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L’OMC et l’AGCS arrivent à leur fin

Publie le lundi 14 juin 2004 par Open-Publishing

par Martine Antoine, membre du Conseil national du PCF et de sa commission santé-protection sociale.

Point de vue. La directive Bolkestein complète le dispositif du projet de loi sur l’assurance maladie, en ouvrant au marché le secteur de la santé.

Les articles 31 et 35 du projet de loi sur l’assurance maladie résument à eux seuls l’extrême dangerosité et les objectifs inavoués de la réforme : casser le système solidaire pour organiser un système de santé marchande. Avec l’article 31, les " entreprises qui relèvent du code de l’assurance " sont présentes au même titre et avec les mêmes droits que les mutuelles dans la gestion du système. Liées aux institutions financières et bancaires, on voit bien quels peuvent être les objectifs des assurances ! L’" union nationale " dans laquelle elles se retrouveront avec les mutuelles, émettra un avis sur les décisions des caisses d’assurance maladie relatives au taux de remboursement et à la liste des actes et prestations remboursables.

Autrement dit, ce sont bien elles qui vont décider demain de ce qu’il y aura ou pas dans le fameux périmètre (ou panier) de soins remboursables. Complètement pervers pour les mutuelles qui ne pourront résister à la déferlante du marché assurantiel qu’en augmentant leurs cotisations et en se mettant dans les sabots des règles concurrentielles. De là à faire évoluer le code de la mutualité pour lever " l’obstacle " à la libre concurrence que représente pour les mutuelles l’obligation de non-sélection des adhérents et des risques, il n’y a qu’un pas.

L’article 35 enfonce le clou : il est créé un " institut des données de santé ". Pourtant, des données il y en a : observatoires régionaux de la santé, INSERM, CNRS, CREDES. La question est de savoir comment, par qui et pour quoi elles sont exploitées. Ouvrir aux assurances l’accès aux données de l’assurance maladie et aux données de santé, même " anonymisées ", leur permettra d’établir la carte des risques géographiques ou professionnels, des risques liés à l’âge, au sexe. On sait que la population du Nord-Pas-de-Calais, surtout masculine et ouvrière, a plus de risques d’être malade que la population du 16e arrondissement !

On sait qu’un ouvrier agricole cumule plusieurs risques, souvent liés à l’environnement professionnel, comme les pesticides. Que vont faire les assureurs de toutes ces données ? Mettre en place des politiques préventives, investir pour agir sur le risque, obliger les employeurs à sécuriser l’environnement professionnel, l’État à imposer des législations qui limitent les risques de pollution ? Allons donc ! Ils en ont besoin pour sélectionner les patients, pour pratiquer des " offres " selon les risques estimés, pour refuser ceux qui ne garantiront pas une rentabilité suffisante pour les actionnaires.

C’est la même logique qu’Hôpital 2007 : la concurrence comme règle de fonctionnement. Pour être " compétitif ", il faut dépenser moins d’argent. Et mieux vaut avoir des malades pas trop malades, pas trop vieux, pas trop handicapés, pas trop pauvres. Ce que Douste-Blazy avait tu jusque-là apparaît enfin : c’est la loi du plus fort. Changement d’histoire, le système n’aura plus rien à voir avec la responsabilité partagée du collectif qui permet à l’individu d’affronter les risques de la vie. Chacun devra assumer par lui-même et pour lui-même la " gestion de ses propres risques " et décider du niveau de " protection " pour lequel il s’assurera (ou pourra s’assurer). Si je vais skier, je prends le risque de me casser une jambe (c’est l’exemple pris par Raffarin) je m’assure contre ce risque, après tout, on n’est pas obligé d’aller skier...

Les mesures pour " renflouer le trou ", aussi insupportables soient-elles, ne sont que la petite face visible d’un iceberg qui est aujourd’hui prêt à émerger complètement en cassant tout ce qui reste sur son passage.La directive européenne Bolkestein complète parfaitement le dispositif, le marché des Vingt-cinq serait complètement ouvert à toutes les entreprises de service, y compris de la santé. Les " prestataires de soins " ne seront pas tenus de respecter le système de Sécurité sociale du pays. Mieux, les derniers " obstacles " auxquels ils se heurtent, comme " les interdictions totales de communications commerciales ", seront levés.

Il y a urgence. Demain, quand l’acte de naissance de la santé marchandise sera officialisé, il ne sera plus temps de se contenter de parler généreusement de solidarité. Aujourd’hui, il faut des actes politiques forts, transparents, devant l’ensemble des citoyens. Les communistes ont pris les devants. Mais il faut aller encore plus loin pour que les citoyens s’en emparent et se dressent contre cette réforme-là, contre le projet de constitution européenne, contre la directive Bolkestein.

Il faut que tous les partis de gauche disent leurs intentions vraiment et clairement et ne se contentent pas d’affirmer que le projet Douste-Blazy est mauvais. Il faut que le débat parlementaire se fasse sur la place publique !

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-06-14/2004-06-14-395421