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La tombe d’Albert Camus menacée par les profanateurs

Publie le samedi 21 novembre 2009 par Open-Publishing
5 commentaires

de Paco

Selon Nicolas Sarkozy, « Faire entrer Albert Camus au Panthéon, ce serait un symbole extraordinaire. » Mais qu’irait donc faire Camus le libertaire dans l’obscure crypte d’une ancienne église ? Camus reviens, ils sont devenus fous !

Il y a des manipulations politiciennes, des tripatouillages macabres, des détournements de valeurs qui font particulièrement gerber. L’attaque du président de la République contre les restes d’Albert Camus atteint des sommets dans l’obscénité. Les mots nous manqueraient presque devant l’abîme insondable creusé par la vulgarité de ceux qui nous gouvernent. Face à cette monstruosité décomplexée, à cette médiocrité rampante, rappelons quelques vérités qui devraient stopper net toutes les manœuvres en cours.

En 2008, avec le concours notamment de la librairie du Monde libertaire et du Centre international de recherche sur l’anarchisme, la bibliothèque municipale de Lourmarin, village où est enterré Albert Camus, présentait une exposition intitulée Le don de la liberté : Albert Camus et les libertaires. Une initiative qui fut suivie par un colloque sur le même thème. Dans le même temps, les éditions Egrégores ont publié Albert Camus et les libertaires (1948-1960), livre où sont rassemblés et commentés de nombreux textes de et sur Camus qui ne laissent planer aucun doute sur l’engagement du Prix Nobel de littérature 1957 aux côtés des anarchistes.

C’est en rencontrant Rirette Maîtrejean (1887-1968), co-éditrice du journal L’Anarchie avec Victor Kibaltchich (alias Victor Serge), qu’Albert Camus fut initié à la pensée libertaire. Rirette était correctrice à Paris Soir. Albert y était rédacteur et secrétaire de rédaction. Au marbre comme pendant les mois d’exode, en 1940, avec Rirette et les typos, correcteurs et imprimeurs (souvent anarcho-syndicalistes), Camus eut le temps de découvrir les traditions libertaires en France. Peu à peu, Camus, le « camarade absolument parfait », fit la connaissance des anarchistes responsables de diverses publications françaises (Le Monde libertaire, Défense de l’Homme, Liberté, Le Libertaire, Témoins…) ou étrangères (Volonta, Solidaridad Obrera, Arbetaren, Die freie Gesellschaft, Reconstruir, Babel…). Camus collabora régulièrement à certains de ces journaux et rencontra ses animateurs. Il profita même de son séjour à Stockholm, lors de la remise de son prix Nobel en 1957, pour se faire interviewer par Arbetaren et visiter les locaux de la Sveriges Arbetaren Centralorganisation (SAC), l’organisation anarcho-syndicaliste suédoise.

Dans les années 1930, le « Pied-noir » Albert Camus semblait avoir déjà des prédispositions pour les analyses libertaires. Il s’était fait viré du parti communiste, en 1937, parce qu’il soutenait Messali Hadj, leader du Mouvement nord-africain (MNA), parti rival du FLN qui entretenait des contacts avec le mouvement libertaire et les syndicalistes révolutionnaires de La Révolution prolétarienne (où Camus allait écrire). Le drame espagnol touchait aussi particulièrement Camus. Appels, articles et meetings se succédèrent pour venir en aide aux militants antifranquistes. En février 1952, salle Wagram à Paris, il participa à un meeting pour soutenir cinq militants anarcho-syndicalistes de la CNT condamnés à mort. Dans Le Libertaire du 26 juin 1952, il publia un texte pour exposer les raisons de son refus de collaborer avec l’UNESCO où siégeait un représentant de l’Espagne franquiste.

Albert Camus s’exprima régulièrement dans Témoins, revue antimilitariste et libertaire qui était ouverte à tous les courants anars. Une activité qui l’engagea naturellement aux côtés de l’anarchiste Louis Lecoin, dans les colonnes de la publication Défense de l’Homme, mais aussi dans la lutte pour l’obtention d’un statut en faveur des objecteurs de conscience. Écrit par Camus, le projet de statut fut approuvé par les membres du comité de secours aux objecteurs de conscience et diffusé par les militants pacifistes et libertaires, notamment dans un numéro spécial de la revue Contre-courant.

De très nombreux textes politiques et philosophiques aident à bien cerner le Camus qui affirmait : « Bakounine est vivant en moi ». En mai 1952, dans une lettre adressée à Gaston Leval, Albert Camus affirmait que la société de demain ne pourra pas se passer de la pensée libertaire. En 2009, cette évidence devient de plus en plus criante. Que les libertaires retroussent leurs manches si nous ne voulons pas que tous les rêves de Sarkozy deviennent très vite nos pires cauchemars.

