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Après la Guadeloupe, la Martinique (libre belgique)
BERNARD DELATTRE
Mis en ligne le 26/02/2009
D’une île antillaise à l’autre, la contestation se propage, l’arrangement politique tarde. Et l’économie de ces deux départements d’outre-mer encaisse. Jusqu’à quand ?
Le blog de notre correspondant à Paris
CORRESPONDANT PERMANENT à PARIS
Trois semaines après le lancement de la grève générale contre "la vie chère" - similaire au mouvement qui paralyse la Guadeloupe voisine, depuis plus d’un mois -, la Martinique à son tour a basculé dans la violence.
Dans la nuit de mardi à mercredi, plusieurs voitures y ont été incendiées, des commerces ont été pillés, des barrages enflammés ont été dressés et un coup de feu a été tiré sur les forces de l’ordre. A Fort-de-France, capitale de cette île de 400000 habitants, des casseurs ont caillassé le bâtiment de la préfecture puis, armés de bidons d’essence, de pneus et de barres de fer, ont fait brièvement irruption dans les jardins de l’hôtel départemental. Auparavant, des participants aux pourparlers destinés à résoudre la crise sociale avaient été empêchés de quitter ce bâtiment par des manifestants scandant "Négociez ! Négociez !" Mercredi soir, trois escadrons de gendarmes mobiles ont été envoyés en renfort dans cette île.
Comme en Guadeloupe, le taux de pauvreté des ménages (12 pc) et le taux de chômage (21 pc) y sont respectivement deux et trois fois plus élevés qu’en métropole. La hausse de prix y est aussi près de deux fois supérieure à celle frappant l’Hexagone. Les syndicats réclament une augmentation salariale de 354 euros, correspondant selon eux au "rattrapage du différentiel du coût de la vie avec celui de la métropole". Les employeurs s’y refusent, limitant les éventuelles hausses salariales à une fourchette allant de 10 à 60 euros. Le collectif gréviste juge pareillement "nettement insuffisante" la compensation proposée par l’Etat, via une revalorisation des allocations sociales minimales. Suspendues mercredi, les négociations reprennent ce jeudi. Les syndicalistes ont déjà menacé d’un "durcissement des actions".
La section martiniquaise de l’UMP a mis sur pied un "collectif pour la sauvegarde des libertés individuelles" , qui réclame notamment le rétablissement d’urgence du libre accès des travailleurs aux principales zones commerciales. Pour le parti sarkozyste, si les blocages perdurent, la Martinique ne s’en relèvera pas économiquement. La même crainte est de mise en Guadeloupe. Selon des estimations d’organisations patronales, 25 pc des quelque 10000 entreprises de l’île (souvent de très petite taille) sont au bord du dépôt de bilan. Si la grève se poursuit, 12000 des 80000 salariés du secteur privé que compte la Guadeloupe pourraient, dans les trois mois, être frappés par des mesures de licenciement.
Un espoir en Guadeloupe ?
Sur le front des violences, la Guadeloupe a connu mercredi sa deuxième nuit consécutive de calme. Mais ce calme est précaire, les nerfs étant à fleur de peau. "Les choses ne pourront que s’envenimer" faute d’avancée dans les pourparlers salariaux, a menacé le leader du collectif, qui réclame une hausse de 200 euros pour les bas salaires. Suspendues mardi, les négociations ont repris mercredi soir. Paris ayant déposé de nouvelles propositions "plus lisibles", un déblocage n’était pas du tout exclu.
Mais mercredi, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer lui-même a reconnu que le dossier était "extraordinairement compliqué".