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Attentat de Karachi. Bernard Cazeneuve dénonce le « mépris » d’État.
Publie le jeudi 5 mai 2011 par Open-PublishingDans un livre-témoignage, Bernard Cazeneuve, député-maire socialiste de Cherbourg et rapporteur de la mission parlementaire sur l’attentat de Karachi, dénonce « le mépris d’État ».
Le Télégramme : Pourquoi ce livre sur Karachi ?
Bernard Cazeneuve : Ce n’est pas un nouveau rapport. C’est un livre sur le fonctionnement de nos institutions, sur ce que j’ai vécu, un livre d’entomologie politique.
Vous dites être le chien au milieu des loups. Pourquoi ?
La question, c’est de savoir si le Parlement peut exercer ses prérogatives de contrôle sur le gouvernement. Ce qui m’a frappé dans cette affaire, c’est l’incapacité qu’ont les députés à se dépouiller des oripeaux de la politique politicienne. Entre ceux dans la majorité qui avaient peur qu’on atteigne le pouvoir, et ceux dans l’opposition qui voulaient que l’on instrumentalise la mission pour qu’elle atteigne le président de la République. Des loups, il y en a partout. Je renvoie les acteurs de droite et de gauche dos à dos.
Ce qui explique votre posture de « notaire méticuleux » ?
Je ne suis pas dans l’extrapolation hasardeuse, pas dans l’intime conviction. Seuls les faits m’intéressent. Les faits m’obligent à reconnaître que sur ce dossier, je n’ai pas rencontré le président de la République. Je le dis clairement. Comme ministre du Budget, il a pu avoir à connaître les conditions de la négociation du contrat, c’est possible. Mais dire que Nicolas Sarkozy est au coeur de cette affaire, je ne le dis pas, parce que je ne l’ai pas matérialisé.
Vous évoquez des entraves à la mission. De quel ordre étaient-elles ?
Au nom de la séparation des pouvoirs, les parlementaires n’ont pas eu accès aux documents dont ils souhaitaient disposer, comme le contrat Agosta, des compte-rendus de réunions interministérielles. On nous a refusé aussi des documents que le juge n’avait pas demandés, sous prétexte qu’il pourrait les demander un jour ! C’est hallucinant !
Vous parlez du mépris du gouvernement pour les parlementaires. Pourquoi ?
Quand le gouvernement ne transmet rien, il agit avec un mépris total pour le Parlement et fait preuve d’un cynisme absolu. Quand on voit le Quai d’Orsay déclassifier la presse, il faut quand même le faire !
Vous avez eu des soucis avec le président de la mission, l’UMP Yves Fromion. Comment l’expliquer ?
Je pensais que la pluralité des sensibilités pouvait s’exprimer. Cela aussi était inédit : l’avant-propos mettait quasiment en cause l’intégrité du rapporteur. Il était extrêmement partisan, excessif, alors que le rapport ne l’était pas. Cela a justifié aussi que j’écrive ce livre, pour expliquer quelles étaient les motivations sincères qui guidaient ce travail. Ce texte, c’est celui de quelqu’un qui s’est senti en légitime défense.
« Karachi. L’enquête impossible », chez Calmann-Lévy. 18 euros.