeux de développement soutenable et, par exemple, conduire à
taxer l’utilisation des ressources non renouvelables, en particulier le charbon et les
hydrocarbures.

6. Tout cela suppose de revenir sur la logique libérale qui, depuis des années,
contredit dans tous les domaines la maîtrise publique des politiques d’environnement.

Par exemple, il faudra s’attaquer en Europe aux pouvoirs des grandes sociétés
européennes telles que Vivendi et Lyonnaise des Eaux qui ont massivement investi
dans les filières rentables, sans se soucier des populations concernées ni des
équilibres naturels. Il est nécessaire d’introduire dans la Constitution Européenne le
principe « de la gestion intégrée, solidaire et soutenable de l’eau, bien commun ».
L’Europe agira pour que ce principe soit respecté à l’échelle internationale : elle
s’attachera en ce sens à contrôler étroitement l’activité des multinationales à base
européenne.

B. Une politique ambitieuse de la recherche :

• L’Espace européen de recherche soit être démocratisé. La soumission aux
pressions du privé, des lobbys, de la rentabilité immédiate, de la précarisation
croissante sera écartée.

• Les dépenses consacrées à la recherche devront être portées à 3 % du PIB
européen

• Dans l’enseignement supérieur, la coopération et les principes de service
public doivent l’emporter sur la mise en concurrence des universités, le
pilotage par les sponsors privés, et la rupture du principe d’égalité entre les
étudiants et les diplômes.

• L’Union Européenne doit se doter d’outils démocratiques pour la définition des
grandes orientations d’une politique de recherche et d’innovation, non dans
l’esprit de la guerre économique et de la multipolarité, mais dans celui de la
coopération et du développement humain, solidaire et durable. Elle devrait en
particulier exiger la rédaction et la discussion d’un rapport annuel sur les
projets de recherche financés par la Commission. L’organisation d’Assises
européennes de la Recherche devrait aider à atteindre ces objectifs.

C. Une autre politique agricole commune

Les productions agricoles, la nourriture du monde ne doivent pas être dans les mains
de quelques grands groupes capitalistes. Au contraire des choix retenus jusqu’alors, il
faut remettre en cause la « vocation exportatrice » de l’Union, revenir à des prix
rémunérateurs, maîtriser les volumes de production et les modes de production, en
renonçant à la logique intensive qui provoque la surproduction et la dégradation de
l’environnement. Au total, la souveraineté alimentaire devrait primer sur le principe
général de la libre concurrence.

• Les primes devraient être orientées vers les petits et moyens producteurs qui
respectent le développement durable et la préservation de l’environnement.

• L’Europe devrait aller vers une autonomie en matière de production de
protéines alors qu’elle est déficitaire à 75 %.

• L’Europe doit être ferme dans le refus des semences génétiquement modifiées,
dont le développement n’est dû qu’à la volonté de mettre le reste du monde
sous la dépendance des grands groupes agroalimentaires américains. En
même temps, la porte ne sera pas fermée à la recherche sur les OGM sous
strict contrôle public.

• Aux critères d’attribution des aides, seront ajoutées des normes sociales liées
aux conditions de travail et à une bonne prise en compte de la sécurité
alimentaire..

***

Une Europe de démocratie élargie

Depuis plus de vingt ans, le néolibéralisme et les méthodes antidémocratiques font
bon ménage. Là encore, le moment est venu de rompre avec les vieilles logiques et
de répandre sur le vieux continent le souffle d’une démocratie renouvelée. L’extension
de la souveraineté populaire est la clé d’un élargissement démocratique.

I. Donner la parole aux citoyens

Le plus important est donc de mettre un terme à la méthode consistant à mettre les
citoyens et leurs représentants devant le fait accompli de décisions élaborées à
Bruxelles ou à Strasbourg, entre les mandataires des gouvernements, sans que nul
autre ait pu y participer d’aucune manière. Il convient donc de renforcer la
souveraineté populaire, de redonner à la politique sa fonction première, de donner à
la démocratie toute sa dimension sociale, d’explorer les voies d’une démocratie
participative et paritaire.

