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Contre les faims de mois difficiles

Publie le dimanche 22 février 2009 par Open-Publishing
1 commentaire

Une gêne
De Bernard Delattre
correspondant de "La Libre belgique" à Paris

C’est la dernière mode activiste. Cette semaine, elle a frappé notre onzième arrondissement parisien, et plus particulièrement le quartier Ménilmontant. C’était mardi midi, dans un supermarché ‘Casino’. C’était ce qu’on appelle un « pique-nique sauvage et festif de faim de mois », une « opération ventres vides » ou une « autoréquisition ». Pour dénoncer « la vie chère », les raids de ce type sont devenus l’arme favorite des collectifs de précaires, d’associations de lutte contre le chômage ou le mal-logement, et de groupuscules (comme “L’appel et la pioche”) gravitant dans la mouvance du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Avant de poursuivre plus bas la lecture de cette note, si d’aventure vous n’aviez jamais entendu parler de ce genre d’action, voyez à quoi cela ressemble dans cette petite vidéo.

Donc, au ‘Casino’ de Ménilmuche mardi, une banderole sur laquelle on pouvait lire « Nous ne paierons pas votre crise » a été déployée alors que les activistes dégustaient biscuits, apéritifs ou autres jus de fruits. Le 31 décembre déjà, le ‘Monoprix’ de la rue Faubourg St-Antoine, dans le quartier Bastille, avait été le théâtre d’une opération similaire. Revendiquant le droit de « fêter le Nouvel An dignement », une cinquantaine de précaires, de chômeurs et d’intermittents du spectacle avaient « réquisitionné » une dizaine de chariots, les avait remplis de victuailles puis avaient quitté le magasin sans payer.

Ce qui n’est pas le moins intéressant, dans cette affaire, c’est la réaction des directions des grands magasins victimes de ces opérations. Le plus souvent, elles se bornent à dénoncer, comme Monop’ le 31 décembre, « un pillage inacceptable et regrettable ». Mais elles prennent bien garde d’expulser manu militari les trublions, se contentant d’attendre patiemment qu’ils s’en aillent. Hier, le groupe ‘Casino’ a même pris soin de préciser à l’AFP que, contrairement à ce qu’affirmaient les collectifs, elle n’avait jamais déposé plainte en justice après de telles opérations commando.

Pourquoi une telle modération ? Les grands groupes de distribution éprouvent une gêne à sévir contre ces pique-niqueurs. Gêne médiatique, d’abord : ces raids sont souvent couverts par les médias, les protestatataires recourant à la grande tradition activiste consistant à se servir des journalistes comme de boucliers. Car, c’est clair : des vigiles de ‘Monop’ ou de ‘Casino’ montrés à la télé en train de tabasser des précaires mangeant des chips à l’oeil, ce serait assurément désastreux pour l’image de marque de ces enseignes. Gêne de ces magasins à l’égard de leur propre clientèle, ensuite. Les vidéos de ces actions le montrent : dans la majorité des cas, les clients des supermarchés, lorsqu’ils sont témoins de ces raids, y réagissent plutôt favorablement, partageant cette dénonciation de la vie chère. Voire en profitent pour eux aussi consommer gratuitement. Du coup, difficile pour les directions des supermarchés de s’en prendre à leurs propres clients, sous peine de les perdre ensuite définitivement.

Le problème c’est que, en adoptant cette attitude conciliante à l’égard de ces raids, les grands magasins prennent le risque de donner l’impression au grand public d’être gênés avant tout par une chose : leur propres pratiques commerciales. Et donc paraissent cautionner implicitement le discours protestataire selon lequel ils profitent de la crise pour se sucrer sur le dos de la population, en pratiquant des niveaux de prix prohibitifs – ou en tout cas très peu solidaires.

Chez ‘Casino’, ‘Monoprix’ ou ‘Leader Price’ en ce moment, nul doute que les réunions de crise doivent se succéder. Et les grands communicants se torturer les méninges pour trouver la meilleure parade à cette forme très en vogue d’activisme.

 http://parislibre.lalibreblogs.be/

Messages

  • Le pique-nique du 18 février était dans le 20e arrondissement, où se trouvent deux magasins Casino, en l’occurrence à celui de la rue de Ménilmontant.

    Comme indiqué ici le jour même, cela n’avait aucun rapport avec une autoréquisition (ou autoréduction), ni avec un "rituel".

    Le traditionnel pique-nique de l’Appel et la pioche est toujours organisé un samedi, et généralement le dernier du mois (soit a priori demain).

    Là, il s’agissait comme je l’avais indiqué, de venir en soutien aux camarades soutenus par le même groupe.

    Quatre jours après, ce n’est pas très difficile de demander au confrère local ! Que vont-ils croire, les lecteurs de La Libre Belgique ?