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Affrontements en marge de l’ouverture du sommet de Cancun

Publie le jeudi 11 septembre 2003 par Open-Publishing

par Alan Wheatley et Alistair Bell

CANCUN, Mexique (Reuters) - Supachai Panitchpakdi, directeur général de l’OMC, a donné mercredi à Cancun le coup d’envoi de cinq jours de négociations sur la libéralisation des échanges internationaux, tandis que des heurts entre manifestants et forces de l’ordre ont éclaté peu après l’ouverture de la conférence.

Plusieurs milliers de militants altermondialistes se sont rassemblés à proximité du Centre de convention où se déroulent les négociations. Une vingtaine d’entre-eux sont parvenus à pénétrer dans l’enceinte, malgré la barrière haute de plus de deux mètres qui ceinture le site, pour y affronter la police à coup de pavés.

Les policiers anti-émeute ont riposté à coup de matraque et fait usage de gaz lacrymogène. Aucun blessé n’a été signalé.

A la tribune du Centre de convention, Supachai Panitchpakdi a réclamé à la tribune un message fort en faveur de la libéralisation des échanges mondiaux, un appel relayé avec force par le secrétaire général de l’Onu.

"Les perspectives de l’économie mondiale restent incertaines et, en dépit des signes encourageants observés récemment, nous ne sommes pas encore sur la voie d’un redressement durable", a souligné Panitchpakdi dans son discours d’ouverture.

"Nous nous trouvons face à un choix, ici à Cancun. Soit nous continuons à renforcer le système des échanges multilatéraux et l’économie mondiale, soit nous nous enlisons en ajoutant aux incertitudes qui prévalent."

Dans un message lu lors de cette cérémonie d’ouverture, le secrétaire général de l’Onu a également mis les 146 Etats-membres de l’Organisation mondiale du commerce face à leurs responsabilités, leur enjoignant de mettre un terme aux profondes divergences qui opposent riches et pauvres sur la question des subventions agricoles .

"Malheureusement, les réalités du commerce international aujourd’hui ne correspondent pas aux discours. En fait de marchés ouverts, il y a trop de barrières qui freinent, étouffent et affament", a souligné Kofi Annan.

"Ces barrières et subventions dans les pays développés doivent disparaître aussi vite que possible pour le bien de l’humanité.

"Vos décisions peuvent faire la différence entre pauvreté et prospérité et même entre vie et mort pour des millions de personnes", a-t-il insisté. "Faisons en sorte que Cancun transmette un message d’espoir, celui que le commerce tiendra ses promesses pour tous."

Hors de la "Zona hotelera" qui abrite la conférence, près de 3.000 manifestants, agriculteurs mexicains et altermondialistes portant, pour certains, masque à gaz et casque de chantier, se sont rassemblés pour dénoncer un système d’échanges selon eux injuste mis en oeuvre par et pour les pays riches, sous les yeux des forces de l’ordre déployées en nombre.

Dans le complexe balnéaire sous bonne garde, les 4.700 délégués qui assistent aux négociations souhaitent quant à eux écarter le spectre de Seattle. La conférence de 1999 s’était en effet soldée par un échec retentissant à la table des négociations et par de violentes émeutes dans les rues de ville.

LES PAYS PAUVRES CONSCIENTS DE LEUR POIDS

Une avancée à Cancun, réunion d’étape du "cycle de Doha" entamé en novembre 2001, donnerait un coup de fouet à l’économie mondiale toujours fragile, comme l’a souligné Supachai.

Une impasse pourrait , au contraire, encourager les accords bilatéraux, courcircuitant le système multilatéral incarné par l’OMC, tout en exacerbant la rivalité entre blocs commerciaux.

Le dossier controversé de l’agriculture se trouve au coeur des négociations et deux jours d’escarmouches préliminaires ont montré que les discussions n’avaient guère progressé depuis Doha.

Les pays pauvres demandent aux riches de tenir les promesses alors faites, d’amputer de 300 milliards de dollars les subventions qu’ils allouent chaque année à leurs agriculteurs, une somme six fois plus importante que celle versée pour l’aide au développement.

Les pays pauvres accusent ces aides et des tarifs douaniers élevés de leur barrer l’accès aux marchés des pays riches. De plus, ils sont souvent concurrencés sur leurs propres marchés par des exportations fortement subventionnées venant de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis en particulier.

"Il est dans l’intérêt de tous que les pays riches réduisent, voire éliminent leurs taxes douanières et leurs aides à l’exportation dans le domaine de l’agriculture", estime mercredi Donald J. Johnston, secrétaire général de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), dans l’International Herald Tribune.

Les pays pauvres comprennent l’influence qu’ils peuvent exercer au sein d’une organisation qui fonctionne par consensus, et ils forgent des alliances ad hoc pour renforcer leur poids et tenter d’obtenir des concessions du monde industrialisé.

Dès ce mercredi, quatre pays africains producteurs de coton vont demander la fin des subventions des pays riches, spécialement des Etats-Unis, vers ce secteur qui selon eux brisent les vies de millions de paysans.

Vingt-et-un pays en voie de développement ont mis de côté leurs divergences afin de présenter un front uni. Ils exigeront la suppression de toutes les aides octroyées par les pays riches à leurs agriculteurs.

L’exigence paraît démesurée mais le Nord semble laisser la porte ouverte aux concessions.