1. Les décisions majeures prises par l’Union européenne doivent être préparées par
des débats publics et médiatisés. Les garanties d’une information pluraliste sur les
choix possibles seront données.

2. L’élargissement de la citoyenneté passe par l’extension du droit de vote et
d’éligibilité. Il passe par le principe d’une citoyenneté de résidence, élargissant à tous
les résidents les droits des ressortissants de l’Union.

3. Le principe du référendum d’initiative populaire sera développé. La collecte d’un
nombre donné de signatures oblige les institutions européennes à examiner une
proposition, voire à ouvrir une négociation européenne (par exemple, pour redéfinir
une directive dont les citoyens auraient mesuré les effets, non prévus lors de son
adoption), ou même à organiser un référendum.

II. Élargir les procé dures de contrôle

1. Un forum citoyen institutionnalisé sera associé à l’élaboration des orientations et
des lois européennes, il contrôlera la mise en œuvre de ces lois et réalisera des bilans
d’étape.

2. Les droits du Conseil économique et social seront revalorisés : il pourra suspendre
l’application d’une directive pour en évaluer les conséquences en matière sociale et
environnementale ; il pourra proposer des projets alternatifs qui devront
obligatoirement être étudiés par la Commission, le Parlement européen et le Conseil.

3. Le rôle des parlements nationaux sera renforcé : un débat d’orientation doit être
organisé chaque année sur la politique européenne, ainsi que sur les mandats confiés
aux gouvernements et sur les positions qu’ils seraient amenés à prendre.

4. Tout cela s’ajoute bien sûr à la transformation majeure évoquée par ailleurs : la
révision profonde des missions et du statut de la Banque centrale européenne. Elle
sera assujettie aux instances politiques de l’Union, et aura comme objectif premier de
favoriser l’emploi, la formation, et le développement durable. La BCE et les banques
centrales nationales doivent rendre des comptes aux gouvernements et aux élus.

III. Des procédures qui respectent à la fois le droit des peuples
et l’intérêt général de l’Europe

A. Précis er les compétences , affirmer le principe de réversibilité

1. Sans opposer l’action des États et celle de l’Union, il est nécessaire de préciser,
d’une manière fonctionnelle, pragmatique et évolutive, les compétences de chaque
institution. Périodiquement, un bilan devra être dressé de la répartition en cours, pour
en tirer des conclusions collectives.

2. Le principe du vote à la « majorité qualifiée » doit s’étendre, pour accroître
l’efficacité des institutions communautaires. Cette extension doit comporter les gardefous
suivants :

• Certains domaines doivent faire totalement exception à la règle et continuer
d’être régis par la règle de l’unanimité, notamment la politique extérieure et de
sécurité commune.

• Dans les domaines régis par la règle de la majorité qualifiée où la pression
libérale risque d’être trop dangereuse, la règle de l’unanimité doit être
maintenue : par exemple, pour les négociations internationales en matière
d’éducation, de santé et de culture.

• Au contraire, la majorité qualifiée et non l’unanimité peut être requise pour
toute dérogation à la règle de libéralisation des mouvements de capitaux. De
la même manière, relèvent de la majorité qualifiée la fiscalité des entreprises,
la fraude fiscale, la fiscalité de l’environnement, la sécurité et la protection
sociales, la protection en cas de résiliation du contrat de travail, la
représentation et la défense collective des travailleurs, l’accès au marché du
travail des ressortissants de pays tiers, la mise en œuvre des accords entre
partenaires sociaux.

3. Le principe de réversibilité doit être respecté : toute décision de l’Union peut être
contestée par les États membres.
Lorsqu’un acte est adopté par l’Union, tout État, par son gouvernement ou son
Parlement, peut demander son retrait et sa renégociation auprès du Parlement
13
européen. La décision du Parlement européen a alors valeur obligatoire, sauf si une
majorité des Parlements des États membres en décide autrement, ou si un
référendum s’y oppose, à la demande de citoyens usant de leur droit de pétition.
Dans les négociations internationales, l’Union ne peut soutenir des propositions
tendant à rendre les accords commerciaux irréversibles.

