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LES INDEPENDANTS

Publie le mercredi 11 avril 2007 par Open-Publishing
8 commentaires

LES INDEPENDANTS A LA MARGE DU MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE.

ATTAC n’est ni pour ni contre les indépendants. ATTAC défend parfois la petite production marchande artisanale contre le production industrialisée des firmes multinationales (ex : les livres). Dans la mesure où ils sont des citoyens pouvant pâtir du néolibéralisme les indépendants peuvent reprendre à leur compte les propositions d’ATTAC. Mieux, dans certains domaines ce sont eux qui portent des propositions alternatives (commerce équitable, agriculture paysanne non productiviste, etc.).
Mais qui sont les indépendants ?

Les indépendants forment l’essentiel de ce que les marxistes nomment petite-bourgeoisie, une catégorie encore plus complexe que celle des indépendants. Certains intègrent parmi la petite-bourgeoisie, outre les indépendants, les managers, les cadres supérieurs de commandement. Pour cela ils élargissent l’analyse en intégrant d’autres paramètres au-delà de la simple structure statique des classes sociales. Parler des seuls indépendants est plus simple.

La place du "travail" indépendant ne semble pas très importante (1) Ce qui ressort sous la terminologie d’indépendance c’est l’extrême diversité des situations (3) mais une unité par différence avec le salariat (2) et un rapprochement avec le "petit capital" (4)

I - LA PLACE DE L’ACTIVITE INDEPENDANTE

 Leur place dans le monde contemporain ?

Avec l’extension du capitalisme et la prolifération des entreprises capitalistes de par le monde on peut faire l’hypothèse d’une extension sans précédent du salariat et des rapports sociaux capital/travail. Le travail indépendant est plus important dans les pays du Sud que dans ceux du Nord. Mais là encore il faudrait distinguer les pays très pauvres des pays en pleine croissance.

 Leur place réduite dans les pays du Nord : les travailleurs (salariés), les indépendants et le peuple.

Les travailleurs indépendants font parti du peuple. Le peuple est constitué d’une part de l’immense masse du salariat (à l’exception de l’infime minorité de "faux salariés" qui sont surtout des rentiers de haut niveau) et d’autre part des travailleurs indépendants. La définition du peuple n’est pas aisée. Elle ne figure pas dans le dictionnaire Alter . Le peuple est différent de la nation, notion abstraite et englobante, mais aussi de la population d’un territoire donné. Le peuple, notion concrète par rapport à celle de nation, rassemble celles et ceux qui au sein de la population ne décident pas. Le peuple c’est non seulement les gouvernés (plan politique) mais aussi les dirigés (celles et ceux qui subissent les règles non seulement politiques mais aussi celles qui s’imposent dans les lieux de production économique).

II - DEFINITION PAR CE QU’IL N’EST PAS : LE TRAVAIL INDEPENDANT EST SURTOUT NON SALARIE

Le "travail indépendant" est favorisé par les gouvernements. C’est une politique "d’aide à la création d’entreprise" qui s’appuit sur le rêve courant de travailler sans patron donc sans être pris dans un rapport de subordination. Au premier abord, il s’agit donc bien d’éviter le travail salarié fondé sur l’exploitation de la force de travail c’est à dire l’extorsion de la plus-value. Passer du travail (salarié) à l’activité autogérée n’est pas si facile aussi bien en période de crise qu’en période de croissance. Le salariat représente de 80 à 90 % de la population des pays capitalistes développés.

III - L’EXTREME DIVERSITE DES ACTIVITES INDEPENDANTES.

Par ailleurs, le travail indépendant recouvre plusieurs réalités. Les syndicats de salariés se sont intéressés aux travailleurs sous contrat commercial étroitement dépendant des ordres d’une entreprise donneuse d’ordres. Ici c’est la pseudo indépendance qui est critiquée. Vu de loin, ces indépendants ne sont pas exploités par le capital, ils pratiquent une activité autonome. A l’analyse fine de la situation il en est autrement. De plus en plus d’indépendants travaillent dans le cadre d’une chaine ou d’une enseigne (restauration, boulangerie, coiffure...).

