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Intervention de Pierric Annoot, Secrétaire Général du MJCF au 34eme congrès du PCF

Publie le lundi 22 décembre 2008 par Open-Publishing
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Chers camarades,

Plutôt qu’un long discours, je préfère vous proposer en cette fin d’après midi de nous projeter quelques instants dans la vie d’un jeune au XXI ème siècle.. L’histoire type d’un jeune parmi les jeunes ici en France sous le règne de cette droite abominable menée à la baguette par Sarkozy.

Ce jeune, appelons le Thomas. Nous sommes en septembre 2010 et il entre en terminale. Première surprise à la rentrée, ils sont 38 dans sa classe. Ils étaient déjà 32 l’an passée. Certaines matières comme la philo ont disparu. Lui voulait être en science éco. Impossible, ça n ’existe plus dans son lycée. En 2009 la réforme Darcos était passée par là. Pourtant cette année là il s’était mobilisé comme des milliers de lycéens contre la casse de l’éducation. Ça lui avait valu une nuit de garde à vue et d’humiliation au commissariat. Il est d’ailleurs depuis répertorié comme un jeune susceptible de porter atteinte à l’ordre public à cause de son blog internet où il relayait les infos sur les mobilisations. Avec la veille internet mise en place par Darcos, c’est maintenant considéré comme un délit.

L’année suivante, il entre à la fac, une de ces facs privatisées par la LRU. Là non plus il n’a pas trouvé la filière de son choix. Celle qu’il voulait faire exigeait qu’il aille étudier dans une autre ville. Impossible, les critères d’obtention des bourses s’étaient encore durcis et ses parents n’ont pas les moyens de l’aider, ils luttent déjà pour boucler les fins de mois. Pourtant ses parents travaillent chacun un dimanche sur deux depuis que c’est devenu la norme. La c’était pas Darcos, c’était Xavier Bertrand.

Le père de Thomas lui il travaille chez Renault et à la fin du mois, il sera de nouveau au chômage technique. L’entreprise a pourtant fait 3 milliards d’euros de bénéfice en 2010, mais il n’a pas vu la couleur d’un centime. Il est déjà soulagé de ne pas avoir été licencié suite à la crise financière. Déjà qu’il va devoir travailler jusqu’à 70 ans. Ça c’était Fillon. D’ailleurs il flip pour sa caisse de retraites privée, vu que celle de son père a été absorbée par les fonds de pension dans la crise de 2009 suite à la fin du système par répartition.

À la fac, Thomas est surpris que son premier cours de socio soit fait par un chef d’entreprise sur les techniques de management. Pour sa deuxième année, il décide tout de même de chercher un logement pour commencer à être autonome. Finalement, quoi de plus normal à 20 ans. Du coup, il trouve un boulot à mi temps payé au smic chez mac do. C’est un peu galère a concilier avec ses études mais il s’en sort. Pour le logement, il s’accommode de son 13 m2. Il a fait une demande de logement social, mais les dossiers s’entassent toujours plus depuis la réforme Boutin.

Après ses études, il enchaine les stages bidons, les contrats précaires et les boites d’ intérim. Il est contraint d’accepter à peu près tous les jobs vu que son frère au chômage a lui été radié des listes ANPE. Il a du refuser trois CDD sous payés pour ne pas être obligé de partir loin de chez lui, de sa femme et de ses enfants. Son fils a d’ailleurs été détecté à 3 ans comme délinquant potentiel. Horrible crime et danger pour la société, il avait mangé le gouter de son voisin de maternelle ! Dans la famille de Thomas, ils ont maintenant l’habitude, son petit frère de 12 ans risque la prison depuis qu’un soir il est resté un peu trop tard avec ses potes à zoner dans sa cage d’escalier. Là c’était Rachida Dati qui était passé par là.

Thomas lui il sort aussi de temps en temps avec des potes. Notamment avec Bakari avec qui il a fait ses études mais qui n’a toujours pas de papier. Mais c’est assez stressant d’aller en ville avec Bakari, ils sont toujours à l’affut des flics, la peur au ventre du contrôle d’identité. De toute façon les sorties pour Thomas c’est vite réglé. Avec un peu plus de 900 euros par mois et 600 euros de loyer, c’est chaud. Parce qu’entre temps Thomas s’est embourgeoisé, il a quitté son 13m2 pour un 25m2. Il a toujours eu le goût du luxe ce Thomas ! Des fois il regarde les infos, ce soir là il voit en passant que les entreprises du cac 40 ont fait 180 milliards d’euros de bénéf en 2011. Il trouve ça étrange vu qu’au JT ils disent que la crise est toujours là et que le gouvernement va de nouveau injecter 60 milliards pour soutenir les banques en difficultés. D’ailleurs, depuis, son père, son boulot chez Renault, il l’a perdu.