B. Faire évoluer les institutions de l’ Union

Nous proposons qu’un débat approfondi soit mené, pour explorer les voies d’une
meilleure articulation des États et de l’Union.
Nous considérons qu’il faut aller a minima vers les évolutions suivantes :

1. Renforcer les pouvoirs du Parlement européen. Ce peut être le cas notamment en
élargissant le champ des domaines où il participe, avec le Conseil des ministres
européens, à l’élaboration des lois (directives) européennes. Le Parlement européen
doit également voir augmenter ses moyens de contrôle effectifs sur la Commission et
la Banque centrale européennes. Il doit pouvoir prendre l’initiative de lancer des
projets de lois européens - ce qui est aujourd’hui du seul ressort de la Commission.
Enfin, sa coopération avec les Parlements nationaux doit être développée.

2. Encadrer précisément les prérogatives de la Commission européenne. Organe
avant tout chargé de préparer puis de mettre en œuvre les orientations décidées par
le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement ou par le Conseil des
ministres européens, la Commission ne doit pas pouvoir aspirer par le haut des
responsabilités qui doivent, au contraire, être exercées par des élus du suffrage
universel, au plus près des citoyens. Dans le même esprit, il faut réduire ses pouvoirs
excessifs en matière de « politique de la concurrence » et de négociation
internationale. Un État peut ainsi demander qu’une décision de la Commission dans ce
domaine soit suspendue, jusqu’à ce qu’elle soit tranchée à la majorité qualifiée par le
Conseil en co-décision avec le Parlement.

3. Dépasser la conception traditionnelle de la « coopération intergouvernementale »
au sein du Conseil. Il ne s’agirait naturellement pas de remettre en cause le rôle des
États dans la construction européenne, mais d’en finir avec la conception d’une
instance complètement opaque et coupée des citoyens, sinon des parlementaires
européens eux-mêmes. Pour cela doit être favorisée sous toutes les formes
l’implication, en amont des décisions du Conseil, des acteurs sociaux, des citoyens et
des élus.

4. Le traité constitutionnel doit pouvoir réellement être révisé : pour cela, la majorité
qualifiée doit suffire pour procéder à une révision. Un référendum doit obligatoirement
ratifier toute modification substantielle du ou des traités.

***

Une Europe de paix et de coopération

1. Une Europe élargie et fraternelle

C’est certainement le pari le plus important pour l’Union européenne en 2004.
L’Europe a pris la question de l’élargissement à l’envers : une intégration capitaliste
accentue la concurrence entre les peuples et favorise la montée du populisme et de la
xénophobie en Europe. En s’élargissant, l’Union européenne doit changer elle-même.

• Une aide de long terme attribuée par l’Union doit s’accompagner du recul des
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logiques libérales qui déchirent les sociétés de l’Europe orientale. Les critères
de Maastricht y montrent en effet leur extrême nocivité.

• Pour réussir l’adhésion, associer plus les citoyens et les citoyennes au débat et
à la décision. Ouvrir des lieux de concertation et d’intervention de la société
civile et des organisations syndicales en amont de l’adhésion.

• Renforcer le partenariat de l’Union avec la CEI et les pays du pourtour
méditerranéen, en particulier du Maghreb.

II. Une politique européenne au service de la paix

La politique hégémonique et belliciste américaine plaide pour que l’Europe parle d’une
voix forte face à la politique des États-Unis. Elle doit agir pour faire reculer la tendance
dangereuse à faire de la guerre « préventive » le stade ultime de la globalisation
capitaliste. Si des actions communes de l’Europe en matière de défense ou de lutte
contre le terrorisme peuvent exister, elles ne doivent se faire que dans le cadre d’une
mission confiée par l’ONU. Les récents conflits plaident en fait pour une reprise de la
politique de désarmement.
Cela suppose de :

• S’opposer à toute privatisation des entreprises de défense nationale.

• Considérer que les questions de défense restent soumises à la règle de
l’unanimité des États membres et que toute action à dimension militaire - par
exemple des missions de maintien de la paix - doit se faire sous mandat de
l’ONU. Elle ne doit être que l’ultime recours et dans le seul but de protection
des populations.

• Envisager que l’Europe soit à l’initiative d’une conférence mondiale de
désarmement, en lien avec l’ONU et l’OSCE.