S’agissant du travail réellement indépendant, il convient de distinguer les activités d’agriculture qui se distinguent du travail artisanal et surtout de l’activité de "profession libérale". La encore, le travail du paysan ou du fermier n’est pas celui du gros propriétaire de la Beauce. En fait un monde les sépare, même si les uns et les autres continuent de se syndiquer dans le même syndicat, qui défend principalement les gros propriétaires terriens. La naissance de la Confédération paysanne a fait bouger les choses mais les pesanteurs subsistent. Il y aussi le développement des petits métiers de survie : musiciens dans le métro ou ailleurs, vendeurs de journaux dans le métro ou dans la rue type Le Monde, vendeurs de journaux type Macadam, vendeurs de posters, jouets, gadgets dans le métro ou dans la rue - réalité probablement plus sensible à Paris, mais significative et bien réelle

S’agissant des professions libérales, on différencie en général les professions libérales dites "réglementées" de celles "non réglementées". Les professions libérales "réglementées" les plus connues : architectes, avocats, médecins. Elles nécessitent une immatriculation dans un ordre ou organisme professionnel. Les activités des médecins sont étroitement encadrées et financièrement dépendantes de la sécurité sociale, mais certains médecins spécialisés du privé perçoivent de très hauts revenus alors que les médecins du public gagnent plus modestement leur vie. Les indépendants d’autres professions de santé (infirmiers, kiné, etc...) interviennent dans le cadre de prescriptions pour une prestation définie. Les infirmières gagnent peu au regard des tâches pénibles à accomplir aux côtés de médecins motivés par l’appât du fort gain.

La catégorie des professions libérales "non réglementées" regroupe toutes les professions qui exercent une activité ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle, ni agricole et qui n’entrent pas dans le domaine des professions libérales réglementées. Il s’agit des consultants, formateurs, experts, traducteurs et documentalistes. S’agissant des revenus perçus, il importe de pointer l’existence de grandes fortunes de certains (médecins du privé spécialisés, certains notaires, indépendants de l’immobilier etc...) mais de revenus plus modestes chez d’autres : petits paysans, petits artisans. Ce sont les indépendants les plus modestes qui endurent une forte pénibilité du travail. Mais il s’agit quand même cependant d’une pénibilité constructive de la personnalité ; ce qui est pas le cas des travailleurs salariés qui connaissent bien souvent une souffrance aliénante au travail (souffrance qui s’ajoute à l’exploitation spécifique du travail salarié)

IV- VERS LE "PETIT CAPITAL".

Le travail indépendant ne reste pas nécessairement dans le cadre d’une entreprise unipersonnelle. Il peut déboucher sur une petite unité capitaliste, ce que l’on nomme le "petit capital". Dans ces petites entreprises les conditions de travail des salariés dépendent beaucoup du statut et du style de direction du chef d’entreprise. Les entreprises coopératives non tournées vers le profit semblent fournir de meilleures conditions de travail aux salariés mais la règle n’est pas absolue. La tendance est à la recherche de la rentabilité maximale. J’ai eu des échos de harcèlement dans une biocoop rennaise. Ce n’est pas une exception. En fait ce serait plutôt la présence syndicale qui garantirait de meilleures conditions de travail. Mais cette présence est réservée aux grosses entreprises et à elle seule elle ne garantie pas tout. Encore faut-il des syndiqués et des syndiqués actifs, combatifs.

Conclusion :

En fait le travail est intimement lié au capital qu’il soit petit ou grand. Pour reprendre les termes de M FREYSSENET, le travail est une "invention du capitalisme". Il importe dès lors de ne pas le confondre avec les autres activités fussent-elles pénibles. Jean-Marie HARRIBEY (2) a procédé à une étude de clarification utile sur ce point.

Enfin, pour aborder la question des mentalités différentes issues de situations différentes, demandez les revendications d’un indépendant ou d’un petit patron, ce ne sera pas l’intensité ou la pénibilité de son activité, ni la longueur du temps qu’il passe dans son étude ou son cabinet ; non ce sera le montant de ses impôts.

Christian DELARUE
Membre du CA d’ATTAC France

1) Freyssenet M., “L’invention du travail”, in Futur antérieur, n°16, 1993/2, pp 17-27. Édition électronique, 1993.
Freyssenet M., “Historicité et centralité du travail”, in Jacques Bidet, Jacques Texier (dir.), La crise du travail, PUF. Paris, 1995, pp 227-244.

2) sur le web cherchez : "Trtavail, emploi, activité : essai de clarification de quelques concepts" par Jean-Marie HARRIBEY

Messages

  • Pourquoi occulter l’existence des activités artistiques ?

