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Allemagne : suite du bras de fer entre gouvernement et syndicats

Publie le lundi 23 août 2004 par Open-Publishing
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Sandrine Blanchard

Les manifestations se poursuivent en Allemagne. Contre les réformes sociales
de l’Agenda 2010, que les syndicats, notamment, estiment être synonymes de démantèlement
social. Comme tous les lundis désormais, des rassemblements sont prévus dans
la journée. C’est donc sur fond de protestations massives que ce matin, les journaux
reviennent sur la dernière proposition en date du chef des sociaux-démocrates :
Franz Müntefering vient en effet de proposer l’instauration d’un salaire minimum
légal.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung considère cette idée d‘un salaire minimum inscrit
dans la loi comme superflue, voire anti-chômeurs. Selon le quotidien conservateur,
mieux vaudrait revoir les salaires à la baisse, afin de créer des emplois, plutôt
que de s’acharner, comme le font les syndicats, à augmenter les salaires les
plus bas.

Son concurrent de gauche, la Frankfurter Rundschau, tire la sonnette d’alarme. D‘après elle, la spirale infernale a commencé : profitant du chômage, les entreprises respectent de moins en moins les accords tarifaires, sans compter que les chômeurs vont bientôt être obligés par la loi d’accepter n’importe quel emploi, et l’économie ne s’autorégule plus. D’où l’intérêt d’un salaire minimum décent instauré par la loi, fixé et surveillé par l‘État.

Si certains journaux, à l’instar de la Rhein-Zeitung, estiment que les conflits actuels sont une occasion en or pour la tête de file de l’opposition, la Süddeutsche Zeitung, elle, met en exergue les divergences au sein du camp conservateur. Des conservateurs qui n’arrivent pas à trouver une position unitaire dans le débat sur les réformes.

Pour la tageszeitung, c’est une manœuvre du SPD, destinée à amadouer les syndicats, et elle y revient sur trois pages. Le journal, plutôt favorable aux manifestants, hésite même à prendre cette proposition de Franz Müntefering au sérieux. Il ne faut pas oublier, se justifie la taz, que c’est ce même SPD qui, il y a peu, ratifiait des textes pour obliger les chômeurs à accepter aussi des travaux sous-payés. Le calcul est simple, selon le journal : en échange de son aval au dumping salarial, le gouvernement attend des entrepreneurs qu’ils créent des emplois, même mal payés. Mais 4 à 7 euros de l’heure, voilà le salaire minimum proposé par Franz Müntefering, c’est-à-dire environ 460 euros par mois, soit à peu près le montant de l’aide sociale. Et à ce tarif là, toujours selon la taz, le chef du SPD ne doit pas s’étonner si ses propositions sont rejetées par les syndicats.

http://www2.dw-world.de/french/presse/1.96204.1.html

Messages

  • Et voilà, c’est gagné. Depuis les années 70 et la pseudo crise du pétrole, le monde du grand patronat, des multinationales et des spéculateurs boursiers se demandait comment mettre fin au régime "d’Etats providences" lentement développés en Europe depuis les années 30. Ils ont trouvé et réussi.
    La technique de délocalisation et de démantellement des industries lourdes a permis d’introduire un sentiment d’insécurité sociale tout en permettant aux grosses entreprises d’engrenger des profits maximalisés en tablant sur des salaires de cinq à dix fois inférieurs à ceux pratiqués dans la pays à forte sécurité sociale. Comme le but du capitalisme spéculatif c’est de présenter un bilan positif à la fin de chaque année, il ne suffit plus de maintenir des chiffres d’affaire florissant, il faut aussi réduire les coûts par tous les moyens. La meilleure façon, c’est de réduire le coûts salariaux. Le travailleur y perd, l’actionnaire y gagne.
    L’Europe et son système social aurait pu devenir un modèle dans l’économie mondiale. C’était un risque bien trop important devant ces économies émergentes des pays dits en voies de développement. Pour éviter que les travailleurs des ex-colonies ne se mettent à rèver de soins de santé, de retraite et de semaines des 38 heures, il faut briser le modèle européen. S’attaquer au temps de travail, en prétextant un maintien de l’emploi est rusé. Malhonnète, mensonger mais rusé. En effet, dans une société où le taux de chômage est présenté comme une des sept plaies d’Egypte, qui oserait protester contre une mesure prétendument conservatrice d’emplois ? Conservatrice, elle l’est cette mesure, mais d’emplois, rien n’est moins sûr. C’est comme dire qu’allonger la durée de la carrière va créer de l’emploi. C’est un non sens, c’est une contre vérité, mais si c’est assené avec assez d’applomb par les experts patronaux, ça passe.
    En réalité, c’est tout le système social gagné pendant plusieurs décennies que l’on est en train de détruire. Et quand plus rien ne restera de ce qui avait apporté une certaine qualité de vie à des millions de famille, quand nous serons revenus à une société proche de celle existant au 19è siècle, le grand patronat pourra s’attaquer à d’autres évidences sociales comme l’enseignement obligatoire, ou les soins de santé pour tous.