Pour finir, Thomas attrape une sale grippe. Mais il préfère ne pas voir le médecin. Depuis le coup de grâce porté à la sécu, se soigner c’est trop cher. Ça c’était Bachelot. Et puis si il pointe pas, ses missions d’intérim, il peut les oublier. Il suit à la lettre le nouveau mot d’ordre de Sarkozy : Se soigner moins pour gagner plus ! Parce que travailler plus pour gagner plus, ça ne passait plus vu que le dimanche était devenu un jour de travail comme un autre et que la semaine était passée à 45heures !

Des histoires comme celle là on pourrait en raconter des tas d’autres plus ou moins sordides. Ces histoires, les patrons de l’UMP en rêvent la nuit. Ils rêvent d’une armée de jeunes précaires, de la bonne chair à patrons. Ces histoires, pour de nombreux jeunes, c’est pas du rêve, c’est la vie de tous les jours, c’est du cauchemar. Seulement, des milliers de jeunes en ce moment même ont envie d’écrire une autre histoire.

À l’heure où je vous parle, de nombreux jeunes communistes participent à un rassemblement unitaire devant l’ambassade de Grèce à Paris. Ils y participent pour exprimer leur soutien et leur solidarité aux jeunes et à la population grecque, pour dénoncer la politique répressive et anti-sociale du gouvernement Caramanlis.

Depuis bientôt une semaine, de nombreuses manifestations radicales ont lieu suite à la mort d’un adolescent de 15 ans abattu par un policier. La mort de cet adolescent a déclenchée une explosion de colère dans toute la Grèce. La vie politique grecque connait depuis de nombreuses années des soubresauts face aux réformes libérales mises en place par les différents gouvernements conservateurs : éducation, services publics, droit au travail, tout y passe.

Depuis des semaines la jeunesse grecque est particulièrement mobilisée face à la privatisation des universités, au manque de moyen pour l’éducation et un avenir fait de précarité généralisée. Les sources du malaise qui frappe la société grecque sont aussi présentes dans les autres pays européens : précarité accrue, notamment chez les plus jeunes, taux de chômage élevé, difficultés grandissantes à s’insérer sur le marché de l’emploi... et sont amplifiées par la crise économique et sociale qui touche l’Europe.

C’est ce contexte qui donne également lieu de puis plusieurs semaines à des mobilisations d’une ampleur exceptionnelle en Allemagne et en Italie contre entre autre la casse des systèmes d’éducations. En France aussi les enseignants, les parents d élèves, les étudiants et les lycéens sont mobilisés contre l’attaque généralisée de la maternelle à l’université.

Et de Paris à Athènes, les mêmes causes : un système injuste qui crée de la misère, des inégalités et de l’exploitation et la réponse du gouvernement est la même : la répression.

C’est ainsi qu’un jeune communiste du Pas de Calais, s’est par exemple fait convoquer par les RG et menacer de sanctions, pour le simple fait d’être à l’initiative de la création d’un syndicat dans son lycée.

Lors du dernier congrès du PCF en 2006, l’adresse des jeunes communistes prenait une résonance particulière. En effet nous étions en pleine lutte contre le CPE. Cette fois ci encore les jeunes font l’actualité par leurs capacités à se mobiliser.

Si partout les jeunes se mobilisent, c’est que partout ils sont les premières victimes des ravages du capitalisme.

Notre génération est en effet la première à voir le futur comme une régression. Nous nous apprêtons, fait unique dans l’histoire, à vivre moins bien que nos parents.

La jeunesse constitue aujourd’hui le laboratoire du capitalisme libéral. Être jeunes aujourd’hui signifie parfois l’échec scolaire, souvent le chômage, presque toujours la précarité. La majorité des jeunes entre sur le marché du travail avec un contrat précaire, 22 % d’entre eux sont au chômage, et jusqu’à 40% dans certains quartiers. C’est le double de l’ensemble de la population. Les jeunes sont aussi les premières victimes de la crise. Constituant les plus forts bataillons d’intérimaires, ce sont ces mêmes statuts précaires qui servent actuellement de variable d ajustement.

A cette situation d’emploi précaire s’ajoute la difficulté extrême de trouver un logement, la difficulté d’accès aux soins, aux transports, aux loisirs, a une éducation de qualité...bref, ce qui aujourd’hui devrait être une des plus belles époques de la vie s’apparente plutôt à la galère quotidienne, des années à se battre aux portes de la société sans jamais parvenir à y entrer.

Les jeunes ont donc une place particulière dans la société aujourd’hui : ils constituent à la fois pour la droite un potentiel de destructions et de régressions de la société, mais il constituent aussi un fort potentiel de révolte et de transformation.