    En effet, parmi les indépendants on trouve aussi des auteur-e-s :

     d’oeuvres photographiques

     d’oeuvres littéraires et scientifiques

     des illustrateurs/illustratrices

     d’oeuvres dramatiques

     d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles

     d’oeuvres chorégraphiques

     de compositions musicales (avec ou sans paroles)

     de logiciels

     du Multimédia interactif

     d’oeuvres originales graphiques et plastiques

    Il va sans dire que ces activités sont déjà bien fragilisées avec un statut qui ne les protège pas.
    Ces professionnels sont systématiquement oubliés car la création est trop souvent dévalorisée !
    Y a t-il encore une place pour la culture dans notre système ?

    • "ATTAC n´est ni pour ni contre les indépendants", m´étonne pas.

      ATTAC n´est jamais vraiment pour ni vraiment contre.

      Une "indépendante" non productive (le CA d´ATTAC a oublié les activités artistiques et intellectuelles, enfin, le texte est tellement indigeste que j´ai pu sauter des paragraphes involontairement) -
      dans mon cas, l´indépendance signifie l´absence de couverture sociale, la soumission totale à la concurrence et même la non-reconnaissance de mon métier puisque n´importe qui peut prétendre l´exercer sans la moindre formation.

    • Les indépendants effectivement peu nombreux forment bien, selon Wilkipédia, ce que l’on nomme la petite bourgoisie
      http://www.geocities.com/demainlemonde/defclasses.htm

      Voici la partie concernée :
      Les définitions sont multiples et souvent contradictoires (cf. notamment Nicos Poulantzas, Ralph Milliband, Baudelot, Establet et Mallemort, analyses que je ne suis pas mais qui méritent d’être lues attentivement). Au XIXe siècle, on désigne par petite-bourgeoisie, les commerçants, artisans et professions libérales (quand ils n’ont pas de salariés). Mais par extension, on en est venu à désigner toute catégorie intermédiaire entre capitalistes et prolétaires (et comme insulte politique), ce qui en fait un melting-pot sans intérêt pour l’analyse des phénomènes sociaux. Conserver cette notion pour les catégories citées est cohérent : il s’agit de personnes qui sont propriétaires de biens de productions mais qui ne sont pas eux-même des exploiteurs. Par exemple, un épicier seul dans sa boutique est un petit bourgeois, mais s’il engage des employés, il devient un petit capitaliste, (puisqu’il a un intérêt objectif à abaisser le coût de leur travail).

      Pour les employés, cadres, ingénieurs, il vaut mieux les classer dans des classes à part et ne pas s’obstiner à vouloir en faire des petits-bourgeois, sous peine d’avoir une définition tellement élastique qu’elle ne veuille plus rien dire. Il faut également faire un sort à l’absurdité qui consiste à faire des travailleurs « improductifs » (catégorie contestable en soi) des petits-bourgeois : ainsi, Nicos Poulantzas (théoricien léniniste assez en vogue jadis) considérait que les vendeuses de grandes surfaces étaient des petites-bourgeoises, sous prétexte qu’elles travaillaient dans « sphère de circulation » réputée improductive pour les marxistes « orthodoxes » (adepte de la définition « culturelle » des classes, Poulantzas voyait dans leurs beaux habits une preuve indéniable, sans songer que ceux-ci pouvaient être une exigence patronale, comme le sait toute vendeuse de magasin…). Vaste fumisterie.

    • Certains indépendants sont effectivement très riches et fulminent contre l’impôt sans parler de leur forte propension à la fraude fiscale.

      Sur la richesse de certains indépendants lire l’abécédaire du monde marchand :
      http://www.abecedaire.net/article.php3?id_article=47

      "Sans être grand clerc, nous pouvons supposer que se concentrent dans les catégories qui possèdent les plus gros patrimoines, soit les professions libérales et surtout les chefs d’entreprises. Selon "économie et statistique 1996 6/7" en 1992 les indépendants les mieux lotis disposaient, en moyenne, d’un patrimoine financier de 4,1 millions de Francs ! "

    • On raconte décidément n’importe quoi sur les indépendants ! Des indépendants qui sont riches, certes il y en a (beaucoup ?), mais ce n’est pas forcément représentatif.

      Il existe des réalités que beaucoup ignorent et que personne ne dénonce : bien des gens au chômage se voient contraints de créer leur propre emploi, faute de pouvoir trouver un travail salarié digne de ce nom. Il faut se rendre compte de quelle manière notre gouvernement encourage à la création d’entreprise.