• Affirmer une politique d’indépendance envers les États-Unis, qui respecte les
souverainetés, qui défend activement la paix et le désarmement dans le
monde, les solutions politiques aux conflits, la valorisation du rôle de l’ONU et
le droit international. Cette politique devra refuser toute militarisation de
l’Union Européenne.

• En tout état de cause, l’OTAN n’est pas une institution européenne ; toute
référence à cette institution doit disparaître du futur traité constitutionnel. Un
nouveau système de sécurité, fondé sur les coopérations en Europe, serait mis
en place et pourrait s’appuyer sur une OSCE rénovée, liée à l’ONU, dépassant
l’OTAN en relation avec nos partenaires de la Méditerranée.

• Agir pour la fin de l’occupation de l’Irak et le retrait des troupes d’occupation,
afin de rendre toute sa souveraineté au peuple irakien.

• Prendre toutes les initiatives utiles pour le soutien aux plans de paix israélopalestinienne
et pour la création d’un État palestinien viable et indépendant,
dans le cadre d’une sécurité partagée avec Israël et l’ensemble des États de la
région.

• Lutter contre la course aux armements, la prolifération et l’existence des
armes de destruction massive (nucléaires, biologiques et chimiques), par la
relance des négociations sur le désarmement et une application stricte du
traité de non-prolifération, y compris pour les puissances nucléaires existantes.

• Lutter contre la militarisation de l’espace et pour faire des mers des espaces
libres de toute arme nucléaire.

III. L’Europe doit aussi regarder vers le Sud.

Il y a une énorme attente des pays du Sud à l’égard de l’Union européenne. Or, en
pratique, l’Union européenne est en passe d’abandonner toute politique de
développement. Dans le même temps, l’harmonisation des politiques migratoires à
l’échelle de l’Europe procède essentiellement d’une démarche négative qui cherche à
généraliser les législations les plus répressives. Les nouvelles formes de migrations
que veulent imposer les pays développés ne sont que le reflet d’un monde divisé,
inégal, dominé par la précarité des emplois et par le recul de l’action publique.
Nous proposons donc :

• Que l’Europe annule les dettes des pays pauvres.

• Qu’elle rompe avec le dogme du libre échange pour construire enfin des
relations de coopération et de réciprocité avec les pays du Sud, afin que ceuxci
puissent eux-mêmes élaborer les solutions à leurs problèmes, sans devoir
passer sous les fourches caudines du FMI ou de la Banque Mondiale.

• Qu’elle consacre 0,7 % de son PIB à l’aide au développement.

• Qu’elle pèse dans les négociations internationales de l’OMC pour défendre les
intérêts des pays du Sud en matière d’accès à la santé et à l’éducation, etc.,
face aux diktats libéraux. Le chantage « lutte contre le Sida contre OGM » est
inadmissible.

• Que soit augmenté et démocratisé le Fonds européen pour le développement.
Les mesures d’aide au développement doivent être dégagés de toute logique
de domination.

• Que l’Europe fasse enfin un travail de mémoire sur sa responsabilité dans le
colonialisme et dans la déportation des Africaines et des Africains.

IV. L’Europe doit agir pour une refonte du système des institutions internationales

Contre l’hégémonisme et l’unilatéralisme, il importe que l’Union européenne use de
tout son poids pour une réforme démocratique du système international : la
revalorisation nécessaire de l’ONU passe en effet par sa démocratisation radicale.

• Promouvoir la réforme des Nations Unies, pour en faire plus encore un espace
essentiel pour la coopération internationale.

• Rompre avec le poids exorbitant des cinq membres permanents ; renforcer le
rôle de l’Assemblée générale ; élargir les capacités directes d’intervention des
peuples.

• Renforcer le rôle et les moyens des organisations chargées des questions du
développement humain.

• Soutenir les luttes populaires contre les politiques des institutions financières
et commerciales existantes (Organisation mondiale du commerce, Fonds
monétaire international, Banque mondiale). S’engager à les réformer
radicalement, à réorienter leurs missions et à les mettre sous le contrôle
effectif de l’ONU.