L’idée qu’on pourrait profaner la tombe d’Albert Camus pour x ou y desseins glauques suffit à nous remplir d’effroi et de dégoût. Nous étouffons littéralement dans ce pays où règnent sans partage les détrousseurs de cadavres et autres charognards. « Le monde où je vis me répugne, mais je me sens solidaire des hommes qui y souffrent », disait l’auteur de L’Homme révolté qui aurait de quoi être dégoûté et révolté dans la France d’aujourd’hui.

À lire : Albert Camus et les libertaires (1948-1960), éditions Egrégores, 268 pages. 15€.

En illustration, une affiche de la Fédération anarchiste annonçant une conférence autour du livre Albert Camus et les libertaires

PACO sur Le Post.fr

Messages

  • Je ne saurais situer précisément l’écrit d’où est tirée cette citation d’Albert Camus, mais voilà qui est bien intéressant (nétilpah ?) :

    « Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. »

    (Albert Camus) 

  • Le fils d’Albert Camus refuse le transfert de son père au Panthéon

    Nicolas Sarkozy souhaite transférer les restes d’Albert Camus, décédé il y a cinquante ans, au Panthéon début 2010, mais il se heurte pour l’instant au refus du fils de l’écrivain, Jean Camus. Selon son entourage, Jean Camus estimerait qu’une telle décision serait un "contresens" sur la vie de l’auteur de l’Homme révolté. Il craindrait une "récupération" de son père par le chef de l’Etat, poursuit cette source.

    Pour le convaincre d’accepter la "panthéonisation" de son père, l’ancienne journaliste Catherine Pégard, conseillère de Nicolas Sarkozy, a rencontré Jean Camus, jeudi 12 novembre puis vendredi 20 novembre à Paris, au lendemain des révélations du Monde sur l’intention présidentielle, qui a pris de court l’Elysée, poursuit l’entourage de Jean Camus.

    Mme Pégard a aussi transmis une invitation du président de la République. "J’ai déjà pris contact avec les membres de sa famille. J’ai besoin de leur accord", avait déclaré M. Sarkozy en marge du conseil européen de Bruxelles. Selon l’Elysée, l’accord de sa sœur jumelle Catherine Camus, qui gère l’héritage de son père, ne pose pas de problème. Jointe par Le Monde, cette dernière a refusé de s’exprimer longuement. "C’est compliqué affectivement", explique-t elle. "Cela met le cœur en paix de cueillir des olives", précise-t-elle ce samedi dans son jardin, refusant de parler de son frère.

    L’enjeu est de savoir si Jean Camus, qui vit dans la discrétion et est assisté dans la gestion de son héritage, peut s’opposer à un transfert des restes d’Albert Camus. "Je ne suis pas juriste", répond Catherine Camus. Jean Camus n’a pour l’instant pas pris position publiquement. Samedi, l’Elysée se refusait à tout commentaire et Catherine Pégard n’a pu être jointe.

    Nicolas Sarkozy souhaite organiser le transfert de Camus à l’occasion du cinquantenaire de sa mort dans un accident de voiture le 4 janvier 1960. "Ce serait un symbole extraordinaire à mes yeux (...) un projet qui me tient extraordinairement à cœur", avait commenté le chef de l’Etat à Bruxelles. Jacques Chirac avait fait entrer au Panthéon les restes de l’écrivain gaulliste André Malraux en 1996 et ceux du romancier métis Alexandre Dumas, auteur des Trois Mousquetaires, en 2002.
    Arnaud Leparmentier

    http://www.lemonde.fr/politique/art...

  • Profond merci pour cet éclairage sur Albert CAMUS . Nous sommes en face de l’abject . La monstruosité de la démarche de Sarkosy est à l’image d’un monde complètement déboussolé . Nous n’avons pas le droit d’échouer dans notre démarche à replacer l’humanisme comme valeur fondamentale à la société future . La vie de nos enfants en dépend .

    • Ca s’appelle du populisme et par ce biais il y a manipulation des masses crédules. Il faut dénoncer avec force ce genre de manipulation immonde, nauséabonde, même le mot vulgaire estt rop faible pour qualifier ce genre d’attitude qui ne respecte même pas certaines valeurs intellectuelles car voulant se les approprier superficiellement dans seul but de s’en servir pour conforter sa propagande. C’est lâche, même pas digne du plus vulgaire des individus, c’est encore plus bas...ça ressemble fort à l’utilisation du mot socialiste dans l’Allemagne hitlèrienne, puisque le parti dudit immonde hitler était le National Socialisme plus communément appelé le nazisme ; c’était dans d’autre temps mais pour certains la méthode reste la même, le mélange des genres pour servir des causes puantes..