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44 ans après pour ne pas oublier

Publie le mercredi 10 octobre 2007 par Open-Publishing
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de Giustiniano Rossi traduit de l’italien par Karl&Rosa

Vajont est le nom du torrent qui coule dans la vallée de Erto et Casso pour se jeter dans le Piave, devant Longarone et Castellavazzo, dans la province de Belluno (Italie).

L’histoire de cette communauté fut bouleversée par la construction de la digue du Vajont, qui détermina l’éboulement du mont Toc dans le lac artificiel situé au-dessous. Le soir du 9 octobre 1963, une immense vague se leva semant partout la mort et la désolation.

L’estimation la plus fiable est, aujourd’hui encore, de 1910 victimes.

Les décideurs politiques et économiques savaient que :

« Sous le mont Toc existe une énorme masse en mouvement de laquelle des éboulements à répétition peuvent se détacher, surtout en remplissant et en vidant le bassin du Vajont » Franco Giudici et Edoardo Semenza, géologues (juillet 1959)

"Aucun doute ne peut subsister à propos de cette position profonde du plan de glissement. Le volume de la masse de glissement doit donc être considéré d’environ 200 millions de m3. La seule mesure de sécurité possible est l’abandon du projet. "Léopold Müller, géologue, fondateur de l’Ecole Géologique de Salzbourg (février 1961)

"Entre le 15 et le 28 février 1962, 5 secousses sismiques d’intensité variable se sont vérifiées" (du rapport sismographique envoyé tous les quinze jours de la SADE à l’assistant du Gouvernement).

"La chute d’un éboulement de 200 millions de m3 pourrait provoquer des conséquences dangereuses progressivement accentuées jusqu’à devenir manifestement impressionnantes une fois le lac rempli aussi pour la zone en aval de la digue". Augusto Ghetti, titulaire de l’Institut d’Hydraulique de l’Université de Padoue (juillet 1962).

Donc, le fait d’avoir construit la digue dans une vallée au profil géologique inadapté et le fait d’avoir élevé la côte du lac artificiel au-delà des marges de sécurité signifie simplement que l’intérêt public a été sacrifié à l’intérêt économique privé, autrement dit que l’intérêt économique privé a, entre autre, coûté la vie à au moins 1910 personnes.

Le fait de ne pas avoir donné l’alarme le soir du 9 octobre pour activer l’évacuation en masse des populations résidentes dans les zones à risque d’inondation revient , avec la décision de construire la digue, à la sphère de la responsabilité politique.

Une enquête judiciaire fut ouverte. Le procès se déroula en trois phases entre le 25 novembre 1968 et le 25 mars 1971 et s’acheva avec la reconnaissance de la responsabilité pénale pour la prévisibilité d’inondation et d’éboulement et pour les meurtres involontaires multiples : en définitive, seuls deux ingénieurs de la SADE, l’entreprise titulaire de l’installation, furent condamnés, l’un à 5 ans (dont 3 ans avec sursis), l’autre à 3 ans et 8 mois (dont 3 ans avec sursis).

Ce n’est qu’en 1997 – après 6 procès et à 34 ans du désastre – que l’entreprise MONTEDISON, qui avait entre temps acheté la SADE, fut définitivement condamnée au dédommagement des villages sinistrés : 22 milliards de lires (environ 11 millions d’euros) au total.

Aucune condamnation ne résulte en ce qui concerne les responsabilités politiques.

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