Face aux attaques de la droite, à de telles situations de précarité et de désespérances les communistes doivent être à la hauteur des exigences. Il s’agit de rompre avec les recettes libérales ou sociales libérales qui montrent leur inefficacité. Réinventer la société, le marché du travail, son rôle, ses buts et ses pouvoirs voila des ambitions qui doivent me semble t-il nous animer. C’est pourquoi à la JC nous proposons des mesures concrètes pour donner la chance aux jeunes de s’émanciper des contraintes sociales du capitalisme : des allocations permettant de sécuriser les parcours, de nouveaux droits pour construire sa vie dignement et permettre le développement des capacités de chacun. Nous voulons construire une société fondée sur les besoins humains et non sur la maximisation du taux de profit. C’est pour cela que nous nous battons pour de nouveaux droits pour les jeunes afin de répondre à ces mêmes besoins. Cette campagne des jeunes communistes est aussi une démarche structurante. Elle vise à construire du communisme en construisant des luttes à tous les niveaux pour faire des jeunes de véritables acteurs de la construction de l’alternative, tout en gagnant des victoires concrètes à l’échelle du quartier, du lycée, de la fac, de la ville pour faire la démonstration de l’utilité de l’action collective.

Les jeunes font de la politique mais rejettent celle qui sclérose, divise. On sent un regain d’idéal dans la jeunesse d’aujourd’hui en même tant que la progression du fatalisme.
C’est a créer du sens, du commun, à tenter de dessiner l’avenir et à participer a le construire vers l’émancipation que travaillent pour leur part, tous les jours les jeunes communistes. Depuis 6 ans et l’arrivée de la droite au pouvoir, nous avons été de toutes les luttes en France, en Europe et dans le monde. Nous avons été un outil de résistance à disposition des jeunes qui ne veulent pas s’en laisser compter. La guerre en Irak, le mouvement Fillon, la constitution, la LRU ont été des temps très fort de notre militantisme.
Mais la JC a pour ambition d’allier en permanence la résistance nécessaire à la construction d’alternatives du local au mondial. Faire de la politique, s’organiser avec les jeunes, est un défi quotidien dans une société qui oppresse, divise, tente d’insinuer le fatalisme dans les consciences. Rassembler des jeunes qui subissent la précarité, construire du commun, aller à la rencontre d’autres jeunes, agir avec eux, n’a rien d’évident. Pour cela les jeunes et étudiants communistes ont fait le choix depuis 2 congrès de s’organiser au plus près de la vie des jeunes.

Pour permettre à un maximum d’entre eux de faire de la politique, pour être un outil permettant d’impulser des mouvements victorieux, pour permettre de s’organiser : nous avons fait le choix de réinvestir les entreprises, et les quartiers populaires.

C’est à cette échelle de proximité que nous voulons reconstituer un lien social qui peut mener à la prise de conscience des dominations, des possibilités de transformation et donc à la lutte. Nous avons la conviction que pour être toujours plus nombreux notre organisation doit favoriser l’expression de toutes les voix qui la composent en adaptant nos pratiques démocratiques à tous les jeunes qui nous rejoignent. La démocratie, l’efficacité, c’est créer du commun, c’est faire en sorte que chacun ait sa place dans notre Mouvement, que personne ne reste à l’écart. C’est faire en sorte de réfléchir nos schémas d’organisations pour que ce soit à l’organisation de s’adapter à l’individu et non l’inverse. Pour faire évoluer ensemble dans un même mouvement, notre organisation et les jeunes qui la composent.

Le communisme est toujours une idée neuve, mais force est de constater que nous avons du mal à incarner l’avenir. Le PCF et le MJCF doivent donc tourner leurs efforts vers une génération qui demande la parole et cherche des perspectives. La place des jeunes dans nos organisations est décisive.

La force du MJCF est de regrouper les jeunes qui s’organisent eux mêmes selon leurs propres modes. Et la force du PCF est de pouvoir mêler les générations, de les faire agir ensemble et de faire converger leurs intérêts. C’est donc bien d’un travail complémentaire dont nous avons besoin. Un travail complémentaire qui doit faire vivre un projet s’ancrant dans le quotidien des jeunes tout en donnant à voir un projet alternatif global. C’est le sens de notre campagne pour de nouveaux droits.

C’est parce que nous savons possible un monde fraternel débarrassé de la violence et de l’exploitation, que nous osons imaginer une société où l’épanouissement de chacun sera l’objectif de tous. Notre rêve est en lien avec notre vie, il a la tête dans l’avenir et les deux pieds dans la réalité. L’avenir c’est l’énorme réservoir d’intelligence, de créativité du peuple libéré pour faire avancer la société toute entière. En somme, l’avenir que nous rêvons est la réalisation des potentialités les plus neuves de notre présent. Et le communisme est le combat pied à pied contre tout ce qui fait obstacle à cette réalisation. J’ai envie d’avoir confiance dans nos capacités collectives à construire ensemble le communisme du 21e siècle, à nous de donner corps à cet idéal par des gestes mutuels de confiance, d’entraide et de construction.

C’est indispensable. Car en 2009 Thomas a fait un rêve. Celui de trouver face à Sarkozy une force politique qui puisse enfin changer sa vie.

Je vous remercie.

http://moissacaucoeur.elunet.fr/ et/ou http://democrite.over-blog.org/

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