      C’est une MANNE pour les patrons ! Pas de contrat à signer, pas de charges sociales à payer, du "personnel" interchangeable, taillable et corvéable à merci, des tarifs ras le plancher, etc. Il s’agit clairement d’une forme de dumping social !
      C’est ainsi que beaucoup d’indépendants se retrouvent dans une situation PRECAIRE. Vous n’avez aucune idée de l’enfer que vivent ces personnes-là.
      Une mise en concurrence très forte, des charges élevées à régler d’avance, une fiscalité injuste, les clients qui paient dans des délais déraisonnables, aucune indemnité chômage en cas de cessation d’activité, une charge de travail écrasante pour pouvoir s’en sortir un minimum, peu de recours en cas de litige avec la clientèle, bref, la liste est longue.

      Voilà aussi pourquoi l’article de Mr Delarue est navrant. Quelle méconnaissance du sujet ! Avant de rédiger un texte aussi creux, incomplet et méprisant, faites des enquêtes, informez-vous !

    • Le III de mon texte a pour titre : l’extrême diversité des indépendants. Je n’ignore donc pas ce que vous développez. Il s’agit juste d’un article court pour être lu par bcp et qui ne prétend donc pas tout dire .
      Christian DELARUE

    • INFIRMIERS
      Contre l’Ordre infirmier

      http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=5738

      Une loi vient de créer un ordre national infirmier sur le même modèle que celui des médecins et d’autres professions médicales. Cette instance de contrôle supplémentaire non démocratique, à laquelle l’inscription payante sera obligatoire, est rejetée par les organisations syndicales.

      Le décret d’application du 13 avril crée un Ordre national des infirmiers contre l’avis majoritaire de la profession. Il est imposé alors que des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues sont actuellement en résistance face aux ordres nouveaux qu’on tente de leur imposer.

      Pour pouvoir exercer la profession, les infirmiers ne devront plus seulement être diplômés, mais également être inscrits à l’ordre infirmier et payer une cotisation d’un montant maximal de 300 euros par an. Contrairement au principe de libre adhésion à une organisation - syndicat, association -, l’ordre est une structure à adhésion obligatoire.

      L’instauration de l’ordre représente un étage supplémentaire de pénalisation pour les infirmiers, qui dépendent déjà tous du droit commun et, pour leur majorité, d’un conseil de discipline. C’est donc à trois juridictions indépendantes que seront confrontés les professionnels, chacune d’elles étant libre de pénaliser ou d’absoudre. L’ordre s’arrogera même le droit de déterminer l’aptitude physique ou mentale à l’exercice. L’ordre infirmier pourra également refuser une mutation ou un détachement vers un département qu’il estimerait trop doté en infirmiers.

      L’ordre se veut donc à la fois comme l’organisme qui autorise l’exercice et fait fonction de « tribunal », avec conseil de discipline en cas de problème. Le mode de fonctionnement est calqué sur celui de l’ordre des médecins, créé à l’origine par Pétain sous le régime de Vichy. Rappelons que cette structure, autoproclamée et opaque, qui se veut représentative d’une profession, a été jusqu’à interdire à certains médecins d’exercer pour avoir dénoncé des cas de maltraitance envers des enfants.

      Enfin, l’ordre a également pour vocation de participer à l’élaboration du contenu de la formation des infirmiers et infirmières. Cela concerne la formation initiale dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), mais aussi la formation continue.

      La majorité des syndicats se sont prononcés contre la mise en application de l’ordre infirmier (CGT-Santé, SUD-Santé-Sociaux, UNSA, CFDT, CFTC, FO, UNSA). La fédération SUD-Santé-Sociaux appelle au boycott des cotisations. Des assemblées générales sont en préparation dans plusieurs hôpitaux. Ce début de réaction arrive avec la mobilisation actuelle de la profession infirmière pour la reconnaissance du diplôme à bac +3, de meilleures conditions de travail et une augmentation des salaires (lire Rouge n°2202).

      Romain Prunier

    • Souveraineté alimentaire et souveraineté populaire.

       Le peuple ce sont aussi les paysans mais pas les firmes !

      La souveraineté alimentaire est synonyme de maîtrise du peuple sur ses ressources, du moins sur ces ressources alimentaires. Une telle maîtrise suppose à l’heure de la libéralisation généralisée des échanges une certaine déconnection du marché mondial . Mais la déconnexion proposée par Samir AMIN signifie plus souveraineté nationale que souveraineté alimentaire . Autrement dit il n’est pas sûr que ce soit le peuple qui en profite réellement mais plutôt la bourgeoisie nationale . Pour que la souveraineté alimentaire aboutisse à la souveraineté populaire il importe que le peuple c’est à dire ceux qui ne décident pas et qui ne possèdent pas soit bénéficiaire de l’expropriation du capital tant du capital international que national. Les petits paysans possèdent bien des terres mais il ne s’agit que de terres de taille modeste exploitable par de petites unités humaines, par la famille le plus souvent.

