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Attentat de Karachi : M. de Villepin confirme l’existence de "commissions illégitimes".
Publie le vendredi 26 novembre 2010 par Open-PublishingEntendu pendant plus de quatre heures par le juge Renaud Van Ruymbeke, jeudi 25 novembre, l’ancien premier ministre, Dominique de Villepin, a précisé les circonstances qui ont conduit l’ancien président de la République, Jacques Chirac, à interrompre, dès 1995, le versement de commissions promises à des officiels pakistanais, mais aussi libanais, en marge du contrat Agosta.
Le Monde a pu consulter son procès-verbal d’audition.
"Dès son investiture comme chef de l’Etat, son [Jacques Chirac] attention a été attirée par des responsables étrangers sur des pratiques anormales qui avaient pu se développer au cours des années précédentes. C’est avec ce seul objectif qu’il est intervenu. Il n’a jamais été question, à aucun moment, d’enquêter sur les financements politiques ou des personnes politiques. Ensuite, en ce qui concerne le cadre de l’intervention présidentielle, Jacques Chirac a souhaité poser un cadre technique confidentiel. La question à laquelle il souhaitait avoir une réponse était la suivante : y a-t-il eu des commissions illicites, voire des rétro-commissions, dans les différents contrats signés par la France ?"
"Enfin, l’intervention du président de la République a comporté trois temps : le premier temps, c’est la demande formulée directement auprès de Charles Millon [ministre de la défense], dans le cadre confidentiel et technique que j’ai indiqué.
Le deuxième temps, c’est au terme des vérifications, les conclusions apportées par le ministre de la défense au président de la République quelques mois plus tard. Jacques Chirac m’a demandé de m’associer à l’entretien qu’il avait avec son ministre de la défense."
COMMISSIONS ILLÉGITIMES.
"Lors de cet entretien, trois points ont été mis en avant pour souligner les très forts soupçons qui existaient de commissions illégitimes, voire de rétrocommissions, à partir de l’examen des différents contrats et du suivi de ces commissions".
Sont alors abordés les deux contrats posant problèmes, Agosta et Sawari II.
D’après M. de Villepin, plusieurs anomalies sont constatées :
"les intermédiaires non pakistanais ou non saoudiens apparaissaient, selon l’examen qui avait été fait, sans véritable lien avec ces marchés, mais imposés par le ministère de la défense et ayant des liens avec des personnalités publiques françaises, les modalités financières de commissions apparaissaient exorbitantes, qu’il s’agisse des montants ou des versements anticipés qui avaient été prévus, le calendrier lui même ayant conduit au choix de ces intermédiaires montrait qu’ils n’intervenaient qu’au dernier moment alors même que ces contrats apparaissaient très largement bouclés".
En ayant examiné ces points, l’Elysée aurait pris sa décision :
"sur cette base, le président de la République a décidé d’arrêter la partie des commissions qui apparaissait illégitime et non justifiée ".
"NOUS N’AVIONS AUCUNE PREUVE FORMELLE".
Concernant l’identité des bénéficiaires de ces rétro-commissions, l’ancien premier ministre ne souhaite pas être trop précis.
"Je ne peux que m’en tenir aux indications telles qu’elles nous ont été données à l’époque (…) Ce réseau d’intermédiaires, selon les conclusions de la vérification opérée, imposé par le précédent ministère de la défense avait des liens avec des personnalités publiques françaises. Le suivi des commissions, tel qu’il avait été opéré par la DGSE, faisait ressortir de forts soupçons de rétro commissions. Il s’agissait davantage de financement politique de tel ou tel parti soutenant la majorité du premier ministre de l’époque [Edouard Balladur], que d’un financement spécifique de la campagne présidentielle, d’autant qu’il était aisé d’imaginer qu’il avait pu être abondé par les fonds secrets de Matignon".
M. de Villepin estime qu’il n’était en aucun cas question de tarir les sources de financement de son rival Edouard Balladur : "l’objectif de Jacques Chirac n’était pas de régler des comptes politiques", assure-t-il.
Il dit également qu’il ne disposait pas de faits, mais d’ "hypothèses" bâties "à partir d’une intime conviction".
Et il conclut : "nous n’avions aucune preuve formelle ".