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AAA ou la nouvelle stratégie de la peur
par Jean Rumain
Publie le dimanche 30 octobre 2011 par Jean Rumain - Open-PublishingL’ennemi vient toujours d’ailleurs, c’est bien connu. Il est mystérieux, obscur, indéfinissable, singulier, inconcevable, mais pourtant si commode. On peut ainsi, grâce à lui, justifier les peurs et les fantasmes les plus infondés ; on peut légitimer les réformes, les lois les plus extravagantes…Si besoin est, on nous explique, avec force « pédagogie » et médiatisation que c’est pour le bon fonctionnement de notre société.
Ainsi, l’ennemi « trop vieux » justifie la réforme des retraites, l’ennemi « jeune » justifie les dérives sécuritaires, l’ennemi « délinquant potentiel » justifie les fichages, l’ennemi(e) « femme » justifie les écarts de salaire, le sexisme, , les pelotages impunis, les 2806… L’ennemi « pauvre » justifie les arrêtés anti-mendicité, l’ennemi(e) prostitué(e) justifie les exclusions des centres-villes, l’ennemi Rom justifie les Charters, l’ennemi syndicaliste justifie des modes d’élection opaques, l’ennemi « ami d’hier-dictateur d’aujourd’hui » justifie les bombardements et la guerre…Total(e)…
Si on dispose d’un disque dur de 1000000000 Go, on peut ainsi dresser la liste des ennemie-e-s (ajoutons une bonne clé USB, puisque chacun(e) de nous a ses…propres ennemie(e)s.
Depuis quelques mois, un nouvel ennemi est apparu…Encore plus obscur, encore plus insidieux, et, paraît-il, encore plus dangereux : la menace de la dégradation de la note AAA française par les agences de notation…
On peut s’étonner qu’en France la perspective d’une note soit aussi effrayante alors que la culture de l’évaluation et de la compétition s’y est largement implantée…
Quelques éléments glanés sur Wikipédia :
– Une agence de notation est une entreprise ou une institution chargée de la notation des collectivités (États…) ou des entreprises selon certains critères définis par une réglementation ou par les acteurs du marché.
– Les relations entre donneur d’ordre et agence de notation sont particulières en ce sens que l’agence est employée par l’acteur de marché qui souhaite être noté, ce qui soulève la question de l’indépendance de l’agence dans le processus de notation.
– Les agences de notation financière insistent sur le fait que leur notation est une opinion.
A propos d’opinion, une majorité de citoyen(ne)s constate les difficultés pour se loger, pour trouver un travail décent, pour manger 1 ou 2 fois par jour (quand je dis manger…il faudrait encore un bon disque dur), pour être respecté(e), pour se soigner, pour avoir accès à une véritable culture…
Cette même majorité (qui était pourtant majoritaire en 2007) constate aussi le délabrement des services publics (RGPP, non remplacement d’un fonctionnaire retraité sur deux, pressions hiérarchiques, le curé meilleur que l’instit’, des soins qui deviennent un rêve à défaut d’un droit, culture de l’évaluation, précarisation, isolement des élèves et des familles…Donnez-moi un nouveau disque dur…)
Alors, forcément, ça râle (un peu), ça s’indigne même, ça développe des discours populistes et démagos (vite récupérés, au-delà même de leurs idéologies), et finalement, ça fait naître un(e) nouvel(le) ennemi(e) : l’électeur, l’électrice de 2012…
L’érection du prince Zébulon, sauveur du monde ne serait pas assurée !!
On tente un nouvel ennemi : un représentant de la social-démocratie, présenté comme responsable de tous les maux passés et de ceux à venir et auquel on reproche aussi de n’avoir rien fait…
Il pourrait dit-on (enfin, dit-il…ça sent le sapin) créer 60 000 postes dans l’Education nationale…
Si la note française est dégradée, la dette s’en trouvera accrue et nous connaîtrons les affres helléniques, la rigueur, l’austérité…nous serons la risée du monde etc etc…Il faut donc maintenir le cap et réduire encore plus le nombre de fonctionnaires qui sont responsables de la dette publique…
Ainsi, la menace de la baisse de la note permettra de justifier « comme une lettre à la poste » la suppression de plus de 30 000 postes de fonctionnaires (dont 14000 dans l’éducation nationale et parmi eux 3000 postes de RASED).
Si nous croyons à la menace de la perte du triple A, ne sommes-nous pas des triples buses ?
Jean Rumain
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