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de Laurent JOFFRIN
Quoique l’une des plus passionnantes au monde, la vie de patron de presse est le contraire d’une sinécure. Jean-Marie Colombani, patron s’il en est mais aussi journaliste en fait la cruelle expérience. Soumis aux règles impitoyables de la démocratie interne dont son journal s’enorgueillit, il vient de trébucher.
Il se relèvera à coup sûr au Monde ou ailleurs , mais la déconvenue est évidemment douloureuse. Jean-Marie Colombani laissera, comme patron du quotidien, le souvenir d’un homme qui vivait pour son journal, et qui a exercé son grand pouvoir pour tenter de concilier les principes qui lui donnent sa légitimité avec les difficultés d’un marché en total bouleversement.
On dira qu’il a trop composé, qu’il a prêté le flanc à la critique des déontologues, qu’il a perdu par la force des choses le contact intime avec sa rédaction, qui le lui fait aujourd’hui payer. Peut-être. Mais il a aussi relevé dans un premier temps une maison vénérable qui croulait, lui rendant projet et équilibre.
Confronté, comme nous tous, à un paysage plein de menaces, il a jugé que la constitution à marche forcée d’un vaste groupe autour du Monde était la meilleure garantie de sa survie. Personne ne peut aujourd’hui honnêtement soutenir qu’il a eu tort. Nous voulons souligner sa passion du métier et son ambition de stratège. Nous lui souhaitons bon vent.
Libération, qui sort d’une crise elle aussi cruelle, se gardera évidemment de donner une quelconque leçon à quiconque. La souveraineté rédactionnelle a parlé. Elle a sans doute ses raisons, qui sont respectables. Mais la crise du Monde rappelle aussi cette dure réalité : aucune indépendance ni même aucune existence pour un journal ne peut résister à terme à un déficit grave et prolongé. La presse est libre, ce qui veut dire qu’elle ne peut vivre de subventions ou de mécénat. La liberté du journaliste, notre bien le plus précieux, est à ce prix.
Messages
1. Au prix fort, 24 mai 2007, 10:29
Mortellement drôle cet édito de Joffrin
Il était en forme dites moi....