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G20 : Ne rien à attendre d’eux…

Publie le vendredi 14 novembre 2008 par Open-Publishing

Article paru dans Rouge n° 2274, 13/11/2008.

Le 15 novembre, à Washington, doit se réunir le sommet du G20, les vingt pays économiquement les plus importants du monde : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, l’Union européenne et les principaux pays dits « émergents » (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie).

Cette réunion se tient dans un climat de dégradation rapide de l’économie mondiale. Les nouvelles prévisions du FMI, publiées le 6 novembre dernier, annoncent pour 2009 un recul de la production dans les pays industrialisés (- 0,3 %), et notamment en France (- 0,5 %, soit une situation bien plus détériorée que ne le reconnaît le gouvernement).

Le 20 octobre dernier, sur la base de prévisions antérieures et moins réalistes, le directeur général du Bureau international du travail (BIT), Juan Somavia, a déclaré que le nombre de chômeurs dans le monde pourrait passer de 190 millions en 2007 à 210 millions fin 2009, et que le nombre de travailleurs pauvres vivant avec moins d’un dollar par jour pourrait augmenter de 40 millions – et celui des personnes disposant de deux dollars par jour de 100 millions. « La crise ne sévit pas seulement à Wall Street, mais partout dans le monde. Nous avons besoin d’un plan de sauvetage économique pour les familles laborieuses et l’économie réelle, avec des règles et des politiques qui fournissent des emplois décents », a aussi affirmé M. Somavia, qui a affirmé espérer que le sommet du G20 prendrait en charge ces problèmes. Nous avons peu confiance dans le BIT, mais de telles déclarations montrent le décalage entre le G20 et les problèmes réels.

Comme le déclarent les organisations qui appellent à des mobilisations partout dans le monde, auxquelles nous nous associons : « La réaction rapide des gouvernements des pays les plus riches pour sauver les banques et institutions financières contraste douloureusement avec leur absence de réaction efficace face à la crise permanente que représentent la pauvreté et la précarisation qui affectent la plus grande partie de la population mondiale depuis longtemps. Le cercle restreint des chefs de gouvernement qui vont se réunir n’a comme objectif que la stabilisation du système. »

Le fait que Bush et Sarkozy aient lancé un sommet du G20, et non du G7 (les seuls grands pays impérialistes), témoigne néanmoins de la nouvelle architecture de l’économie capitaliste : il n’est plus possible de prétendre régenter l’économie mondiale indépendamment des pays dits « émergents ». D’abord de la Chine, dont les États-Unis ont besoin qu’elle continue à acheter leurs bons du Trésor pour financer leur déficit. Ensuite, des grands pays pétroliers : il s’agit d’éviter un front des producteurs de pétrole pour lutter contre une poursuite de la baisse actuelle du prix de cette énergie. L’Union européenne pousse d’ailleurs à cette évolution, afin d’utiliser ces pays comme force d’appoint face aux États-Unis.

Les déclarations se multiplient donc sur la mise en place d’un nouveau système mondial « plus démocratique ». Mais le gouvernement américain, même en difficulté, n’a pas du tout envie de discuter réellement de sa politique financière, des règles à mettre en place avec d’autres pays dans un cadre qui serait supervisé par un FMI rénové, comme le rêve Strauss-Kahn. Les dirigeants américains considèrent que le FMI, les politiques d’austérité imposées aux pays endettés, « c’est bon pour le tiers monde ». Au fond, même si tactiquement ils ne le disent pas, les dirigeants européens pensent la même chose.

Au-delà, en quoi la participation de gouvernements et de bourgeoisies de pays « émergents » qui oppriment leurs peuples entraînerait-t-elle la naissance d’un système financier plus démocratique au sens véritable du terme, c’est-à-dire tourné vers la satisfaction des besoins de la masse de la population ? Les réformes à faire sont claires : il s’agit de subordonner le système financier aux besoins de l’économie réelle. Pour cela, il faut rétablir, par État ou si possible par grandes régions (Europe, Amérique latine…), un contrôle des mouvements de capitaux, ce qui implique d’en finir avec le secret bancaire ; nationaliser les banques sans indemnité ni rachat, avec garantie des petits et moyens dépôts bancaires ; obliger les banques centrales à orienter leur action dans le sens d’un soutien de l’activité, ce qui veut dire, en Europe, en finir avec l’indépendance de la Banque centrale européenne.

En elles-mêmes, les réformes de la finance, même radicales, ne régleront pas la crise : l’urgence est de soutenir les revenus des populations victimes de celle-ci, d’interdire les licenciements et de jeter les bases d’une nouvelle croissance socialement juste et écologiquement soutenable. Pour réaliser cela, il n’est pas de « sauveur suprême » : ni Sarkozy, ni Strauss-Kahn, ni Bush, ni Obama. Au-delà de leurs divergences, qui vont interdire tout nouveau Bretton-Woods, malgré le flot des annonces, ils sont unis sur l’essentiel : reporter le coût de la crise sur les salariés et les pauvres du monde.