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Aiguilleurs du ciel : Une brève grève sauvage prend le ciel espagnol d’assaut

Publie le mercredi 15 décembre 2010 par Open-Publishing

L’économie en Espagne était, tout comme en Irlande, un modèle du capitalisme européen. Aujourd’hui, après l’éclatement de la bulle immobilière, à l’instar de ce qui est fait dans d’autres pays, les travailleurs-euses paient le prix de la crise du système. Malgré un chômage comptant plus de 4 millions de chômeurs-euses, le plus élevé d’Europe avec 20,7 % de la population active et 43,2 % des jeunes de moins de 25 ans en octobre 2010 (Eurostat), et une généralisation de la précarité, le gouvernement ’’socialiste’’ n’a pas hésité à imposer d’innombrables mesures d’austérité afin d’ ’’apaiser’’ les marchés et de transférer encore plus de richesses de l’ouvrier au patron.

Parmi les dernières contre-réformes, il y a celles présentées par le gouvernement le mercredi 1er décembre : la suppression d’une allocation pour les chômeurs-euses de longue durée et la privatisation de 49 % du gestionnaire des aéroports AENA [1], entre autres mesures néo-libérales. La première réponse des travailleurs ne s’est pas fait attendre.

Au cours de l’après-midi du vendredi 3 décembre, 2 400 aiguilleurs du ciel décidèrent de se mettre en grève sans préavis et en plein pont de 5 jours, paralysant le trafic aérien. Le mouvement s’opposait à la privatisation et aux changements de modèle de gestion et des horaires. Au-delà de ce conflit, le gouvernement mène une campagne pour réduire les ’’privilèges’’ de ces travailleurs-euses depuis déjà un an, avec l’inconditionnel soutien des médias (par exemple, l’agence de presse AFP utilise la même rhétorique que celle du gouvernement) pour diviser la classe ouvrière espagnole.

En réaction à cet important mouvement, le gouvernement, soutenu par l’opposition de droite, a décrété l’état d’urgence le samedi 4 décembre. Le décret royal (BOE 295) assimile les aiguilleurs du ciel à un personnel militaire, les obligeant à se rendre à leurs postes et imposant l’aviation civile à la direction militaire. La liberté d’expression, de réunion et la lutte syndicale sont ainsi limitées ou annulées. Si la grève avait continué, les travailleurs-euses auraient pu être accusé-es de délit de désobéissance par une cour militaire et condamné-es pénalement (jusqu’à 8 ans de prison). L’après-midi, les grévistes retournèrent à leurs postes.

Depuis, l’arrogance du gouvernement n’eut comme seule limite que son propre écho dans les médias traditionnels. A l’humiliation infligée par la ’’leçon’’ donnée sont venus s’ajouter les menaces du vice-président et du ministre de la Promotion car il était maintenant temps de rendre ’’justice’’, car ’’on ne peut pas périodiquement s’engager dans un bras de fer avec l’État sans que l’État réponde’’. Sans perdre de temps, AENA établit 442 dossiers disciplinaires à l’encontre des grévistes.

Quelle justice ? Comment justifier cette méthode, jamais mise en place depuis la fin du franquisme, même pas après la tentative de coup d’état du 23 février 1981 ni lors des attentats du 11 mars 2004 à Madrid (191 morts et 1 856 blessés) ? Quelle raison, autre que celle de la guerre de classe ?

Le gouvernement peut désormais se camoufler derrière le masque de la justice sociale et de la démocratie mais ni sa politique ni sa décision peut nous faire oublier combien celle-ci était illégale. Comme l’explique Controladoresaereos.org (http://www.controladoresaereos.org/?p=6661), l’état d’urgence était illégale car comme le prévoit la loi organique 4/1981, pour pouvoir le décréter il faut qu’il y ait une catastrophe, une crise sanitaire, une pénurie de produits de première nécessité ou – justification reprise par le gouvernement – l’arrêt d’un service public si ’’l’une des autres circonstances ou situations décrites dans cet article survient simultanément’’, c’est-à-dire l’un des trois premiers éléments cités. Ce ne fût absolument pas le cas.

Le décret a désigné une durée de quinze jours pour l’état d’urgence mais déjà le gouvernement a fait savoir qu’il se réservait le droit de le reconduire à fin d’éviter un autre épisode de grève pendant les vacances de Noël. Le passage en force peut ainsi continuer laissant de côté l’hypocrisie de la démocratie bourgeoise. Celle-ci n’existe que si les travailleur-euses se soumettent mais elle se transforme en farce à partir du moment qu’ils-elles se mettent en mouvement.

Cette violence d’état envers une simple grève doit être analysée d’un point de vue global. L’Europe, non seulement l’Espagne, subit les plans d’austérité pour que nous, la classe ouvrière, payions la crise capitaliste. Nous avons déjà vu une augmentation de la violence officielle lors des récents mouvements en France, maintenant nous constatons qu’un nouveau pas est franchi dans la péninsule ibérique. La grève de masses, c’est-à-dire politique et économique, basée sur l’unité entre toutes et tous, nous permettra de stopper la dégradation de nos niveaux de vie, sacrifiés sur l’autel du dieu profit pour le capital. C’est pour cette raison que nous devons toute notre solidarité envers les aiguilleurs du ciel, car nous savons que nous sommes toutes et tous attaqué-es.

[1] Est également prévu, tout comme l’a fait le gouvernement de droite de Sarkozy en France, de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans en janvier 2011.

Réseau Luxemburgiste International