      Le capitalisme via les firmes multinationales agro-alimentaires a éradiqué dans de très nombreux pays l’agriculture paysanne pour installer une agriculture insentive. Ce que l’on nomme pudiquement productivisme ce ne sont que les moyens et les méthodes du capitalisme (extension des terres exploitées, sur-motorisation, embauche d’ouvriers agricoles, mais aussiengrais, pesticides et semences sélectionnées ) contre les moyens et méthodes précapitalistes (petites parcelles, outils rudimentaires, travailleurs de la terre indépendants,...). Que des sociétés post-capitalistes aient cru bon de reproduire certaines des méthodes du capitalisme pour accroître la rentabilité des terres à partir de leur collectivisation n’est pas un argument pour empêcher de voir la logique destructrice spécifique capitalisme. D’autant que le post-capitalisme que nous voulons vise à réhabiliter l’agriculture paysanne et la petite propriété terrienne. Pour le dire peut-être avec un brin de provocation, nous défendons la petite-bourgeoisie paysanne comme nous défendons les travailleurs salariés.

       Défendre la petite-bourgoisie paysanne !

      Bernard Founou-Tchuigoua (1) remarque : "Toutes les sociétés antérieures au capitalisme étaient des sociétés paysannes et leur agriculture commandée par des logiques certes diverses mais toutes étrangères à celle qui définit le capitalisme (la rentabilité maximale du capital). L’agriculture capitaliste, représentée par une classe de nouveaux paysans riches, voire de latifundiaires modernisés, ou par des domaines exploités par les transnationales de l’agro-business, s’apprête à donner l’assaut à l’agriculture paysanne. Elle en a reçu le feu vert de l’OMC à Doha. Cependant, à l’heure actuelle, le monde agricole et paysan rassemble encore la moitié de l’humanité ; mais sa production est partagée entre deux secteurs dont la nature économique et sociale est parfaitement distincte".

      L’auteur poursuit en examinant les phases du capitalisme en lien avec ses capacités ou non d’intégration : "Le capitalisme a toujours combiné à sa dimension constructive (l’accumulation du capital et le progrès des forces productives) des dimensions destructives, réduisant l’être humain à n’être plus que porteur d’une force de travail, elle-même traitée comme une marchandise, détruisant à long terme certaines des bases naturelles de la reproduction, de la production et de la vie, détruisant des fragments des sociétés antérieures et parfois des peuples entiers - comme les Indiens d’Amérique du Nord. Le capitalisme a toujours simultanément « intégré » (les travailleurs qu’il soumettait aux formes diverses de l’exploitation du capital en expansion -par « l’emploi » en termes immédiats) et exclu (ceux qui, ayant perdu les positions qu’ils occupaient dans les systèmes antérieurs n’ont pas été intégrés dans le nouveau). Mais dans sa phase ascendante et de ce fait historiquement progressiste, il intégrait plus qu’il n’excluait. Ce n’est plus le cas, comme on peut le voir précisément et d’une manière dramatique dans la nouvelle question agraire. Car en effet si, comme l’impose désormais l’Organisation Mondiale du Commerce depuis la conférence de Doha (Novembre 2001), on « intégrait l’agriculture » à l’ensemble des règles générales de la « compétition », assimilant les produits agricoles et alimentaires à des « marchandises comme les autres », quelles en seront les conséquences certaines, dans les conditions d’inégalité gigantesque entre l’agro-business d’une part et la production paysanne de l’autre".

       Le capitalisme invite au génocide des populations rurales du Sud

      Nous sommes donc parvenus au point où pour ouvrir un champ nouveau à l’expansion du capital (« la modernisation de la production agricole »), il faudrait détruire -en termes humains- des sociétés entières. Vingt millions de producteurs efficaces nouveaux (cinquante millions d’êtres humains avec leurs familles) d’un coté, cinq milliards d’exclus de l’autre. La dimension créatrice de l’opération ne représente plus qu’une goutte d’eau face à l’océan des destructions qu’elle exige. J’en conclu que le capitalisme est entré dans sa phase sénile descendante ; la logique qui commande ce système n’étant plus en mesure d’assurer la simple survie de la moitié de l’humanité. Le capitalisme devient barbarie, invite directement au génocide. Il est nécessaire plus que jamais de lui substituer d’autres logiques de développement, d’une rationalité supérieure.

      Christian DELARUE

      Agriculture capitaliste ou paysanne, un enjeu de société

      http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article228